Passer au contenu principal

RÉSULTATS

Des combats marquants au Québec avec Gary Shaw

Gary Shaw et Yvon Michel - Vincent Éthier
Publié
Mise à jour

COLLABORATION SPÉCIALE

Notre ami Gary Shaw (1944-2024) nous a quittés jeudi dernier, il avait 79 ans. J'en parle ici parce qu'il a été un partenaire important pour l'industrie de la boxe québécoise au début des années 2000 jusqu'en 2014. Il est venu ici très souvent, j'ai de nombreuses anecdotes à son sujet et on a passé du temps de qualité ensemble.

C'était un homme un peu bourru, très exigeant et pointilleux en affaires, mais aussi un bon vivant, qui aimait rire, possédait un humour cinglant, drôle et adorait la bonne cuisine. Son restaurant préféré ici était le Da Emma, dans le Vieux-Montréal. 

La première fois que je l'ai rencontré, il était le chef de la direction de Main Events dont la présidente était Kathy Duva. C'était en 2000 et on s'est entendu afin de permettre à Arturo Gatti de boxer au Centre Molson contre Joe Hutchinson, le 8 septembre. Il y avait plus de 16 000 partisans exaltés pour assister à sa victoire aux points. En demi-finale, on y présentait le dernier combat de la trilogie Hilton-Ouellet.

Ce sera le seul combat de Gatti au Québec. À son combat suivant, il affrontait Oscar De La Hoya au MGM Grand de Las Vegas. On a tout tenté pour le ramener ici, ayant même le support D'Aldo Giampaolo qui était le président de Gillett Entertainment Group. Il était prêt à investir les sommes nécessaires pour attirer la jeune sensation au Centre Molson.

Le problème est que nous avons été victimes de notre succès et Gary Shaw a eu peur de nous. En fait, il craignait de perdre le contrôle de sa principale vedette et il a tout fait pour l'éloigner de Montréal. C'est évident qu'Arturo avait toutes les qualités pour être une attraction majeure au Québec et qu'il aurait aimé en faire sa place de choix. Gary le savait et n'avait pas l'intention de partager les revenus engendrés pas ses combats avec qui que ce soit.

C'est par la suite qu'Arturo deviendra la plus grande vedette sportive à Atlantic City et les neuf derniers combats de sa carrière seront disputé au célèbre Boardwalk Hall, à commencer par le dernier de la trilogie avec Micky Ward.

C'est sous l'initiative de Shaw que le réseau de télévision Showtime a mis sur pied la populaire Série « Shobox New Generation » qui devait permettre de découvrir de jeunes espoirs. Il cherchait un adversaire crédible pour son boxeur Martin O'Malley (17-0, 14 K.-O.) pour son gala d'ouverture à Atlantic City, le 21 juillet 2021, quand il m'a appelé. Je lui ai proposé notre boxeur d'InterBox Leonard Dorin (17-0, 7 K.-O.). Dorin devait l'emporter par K.-O. technique au 9e et deux combats plus tard il devenait champion du monde WBA, le premier issu de Shobox.

La Série était lancée, elle va durer 22 ans et va donner une première chance à des dizaines de futurs champions du monde. 

Gary Shaw a quitté Main Events pour former sa propre compagnie Gary Shaw Promotions (GSP) en 2002. 

Sollicité par Jacques Aubé du Groupe Gillet, il revient à Montréal le 4 avril 2009 pour présenter le premier combat de championnat du monde unifié de l'histoire, au Québec. Timothy Bradley Jr y défendait son titre WBC des super légers contre le champion WBO Kendall Holt sur le réseau américain Showtime.  

Bien que la soirée fût un succès sportif, celui financier ne fut pas au rendez-vous pour l'organisation du Centre Bell. Mais Gary, lui, y trouva son profit.

L'année suivante, le 14 août 2010, Jean Pascal défend son titre WBC des mi-lourds pour la 3e fois contre un protégé de Gary Shaw, Chad Dawson, qui est considéré comme le 5e boxeur au monde livre pour livre. Pour la première fois de l'histoire de la boxe au Canada, le plus prestigieux réseau de télévision pour la boxe, HBO, va télédiffuser l'événement.

À cette époque, il y a deux champions du monde au Québec, l'autre étant Lucian Bute champion IBF des super moyens. Il est sans contredit la plus grande vedette au Québec et a déjà six victoires en championnat du monde, cinq au Centre Bell et une au Colisée Pepsi de Québec.

Normalement après la pesée officielle, les co-promoteurs d'un événement vont souper ensemble et en profitent pour parler affaires. Après la pesée Pascal-Dawson, Gary nous dit qu'il est fatigué et souhaite rentrer à son hôtel. Ce n'est que le lendemain qu'on découvre que non seulement il n'est pas allé à sa chambre, mais qu'il a participé à une réunion en compagnie de Jean Bedard d'InterBox et Kery Davis VP chez HBO pour parler du combat suivant; Chad Dawson contre Lucian Bute!

