Selon le récit de la Bible, il a fallu 40 jours de provocation avant qu’un  jeune berger hébreu du nom de David relève le défi du géant philistin, connu sous le nom de Goliath.

On connaît la suite. Le minuscule David, grâce à sa fronde, est parvenu à le terrasser et ensuite l’achever d’un coup d’épée.

Autre temps, autres mœurs.

Ce samedi, un autre David, celui-là « made in Québec », va se mesurer à celui que les Américains se plaisent à appeler Goliath et qui est aussi mieux connu sous le surnom de GGG.

J’ignore si la fin de cet affrontement entre Lemieux et Golovkin sera d’aussi courte durée que le récit de la Bible, mais je sais que c’est la meilleure aubaine de la semaine à la télévision payante.

À 59,99 $ pour cet affrontement, c’est une aubaine comparativement à la « Valse du bras blessé » entre Floyd Mayweather et Manny Pacquiao, qui a coûté presque deux fois le prix.

Quand on pense qu’il se pourrait que les deux s’affrontent à nouveau, on se demande si on ne nous prend pas pour des poires.

Mais revenons à notre David et GGG.

La phrase la plus célèbre que j’ai retenue de la part de Lemieux, c’est quand il a déclaré publiquement qu’il étonnerait le monde entier par sa victoire sur Gennady Golovkin.

Je sais que sa tâche ne sera pas facile. Je comprends qu’il est le négligé des parieurs. Après avoir jeté un coup d’œil sur le baromètre, j’ai compris qu’il était en arrière dans à  peu près tous les domaines. Pourtant, ses partisans se fichent pas mal du baromètre et de tout le tralala qui l’entoure. 

À quelques jours du plus important combat de sa carrière, David  Lemieux me fait penser à Matthew Hilton, à la veille de son affrontement contre Buster Drayton. Lui non plus ne devait pas gagner, et pourtant, le 27 juin 1987, le rêve se réalisa. Matthew devenait le champion mondial IBF des super-mi-moyens.

Un fait demeure : la veillée ne devrait pas être longue samedi soir. Si on jette un coup d’œil sur le baromètre, les deux pugilistes ont gagné près de 50 % de leurs combats avant le troisième engagement.

Nombre de K.-O. par round

Pas moins de 35 des 69 combats des deux boxeurs ont pris fin en moins de trois rounds (25 pour Lemieux, 10 pour Golovkin)

Lemieux, par l’entremise de Bernard Hopkins, a prétendu que Golovkin serait vaincu avant le huitième round. Chez Golovkin, c’est son entraîneur, Abel Sanchez, qui a déclaré que son poulain l’emporterait au quatrième engagement.  Une chose est certaine, un des deux aura raison samedi soir prochain.

Une autre déclaration que j’ai bien aimée chez Lemieux est une réplique après qu’on lui ait dit que GGG était parvenu à absorber tous les coups de Curtis Stevens lors de leur affrontement.

« C’est vrai, d’admettre David. Mais Golovkin ne sera pas capable de prendre tous mes coups sans broncher. Même un robot éprouverait des ennuis avec  mes coups de puissance. »

À cinq K.-O. du record

Si jamais GGG devait remporter la victoire, il en serait à son 15^e triomphe en match de championnat, ce qui surpasserait Carlos Monzon, qui avait gagné 14 fois en combat de championnat chez les poids moyens.

Mais le grand record moderne est loin d’être en péril puisqu’il s’établit à 20 triomphes et c’est nul autre que l’admirateur numéro un de David Lemieux, Bernard Hopkins, qui en est le détenteur.

Autre avantage de GGG, c’est cette marque de deux triomphes contre aucun revers dans des combats contre des champions. Les deux vaincus sont Kassim Ouma et Daniel Geale.

Les fiches chez les amateurs

Chez les amateurs, les dossiers des deux hommes ne se comparent pas. Lemieux présente une fiche de 91-12 et a été couronné champion canadien à trois occasions. Il n’a jamais fait partie de l’équipe canadienne aux Jeux olympiques.

Golovkin, lui, est détenteur d’une fiche de 345-5-0. Il a aussi participé aux Jeux olympiques de 2004, où il a battu Andre Dirrell en quart de finale avant d’abdiquer devant le Russe Gaydarbek Gaydarbekov. Il a tout de même gagné la médaille d’argent au final.

Si vous voulez une bonne idée de sa force de frappe, demandez à Lucian Bute. En 2003, Bute et Golovkin se sont affrontés lors du championnat mondial à Bangkok, en Thaïlande. Jusque vers la fin du quatrième engagement, Bute se tirait assez bien d’affaire contre GGG, mais soudainement, un foudroyant crochet en direct de la droite a terrassé le Roumain et c’était chose faite. Un coup, une seule droite, et le tour était joué. GGG était victorieux par K.-O. au quatrième round.

Pas la même expérience

Quand on parle d’expérience, on ne peut mettre les deux pugilistes dans le même bateau, et j’ai l’impression que c’est là que va se jouer le verdict final. Non seulement Golovkin n’a jamais été vaincu chez les amateurs ni chez les professionnels, mais encore mieux… il n’a jamais visité le tapis, ce qui prouve qu’il a un solide menton.

