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Marie-Ève Dicaire ne voulait pas livrer le combat de trop

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MONTRÉAL - « À tous ceux qui me disaient qu'il n'y avait pas de place pour mener une carrière en boxe féminine et que je rêvais en couleurs, je leur ai prouvé que tout est possible quand on pousse des portes. »

Ces mots, Marie-Ève Dicaire aurait certainement pu les prononcer mercredi après-midi pendant qu'elle confirmait qu'elle tirait un trait sur une carrière de 20 duels au cours de laquelle elle est devenue la première championne du monde de l'histoire de la boxe professionnelle québécoise.

Mais en réalité, ils ont été lancés après son deuxième combat seulement disputé en janvier 2016 en sous-carte d'un gala de Groupe Yvon Michel tenu au Cabaret du Casino de Montréal. Comme si Dicaire avait toujours eu l'intime conviction qu'elle confondrait continuellement les sceptiques.

Le temps lui a finalement donné raison, car en plus de ses exploits sportifs – elle a détenu le titre des super-moyennes de l'IBF de décembre 2018 à mars 2021 et de décembre 2021 à novembre 2022 en plus de livrer deux duels d'unification –, Dicaire a directement contribué à l'émergence d'une génération de boxeuses pour qui évoluer chez les professionnelles n'était pas une option.

D'ailleurs, le choix du 8 mars pour annoncer sa retraite n'est pas anodin, étant donné que c'est un 8 mars qu'elle a signé son premier contrat avec GYM en 2016, mais davantage parce qu'il s'agit de la Journée internationale des droits des femmes. Si Dicaire n'avait pas été là, il y a fort à parier que Kim Clavel ne serait pas ensuite devenue la plus grande vedette de l'industrie locale.

« J'ai toujours su, mais en même temps, je n'avais pas de plan, a avoué la femme âgée de 36 ans en marge d'une conférence de presse organisée à la Place Ville-Marie. Je suis une fille qui fonce, mais je pense que je le réalise pleinement aujourd'hui. Toute ma carrière, j'ai toujours été concentrée à regarder devant et des fois, j'oubliais de mettre sur pause pour regarder derrière.

« Mais aujourd'hui, je peux enfin me reposer et regarder ce que j'ai fait. Quand j'ai annoncé que j'étais sous contrat avec GYM, tout le monde riait. On l'a juste fait et c'est un peu le message que j'ai envie de lancer : "tu as un rêve, vas-y! Ne laisse personne te mettre des bâtons dans les roues. Fais juste t'entourer des bonnes personnes et tu vas voir qu'il n'y en a pas de limites!" »

Ce n'est évidemment pas un hasard si Dicaire était accompagnée de plusieurs des membres de son équipe, à commencer par son promoteur Yvon Michel et son entraîneur Stéphane Harnois. Elle a notamment reconnu qu'il sera extrêmement difficile de ne plus côtoyer quotidiennement ceux qui lui ont permis d'atteindre les objectifs qu'elle s'était fixés et que l'idée de disputer un 21e combat après sa défaite contre Natasha Jonas en novembre dernier lui avait traversé l'esprit, même si elle avait pourtant précédemment décidé que le choc en Angleterre serait son dernier.

« [Les derniers temps ont été] super difficiles, a reconnu Dicaire. J'avais demandé à Yvon si je pouvais accrocher mes gants sur le ring parce que je voulais faire le geste de façon symbolique, mais il m'avait répondu non parce qu'il ne voulait pas que ce geste fasse un voile sur ma performance. En faisant cela, les gens ne parleraient que de ma retraite et non de mon combat.

« Mais à mon retour dans l'avion, je me disais que je ne pouvais pas me retirer là-dessus avec les classements qui bougeaient et l'actualité dans le monde de la boxe. J'appelais Samuel (Décarie-Drolet, un de ses entraîneurs, NDLR). Mais aujourd'hui, je suis en paix et sereine, et prête à mordre à pleines dents dans cette nouvelle carrière [dans le monde des communications]. »

Parlant de Michel, il a rendu un vibrant hommage à Dicaire en racontant qu'il avait été tellement emballé par Dicaire au terme de leur première rencontre qu'il s'était dit que « si nous devions commencer avec une fille, c'est celle-là qu'il nous fallait! ». Le promoteur a ensuite demandé à Dicaire si sa retraite était réellement définitive, puisque les propositions continuaient d'affluer.

« La ligne est mince entre "je suis au sommet de ma forme" et "j'ai fait le combat de trop", a ensuite précisé Dicaire. J'ai 30 ans de sports de combat derrière. J'en ai donné des coups de poing et j'en ai reçus. C'est un peu un miracle que je sois sensiblement encore en super santé.

« J'ai étiré l'élastique et je vais arrêter avant qu'il me pète dans les mains. Je suis usée, ce n'est rien de majeur, mais ce sont des choses qui pèsent dans la balance. J'ai le [ligament] croisé antérieur déchiré, le ménisque déchiré et le tendon d'Achille déchiré. À un moment donné... »

Au final, Dicaire n'a absolument aucun regret et ne changerait absolument rien à son parcours.

« Je sais que je ne vivrai jamais avec le remord de me dire que j'aurais dû faire un autre [combat] et que j'aurais peut-être dû faire les choses différemment, a conclu Dicaire. Là, j'ai choisi de À à Z comment les choses allaient se passer. C'est ce qui me permet d'être très en paix. Je suis un peu émotive, mais pas tant. Je suis juste contente de vivre ce moment-là. C'est ce que j'ai choisi. »