MONTRÉAL – Si vous avez suivi attentivement la carrière de Georges St-Pierre, vous reconnaîtrez des visages familiers lorsque l’ancien champion des mi-moyens de l’UFC émergera des coulisses du Madison Square Garden samedi.

Il y aura Firas Zahabi, son grand complice. Les deux sont pratiquement inséparables depuis que St-Pierre a demandé à son bon ami de l’aider à prendre sa carrière en main après sa défaite contre Matt Serra en 2007. Zahabi est le grand stratège du clan et c’est sa voix qui a préséance une fois franchie la porte de l’octogone.

Le chauve aux yeux bleus perçants, John Danaher, est une sorte de savant fou avec qui St-Pierre s’est découvert des atomes crochus dès ses premières visites à l’Académie Renzo Gracie, une école de jiu-jitsu de New York. Danaher est dans le coin de son célèbre élève depuis son combat contre Thiago Alves à l’UFC 100. « John et moi sommes deux obsessifs compulsifs, a déjà déclaré St-Pierre. On peut passer des heures à répéter la même technique, encore et encore, jusqu’à ce que je la maîtrise parfaitement. C’est pourquoi on s’entend si bien. »

Freddie Roach n’a pas besoin de présentation. Légendaire entraîneur de boxe, surtout reconnu pour son travail aux côtés de Manny Pacquiao et Miguel Cotto, son expertise l’a aussi amené à diversifier sa clientèle et à travailler avec quelques-uns des meilleurs cogneurs de l’UFC. Il gravite dans l’entourage de St-Pierre depuis son deuxième combat contre Josh Koscheck, en 2010, mais l’UFC 217 marquera sa première présence officielle dans le coin du Québécois.

Kristof Midoux, Greg Jackson, Phil Nurse, Jon Chaimberg et même David Loiseau ont tous eu leur place dans la garde rapprochée de GSP au cours de la dernière décennie, mais vous ne les verrez nulle part quand leur vieil ami recevra les dernières consignes des officiels avant son combat contre Michael Bisping. Pour compléter le quatuor qui l’accompagnera jusqu’à la porte de l’octogone pour la première fois en quatre ans, St-Pierre a plutôt décidé de faire confiance à un entraîneur privé de Toronto qui est encore relativement inconnu dans le petit monde des arts martiaux mixtes, un Espagnol de 35 ans qui répond au nom de Jorge Blanco.

Initié au judo à un jeune âge, Blanco a été champion national de kickboxing et membre de l’équipe olympique de boxe de son pays natal. Avocat de formation, il a quitté son travail de bureau il y a quelques années afin de se consacrer à temps plein au sport de combat. Affilié au gymnase OpenMat Mixed Martial Arts, dans la Ville Reine, il offre des cours selon une méthode d’entraînement personnalisée. Sa clientèle, principalement composée de quidams cherchant simplement à garder la forme, comprend également des combattants de haut niveau et quelques joueurs de la Ligue nationale de hockey.

Blanco a fait connaissance avec St-Pierre par l’entremise de Mark Bocek, un ancien poids léger de l’UFC qui avait fait du Tristar Gym son quartier général dans les dernières années de sa carrière. En 2012, Bocek avait pris l’initiative d’inviter Blanco à Montréal pendant que St-Pierre était en préparation pour la septième défense de son titre contre Carlos Condit.

« J’ai fait un round de sparring avec Georges et ensuite, Firas est venu me voir pour me demander si je voulais rester plus longtemps, raconte Blanco. Je suis plus grand que Georges et on voulait m’utiliser pour simuler l’avantage de portée qu’aurait son adversaire. Je suis aussi assez dynamique et mobile pour ma grosseur, ce qui me permettait de copier le rythme et la pression généralement imposés par Condit. C’est parti de là et peu à peu, je suis devenu un membre à part entière de son équipe ou de son entourage, appelez ça comme vous voulez! »

Jorge Blanco, Freddie Roach et Georges St-PierreSt-Pierre et Blanco ont développé une relation qui va bien au-delà du rapport élève-enseignant. Sur leurs comptes de réseaux sociaux respectifs, on peut voir les deux hommes attablés dans un restaurant montréalais, profiter d’une journée ensoleillée à la plage ou célébrer la fin d’une partie de tennis de table. Pendant l’entrevue d’une vingtaine de minutes qu’il a accordée à RDS, Blanco a, à maintes reprises, décrit St-Pierre comme un frère ou l’un de ses meilleurs amis.

