MONTRÉAL – « Steve Claggett est probablement l’un des boxeurs les plus sous-estimés dans le monde de la boxe. Il a toujours combattu sur la route, et souvent, il a été capable de gagner. »

 

Le promoteur Camille Estephan savait exactement à quoi s’attendre lorsqu’il a décidé d’opposer l’Albertain à Mathieu Germain en finale de son gala présenté samedi soir au Casino de Montréal.

 

Après tout, ce même Claggett était déjà venu jouer les trouble-fêtes en octobre 2017 en battant Yves Ulysse fils par décision partagée des juges, un résultat controversé qui n’a ensuite pas eu trop d’incidence sur la carrière du flamboyant boxeur puisqu’il s’est racheté un mois et demi plus tard en signant une victoire spectaculaire sur le cogneur Cletus Seldin sur les ondes de HBO.

 

Avant de se faire connaître des amateurs québécois, Claggett avait combattu aux Philippines, en Californie, au Colorado et à Las Vegas, arrivant souvent à court non sans avoir vendu chèrement sa peau. Étant pratiquement toujours appelé à la dernière minute pour affronter un adversaire jouissant d’une forte réputation, il n’était jamais en mesure de réunir les conditions gagnantes.

 

Dans la foulée de sa victoire sur Ulysse, Claggett espérait qu’il pourrait enfin avoir un tantinet le contrôle de sa destinée, mais encore une fois, il a dû accepter un combat à trois semaines d’avis pour assurer sa subsistance. L’Albertain s’est très bien défendu, sauf qu’il a dû s’avouer vaincu.

 

Plus tard, son gérant a même conclu une entente de principe avec Estephan pour une revanche avec Ulysse, mais Claggett jugeait le délai complètement déraisonnable, ce qui l’a incité à ne pas opposer sa signature au bas du contrat. Est alors entré en scène Germain, qui réclamait depuis des lunes un choc d’importance afin de prouver qu’il était le meilleur dans sa catégorie au pays.

 

Même si plusieurs observateurs du monde de la boxe étaient d’avis qu’Ulysse avait remporté son combat contre Claggett, ils s’accordaient tous pour dire que Germain était trop intelligent, trop mobile et trop déterminé pour tomber dans le même piège que son coéquipier chez Eye of the Tiger Management. Le défi était de taille, mais il saurait assurément le relever avec brio.

 

Lucide, son entraîneur Mike Moffa avait plutôt suggéré qu’il s’agissait d’un avant-goût avant de se mesurer à l’élite de la boxe et que « c’est un gars que nous sommes censés battre si on veut cogner à la porter d’un combat de championnat ». Moffa avait également rappelé que Claggett avait été choisi et que le résultat en dirait énormément sur la suite des choses pour son protégé.

 

Comme il fallait s’y attendre, Germain et Claggett ont disputé un combat extrêmement intense qui est déjà un sérieux candidat au titre de duel de l’année sur la scène canadienne, mais l’athlète originaire de Rosemont ne l’aurait vraisemblablement pas terminé sur ses deux jambes s’il avait été prévu pour douze rounds comme c’est le cas pour ceux de championnat du monde.

 

Même s’il pensait en avoir fait assez pour gagner, Germain a reconnu que ses jambes étaient lourdes au dixième et dernier round. Dans les deux dernières minutes, il n’a jamais été capable d’atteindre solidement son adversaire pour le repousser et ainsi se donner le temps de souffler. Dans une catégorie aussi relevée que celle des super-légers, cela serait dangereux face à l’élite.

 

Germain avait réussi à créer un effet bœuf depuis ses débuts chez les professionnels en avril 2015 à Sorel. D’abord parce qu’il possède une réelle aisance devant les caméras et qu’il tient des propos pertinents, mais surtout parce qu’il n’avait échappé absolument aucun round à ses quatorze premières sorties. Dès lors, certains enthousiastes parlaient de futur champion.

 

La rencontre entre Germain et Claggett a eu le mérite de rappeler à quel point le chemin vers les plus hauts sommets est parsemé d’embûches. Les succès de plusieurs boxeurs québécois sur la scène internationale au cours des deux dernières décennies ont certainement aidé à embellir la réalité, d’autant plus que très peu d’athlètes formés entièrement ici ont été sacrés champions.

 

À ce niveau, il ne suffit malheureusement pas d’être bon, il faut vraiment être très talentueux.

 

Cela dit, il n’y a aucun mal à vouloir savoir jusqu’où son talent peut mener. Si Ulysse est parvenu à se relever à la suite de son revers face à Claggett, Germain peut se remettre d’un match nul. La grande question demeure cependant à savoir si son promoteur pourra lui offrir cette possibilité.