Les deux boxeurs ont combattu contre deux adversaires communs.

Le premier, c’est nul autre que Marco Antonio Rubio. Le nom de Rubio résonne mal dans la tête de David Lemieux. Au Centre Bell, après avoir dominé nettement les cinq premiers assauts, le Lavallois avait soudainement baissé de régime, puis au septième round, son gérant du temps, Russ Amber, a lancé la serviette. Lemieux n’a jamais digéré ce geste de la part de Russ, et peu de temps après, il y a eu divorce entre les deux hommes.

Ce même Rubio n’a pas fait long feu contre GGG. C’est avec  la peur dans les yeux qu’il s’est présenté sur le ring, et dès le deuxième engagement, il est resté étendu au sol. Il en avait assez. Supposément qu’il avait maigri trop vite pour atteindre le poids réglementaire et qu’il manquait d’énergie avant même de monter sur le ring.

Lemieux n’est plus le même

Huit mois après cette défaite contre Rubio, sa première en carrière après 25 victoires de suite, Lemieux s’est présenté devant l’ex-champion mondial Joachim Alcine. Pour une deuxième fois de suite, notre Lavallois quittait le ring avec une défaite par décision en 12 rounds.

Lemieux admet volontiers qu’il n’est plus le même homme. Il a repris sa vie en main et a cessé ses folies de jeunesse. Il doit dire vrai puisqu’il est invaincu depuis ce jour, ayant collé neuf victoires de suite, dont sept par K.-O.

Le second pugiliste que GGG et Lemieux ont en commun est Gabriel Rosado. En 2013, ce Rosado avait été tailladé en pièces par Golovkin, si bien qu’au septième engagement ses hommes de coin avaient lancé la serviette.

Golden Boy étonné

C’est justement le combat contre Gabriel Rosado qui a permis à Oscar De La Hoya de devenir un admirateur de David Lemieux. Le président de Golden Boy ne se gêne pas pour crier haut et fort que son poulain va battre GGG par K.-O, et son adjoint Bernard Hopkins est du même avis.

Après cette victoire par K.-O. technique au dixième round, Lemieux a mérité son match de championnat contre Hassan N’Dam N’Jikam qu’il a vaincu par décision unanime.

Samedi soir prochain, Lemieux et Golovkin se battront pour les titres IBF, WBC et WBA, la triple couronne.

N’oubliez pas que le vainqueur est pratiquement assuré d’un match de championnat millionnaire contre le vainqueur du duel entre Miguel Cotto et Saul Alvarez.

Pas facile de prédire

Ce n’est pas facile de prédire qui sortira vainqueur. Je vais donc y aller de mon opinion personnelle. Vous n’êtes pas obligés d’être d’accord.

Les deux pugilistes ont un bon jab, mais celui de GGG est plus sec, plus puissant que celui de Lemieux.

Pour les crochets, la force de frappe est à peu près  égale. Celui de Golovkin se concentre surtout à la tête tandis que celui de Lemieux se trouve souvent sur la cage thoracique.

Il y a aussi la rapidité d’exécution, et là, Lemieux est peut-être légèrement en avance, mais par très peu.

En contre-attaque, c’est GGG qui domine cette stratégie. Il coupe très bien le ring, vous laisse venir à lui et laisse partir un crochet qui vous assomme plus souvent qu’autrement.

Enfin, il y a le direct, et à ce chapitre, GGG est vraiment en avance. Lemieux a un bon direct mais il l’utilise moins souvent que son rival.

En somme, c’est l’expérience qui devrait faire la différence, et encore là, il faut pencher du côté de Golovkin, surtout à cause de sa longue carrière amateur et de sa fiche sans bavure chez les pros.

Le cœur et la raison    

Comme la plupart d’entre vous, je voudrais bien que David Lemieux coiffe la triple couronne samedi, mais c’est loin d’être chose faite. L’expérience, les statistiques, le dossier amateur, bref tout le bagage de Gennady Golovkin semble supérieur à celui de David Lemieux.

« Je sais que nous n’aurons pas la tâche facile,  ne manque pas de préciser Marc Ramsay, l’entraîneur de Lemieux. Mais nous sommes prêts pour tout ce qu’on lancera de notre côté. »

Quant à Golovkin, il a corrigé son entraîneur Abel Sanchez quand ce dernier a crié  haut et fort que son poulain l’emporterait en quatre rounds.

« C’est un bon boxeur, de dire Golovkin, en parlant de son rival. Je le respecte. Il est dangereux. C’est un gros test pour moi. »

La confiance de Lemieux

Si on peut donner des points pour la confiance en soi, tant mieux pour David Lemieux.  Non seulement a-t-il prétendu qu’il surprendrait le monde entier, mais il a ajouté : « J’y vais comme un taureau. Personne n’est invincible sur cette terre. On dit que Golovkin frappe comme s’il avait un bazooka dans les mains. D’accord. Mais cela sert à quoi un bazooka si on  n’a pas de munition? Willie Monroe a placé de bons coups au visage de GGG. Si ces coups avaient été les miens, Golovkin aurait chuté. »

MON CHOIX (et j’espère me tromper) : Gennady Golovkin  par K.-O. au cinquième round.

Bonne boxe!

LE BAROMÈTRE