« Georges est un type extrêmement intelligent et j’aime m’entourer de gens qui me stimulent intellectuellement. On a les mêmes goûts. On partage une passion pour les sports de combat et on aime tous les deux bien manger! Quand on passe autant de temps avec quelqu’un dans le gymnase, j’ai l’impression que ça ne peut faire autrement que se transposer à l’extérieur. »

Des mains plus lentes, une sagesse qui compense

Depuis que Michael Bisping a été identifié comme le prochain adversaire de St-Pierre et que les hostilités promotionnelles ont officiellement été lancées, « Rush » a repris un refrain usé, mais non moins surprenant en dévoilant son intention de passer le K.-O. à son adversaire. Une telle prétention n’a rien d’original dans le monde des sports de combat – on peut probablement parler de l’un des clichés les plus galvaudés dans le domaine – mais elle sonne faux lorsqu’elle provient de la bouche de St-Pierre.

Même après une absence de quatre ans, la réputation de combattant ultraconservateur de GSP continue de lui coller à la peau. Sa dernière victoire par arrêt de l’arbitre remonte à 2009. Ses sept derniers combats ont atteint la limite. Vous vous doutez bien que Bisping n’a pas hésité à soulever publiquement ces statistiques dans la guerre de mots que se sont livrée les deux rivaux.

La feuille de route de Blanco suggère que c’est ici qu’il entre dans l’équation. Le plan, c’est que ses judicieux conseils, combinés à la puissance accrue que St-Pierre prétend détenir en vertu de son passage chez les poids moyens, permettent au Québécois de faire honneur à sa prophétie.

Les clés de la victoire pour GSP

« Le combat pied-poing, c’est de la physique, résume Blanco. Vitesse + poids = puissance. Je dirais donc que logiquement, la force de frappe de Georges a augmenté. »

Mais encore faut-il savoir se servir de cette puissance. Conséquence logique d’une masse musculaire accrue et d’un acte de naissance un peu plus jauni, Blanco concède que son poulain n’est pas aussi vif qu’il l’était lorsqu’il pesait 170 livres à la veille de ses combats. Mais ce qu’il a perdu en agilité, il l’a gagné en sagesse.

C’est ce qui se trouve entre les oreilles de St-Pierre qui, selon son nouvel homme de coin, servira de grand égalisateur dans ce transfert d’atouts.

« Si vous êtes assez futé, vous serez capable de vous adapter à ces réalités. Au bout du compte, l’important n’est pas tant la vitesse pure, mais plutôt le synchronisme et le positionnement. Si votre corps est au bon endroit et si vos angles d’attaque sont les bons, le fait que vous soyez vite ou lent n’a pas d’importance, vous partez déjà avec un avantage, C’est ce qui explique pourquoi Georges est si bon. »

« Michael ferait mieux d’être prudent parce que s’il pense qu’il pourra prendre les coups de Georges sans broncher, il commet une grave erreur », établit Blanco.

Des informations sur Bisping

Jorge Blanco et Michael BispingLà où la présence de Blanco dans le camp de St-Pierre devient doublement intéressante, c’est lorsqu’on apprend que l’Espagnol a déjà travaillé intimement avec Michael Bisping. Au printemps 2016, alors qu’il se trouvait à Toronto pour le tournage du film xXx : Reactivated, le Britannique avait contacté l’entraîneur sur recommandation de l’ancien champion des mi-lourds de l’UFC Rashad Evans, un ami commun.