Lors du combat, Jean Pascal va livrer l'une des meilleures performances de sa carrière en prenant la mesure de Dawson aux points au grand dam de Shaw et Davis. 

Gary nous a par la suite confié qu'il est convaincu que ce souper pour comploter un combat Bute-Dawson, en présupposant une victoire de son boxeur, lui a porté malheur et il a juré qu'on ne le reprendrait plus jamais à commettre cette erreur.

Dawson, après une victoire contre Adrian Diaconu à sa sortie suivante, en demi-finale de Pascal/Hopkins au Centre Bell, redevient champion du monde en détrônant Hopkins. Il revient à Montréal le 8 juin 2013 un peu déçu d'affronter un pur inconnu au niveau international, Adonis Stevenson. 

Nous avons réussi à convaincre HBO et Gary Shaw de revenir à Montréal, mais en contrepartie nous avons dû céder à GSP tous les revenus du télédiffuseur (HBO) et également 50 % des droits futurs de Stevenson, pour 3 combats, incluant un combat revanche, si jamais le gaucher québécois devait l'emporter. Comme je vous disais, Shaw était exigeant en affaires. Nous n'avions pas le choix si on voulait donner à notre boxeur sa chance. Adonis était classé chez les super moyens, n'avait pas encore obtenu de victoires significatives et était un aspirant optionnel pour le champion.

Shaw nous a bien accompagnés, cette fois-ci, au souper la veille du combat, au Houston du centre-ville. Toute notre équipe était extrêmement confiante pour le lendemain et nous l'exprimions librement. Gary, avec qui nous avions bâti une belle amitié, se demandait comment il ferait pour nous consoler le lendemain tellement Dawson était largement favori et qu'il était convaincu de sa victoire.

Le combat fut expéditif, 76 petites secondes ont suffi pour que le Québécois devienne champion du monde. Dawson dans son coin ne comprend pas encore ce qui vient de se passer. À l'annonce officielle du résultat par Michael Buffer, qui est dans notre coin avec un grand sourire? Gary Shaw qui me tend la main et qui me dit : « Congratulations partner ».

Mais oui Shaw est devenu ainsi co-promoteur d'Adonis avec nous, pour trois combats. À sa première défense, Stevenson affronte celui qui vient tout juste de se faire dépouiller de son titre IBF contre Bernard Hopkins, six mois plus tôt, dans une décision serrée, Tavoris Cloud, un boxeur de Don King.

Comme à l'habitude la veille du combat, Alexandra Croft et moi convions nos invités au restaurant. Cette fois, c'est chez Da Emma. Autour de la plus grande table il y a l'inégalable Don King et sa VP Dana Jamison, Gary Shaw et son fils, Peter Nelson d'HBO ainsi que Don Majeski de NY. Ce fut l'une des plus belles soirées de ce genre ici et je n'en garde que de merveilleux souvenirs. Elle s'étira jusqu'à bien après après la fermeture de l'établissement.

Le lendemain, Don King est assis entre moi et Gary. Juste avant que le combat commence j'entends King qui se tourne vers Gary et lui dit : « Ça ne devrait pas être trop difficile, on m'a dit que Stevenson avait juste eu un lucky punch contre ton boxeur à son dernier combat. » Gary s'esclaffe de rire, d'un fou rire moqueur et il lui répond : « C'est Yvon qui t'a dit ça dans ses négociations? Eh bien tu vas avoir une belle surprise. » Après s'être fait martyriser pendant sept rounds, Cloud abandonne avant le 8e round. 

Gary n'était pas là au combat suivant d'Adonis contre Tony Bellew à Québec, sa santé ne lui permettait pas, mais on lui fait parvenir sa part. Il n'y a jamais eu de combat revanche contre Dawson qui n'a jamais montré d'intérêt, mais on a dû tout de même verser une compensation à Gary. 

GSP devait mettre fin à ses activités de promotion de boxe 18 mois plus tard en 2015, après avoir organisé 175 galas de boxe avec de grands champions comme Arturo Gatti, Lennox Lewis, Vladimir Klitschko, Tim Bradley, Diego Corales, Shane Mosley, Miguel Cotto et Felix Trinidad entre autres. 

Nous n'avons plus eu l'occasion de retravailler ensemble, mais on se parlait régulièrement. Le dernier message que j'ai de lui sur mon téléphone est du 19 juin 2023 : « Yvon happy father's day to you and to your many children across the world. :) »

Repose en paix cher ami!