L’expertise de Blanco devait initialement permettre à Bisping de garder la forme entre ses longues journées sur les plateaux, mais dans un sublime concours de circonstances, les deux inconnus se sont retrouvés liés par une mission d’une tout autre ampleur.

« Un beau jour, il m’appelle et me dit : ‘Hey man, aurais-tu de la place pour moi dans une demi-heure? Je me bats contre Luke Rockhold dans deux semaines! », relate Blanco, encore incrédule en repensant à cet improbable scénario.

C’est donc avec l’aide de cet inconnu qui devait seulement l’aider à rentrer dans ses jeans pendant qu’il était loin de la maison que Bisping s’est préparé d’urgence pour le combat le plus important de sa vie, le combat qui allait lui permettre de devenir, à 37 ans, champion de l’UFC.

Celui qu’on surnomme « The Count » a toujours été reconnu comme un spécialiste du combat debout. Il n’a pas appris à boxer en quelques semaines dans un gymnase de Toronto. Mais il n’avait signé qu’une victoire par K.-O. à ses dix combats précédents avant de gagner sa revanche contre Rockhold, qui lui avait passé une prise de soumission dans la première minute du deuxième round lors de leur premier rendez-vous.

À quel point la contribution de Jorge Blanco à son plan de match a-t-elle aidé Bisping à causer une telle surprise? Avec l’humilité qui caractérise tout bon entraîneur, le principal intéressé ne revendique pas une once du mérite.

« Je l’ai aidé dans sa préparation, j’imagine qu’on peut dire ça, mais c’est lui qui a lancé le crochet de la gauche qui a fait perdre la carte [à Rockhold] et qui lui a permis de l’achever avec la droite. Tout le crédit lui revient. »

Blanco dit ne retenir que du positif de sa brève expérience avec Bisping. « Il a une grande gueule, on le sait tous, mais quand il ne parle pas trop, c’est un super bon gars », précise-t-il en riant.

Toutefois, parce que l’allégeance du coach repose maintenant du côté de l’ennemi, la belle entente entre les anciens partenaires n’est plus qu’un lointain souvenir. Sans surprise, Blanco n’a pas été épargné par les attaques verbales lancées tous azimuts par Bisping, qui n’a négligé aucun effort pour le dénigrer.

Blanco, lui, encaisse le venin sans broncher. Sa réponse, on le sent, il la prépare avec zèle au sein de sa nouvelle équipe. En plus des informations qu’il a pu soutirer des nombreuses heures de travail emmagasinées avec Bisping, il jure avoir étudié à plus d’une reprise chacun des combats de ce dernier. Et quand on lui demande s’il croit connaître suffisamment le prochain adversaire de St-Pierre pour exposer ses faiblesses au grand jour, il répond par l’affirmative et se permet d’en ajouter une couche.

« Il a également un imposant historique de blessures et je ne ferais pas mon travail d’entraîneur si je ne comptais pas l’exploiter. On comptera donc là-dessus dans une certaine mesure. En fait, je ne devrais pas dire qu’on va ‘compter là-dessus’... mais on va assurément le prendre en considération et voir où ça peut nous mener. »  

Puis, comme si le simple fait de parler de Bisping faisait tomber du sel sur une plaie ouverte, Blanco développe une amertume grandissante à mesure que la conversation se prolonge. « En fait, c’est une bonne chose qu’on n’ait plus à se voir parce que Michael peut être un vrai emmerdeur parfois, finit-il par lâcher. Et je ne suis pas aussi patient que Georges. »

Blanco est arrivé à New York lundi. Pour la première fois de sa jeune carrière d’entraîneur, il vivra avec fébrilité chacune des étapes menant aux frissons d’un soir de gala, convaincu que lorsque tout sera fini, Équipe GSP célébrera la confirmation d’un retour triomphal.

« Je crois que Georges est vu comme le négligé en vue de ce combat et j’ai hâte de le voir faire taire tous ses détracteurs », proclame son nouvel homme de coin.

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