Jared Anderson sans opposition et sans éclat, Ajagba et Vianello un bon spectacle

J'avais hâte de revoir le poids lourds Jared « The Real Big Daddy » Anderson (17-0, 15 K.-O.) qui affrontait le Belge Ryad Merhy (32-3, 26 K.-O.) samedi dernier. Je suis vraiment demeuré sur mon appétit alors que Merhy, qu'on ne reverra plus de sitôt, n'a fait aucun effort pour l'emporter et Anderson ne s'est jamais allumé.

Le géant nigérien Efe Ajagba (20-1, 14 K.-O.) l'emporte pas décision partagée sur le Romain Guido « The Gladiator » Vianello (12-2-1, 10 K.-O.). Très bon combat entre deux vrais professionnels, on va les revoir. Cependant pas encore convaincu de leur potentiel.

L'Arabie Saoudite bouleverse l'industrie de la boxe professionnelle

Ça ne fait que quelques mois d'opération, mais Turki Alalshikh et son groupe bouleversent actuellement toute l'industrie de la boxe professionnelle. 

On vient d'annoncer en grande pompe le combat du champion WBC, IBF et WBO des mi-lourds d'Artur Beterbiev (20-0-0, 20 K.-O.) contre le champion WBA Dmitrii Bivol (22-0, 11 K.-O.) à Ryad le 1er juin prochain. Des bourses pour les belligérants que personne n'aurait pu leur verser. Pour les télédiffuseurs, ce sera DAZN partout dans le monde, mais aux États-Unis c'est ESPN pour le combat du Canadien contre le Russe.

On a annoncé en même temps le 5 contre 5 Matchroom contre Queensberry dans une confrontation en équipe. Tous ces combats auraient pu être des finales dans leurs marchés respectifs avant l'arrivée des Saoudiens.

Tyson Fury vient d'annoncer qu'il a conclu une entente de principes avec le groupe pour 10 combats en prétendant que ça le rendrait milliardaire.

On ne veut pas se contenter d'opérer à Ryad. Les plans prévoient qu'en septembre les promotions vont se transporter à Wembley à Londres avant de retourner au Moyen-Orient pour un autre possible affrontement titanesque entre le gagnant de Beterbiev-Bivol et de Benavidez-Gvozdyk du 22 juin prochain à Houston.

Régulièrement la boxe subit des transformations majeures. Certaines sont éphémères et d'autres résistent plus longtemps, mais l'industrie de la boxe a appris à s'adapter et à bien réagir. Chaque fois, les boxeurs ont été les grands gagnants avec des augmentations importantes de ressources financières et des bourses plus imposantes. 

Quand j'étais plus jeune, dans les années 1960, les grands combats de boxe se déroulaient sur le réseau de télévision américain ABC dans le cadre de Wide World of Sports. 

HBO, un réseau de télévision par câble, est arrivé en 1973 avec le combat George Foreman contre Joe Frazier de la Jamaïque. Une révolution majeure et une arrivée massive d'argent supplémentaire. On a prédit un désintéressement populaire de la boxe qui n'est plus disponible gratuitement avec les antennes de lapin. Ça ne s‘est jamais produit.

En 1990, HBO a fondé TVKO une voie de distribution à la carte. Dorénavant il faudra payer pour voir les meilleurs combats. C'était vraiment être visionnaires.

Premiere Boxing Champions est arrivé en 2014 avec un influx d'argent majeur et les craintes d'un monopole en boxe professionnelle ont provoquées des poursuites en justices. Les inquiétudes ne sont pas matérialisées, au contraire les autres promoteurs ont trouvé des ressources pour demeurer compétitifs et les poursuites ont été caduques.   

Quand DAZN est arrivé en distribution numérique, il y a quelques années, ils ont prédit la fin du PPV (Télévision à la carte). DAZN s'est présenté dans le marché avec des budgets milliardaires. LE PPV n'a pas disparu, le marché et les autres promoteurs se sont adaptés et les boxeurs ont eu un meilleur pouvoir de négociations.

D'autres plateformes numériques majeures ont emboité le pas, ESPN+, Prime Video, Netflix, de plus, presque tous les promoteurs ont leurs propres plateformes de présentation numérique et la distribution à la carte est maintenant la norme. Même DAZN a changé son fusil d'épaule et a embarqué.

La dernière nouveauté est l'arrivée opulente de ressources pécuniaires des pétro dollars. C'est survenu auparavant pour les autres sports comme la Formule 1, golf, soccer, tennis et maintenant c'est la boxe. 

Turki Alalshikh et sa compagnie General Entertainment, après l'Angleterre, prévoient également, à court terme organiser des événements aux États-Unis.

Au bout du compte, ce sont tous les fans de boxe qui en profitent le plus parce que les frontières, encore récentes, d'exclusivités de télévision et de droits de promotions ne sont plus des obstacles à la réalisation d'un grand combat comme Beterbiev-Bivol.

Bonne semaine!