MONTRÉAL – À quelques jours du plus gros combat de sa vie, Valérie Létourneau est plus sereine que jamais.

Le soleil dominical sera à peine passé son zénith à Melbourne – il sera un peu passé 23 h à Montréal - quand elle montera dans l’octogone érigé au milieu de l’énorme Etihad Stadium. Elle tentera alors d’y détrôner la championne des poids pailles de l’UFC Joanna Jedrzejczyk, un défi aussi grand que la scène sur laquelle elle tentera de le relever.

Quelque 70 000 personnes seront massées dans l’amphithéâtre ce jour-là. Elles auront pour la plupart été convaincues d’acheter un billet par la présence de la magnétique Ronda Rousey, qui tentera d’ajouter le nom de Holly Holm à la longue liste de ses victimes en finale de l’événement.

Mais elles seront toutes là, les yeux rivés sur l’arène, lorsque la grande négligée montréalaise amorcera ce que plusieurs voient comme sa marche vers l’abattoir. 

« Je ne suis peut-être pas passée par un aussi gros événement dans ma vie, mais vraiment tôt dans ma carrière, j’ai été lancée sur des routes pour lesquelles je n’étais pas prête et ça m’aide aujourd’hui, relativise Létourneau en entrevue avec RDS. Je suis bien entourée, j’ai toujours le sourire et je ne me laisse pas écraser par le stress. »

Létourneau pense d’abord à son premier passage dans la cage de la défunte organisation TKO, à l’été 2007. Elle avait alors perdu par K.-O. contre sa compatriote Sarah Kaufman.

« Je regardais les TKO depuis des années, c’était comme l’UFC pour moi. En plus, j’étais sur la carte principale et je me rappelle que tous les médias étaient après moi parce qu’ils n’avaient pas encore vu ça, une femme se battre en MMA. Avec ce combat-là, j’en avais eu pour ma dose de pression », se remémore la Québécoise en riant.

Son passage aux auditions de l’émission de téléréalité The Ultimate Fighter, où elle avait réalisé ce qu’elle décrit elle-même comme l’une des pires performances de sa vie, l’a aussi marqué. Dans un environnement complètement anglophone, intimidée par son premier contact avec les ligues majeures, elle avait craqué.

« Il y a tellement de choses qui m’ont vraiment stressée qu’on dirait que maintenant, il n’y a plus grand-chose qui m’atteint. Je sais que je vais quand même devoir gérer mes nerfs le jour du combat, mais pour l’instant ça va vraiment bien. »

Létourneau respire la confiance

Il n’y a pas que dans sa tête que Létourneau se sent à l’apogée de sa forme. Physiquement, elle estime avoir profité de l’élan sur lequel l’a propulsé sa plus récente victoire pour entamer un camp d’entraînement qui s’est déroulé à la perfection.

« Mon corps a changé, a-t-elle remarqué. J’ai gagné de la masse musculaire et j’adore le résultat, j’aime comment je me sens. J’ai l’impression de m’être tellement améliorée depuis mon dernier combat. Je me sens différente et j’ai hâte au combat, j’ai hâte de voir comment ça va sortir. Je sens que rien n’aurait pu se dérouler mieux, je suis totalement en paix avec moi-même. »

Létourneau, qui a besoin de tout son petit change pour respecter la limite de poids depuis qu’elle s’est inscrite dans sa nouvelle division, doit calculer un quotient de difficulté un peu plus élevé dans sa préparation actuelle. La plupart des commissions athlétiques permettent aux combattants d’excéder d’une livre la limite fixée pour leur catégorie lors de la pesée officielle, mais cette marge d’erreur est inexistante pour un combat de championnat.

Ça devra donc être 115 livres, et pas une once de plus, pour celle qu’on surnomme « Trouble ».

« Jusqu’à maintenant, mon poids descend mieux que les deux dernières fois. J’ai amené mon nutritionniste ici avec moi, c’est trop important pour que je néglige cet aspect. Ça prend pratiquement un cuisinier privé pour calculer la grosseur des portions et mettre une croix sur certains ingrédients. Tu joues beaucoup avec ton corps et les petits détails font la différence. »

Avec Lombard comme avec Vargotsky

Létourneau crédite son entourage pour la quiétude avec laquelle elle approche le défi titanesque qui l’attend. Les membres d’American Top Team qui l’ont accompagnée en Australie sont essentiels à son équilibre mental. Ils la font rire et la gardent détendue quand un petit moment de panique surgit.

Depuis son exil en Floride, où elle a donné un nouveau souffle à sa carrière, Létourneau dit avoir développé une chimie particulièrement solide avec son coéquipier Hector Lombard, un membre de la division des mi-moyens de l’UFC qui est devenu un complice et l’une des pièces maîtresses de son groupe d’entraîneurs.

Questions et réponses avec Valérie Létourneau

« Des fois, tu peux recevoir des conseils de quelqu’un, tu vas les pratiquer pendant des mois et ça ne marche juste pas pour toi. Que ce soit à cause de ta physionomie ou de ta coordination, ça ne coule simplement pas. Mais tout ce que Hector me demandait, je l’absorbais tout de suite, je l’intégrais bien avec mon style. C’est sûr que ça nous a rapprochés au niveau technique. »

Létourneau compare la complicité qu’elle vit avec Lombard à celle qui l’unissait à l’entraîneur Victor Vargotsky au début de sa carrière.

« On était ensemble à chaque jour, parfois des fois par jour. J’étais quasiment sa fille! », se rappelle-t-elle.

« J’ai attendu deux ans avant de m’entraîner avec lui, j’en rêvais. Les gars me disaient : « Il ne va jamais entraîner une fille, t’es malade! ». Disons qu’il avait la mèche courte. C’est Georges St-Pierre qui l’avait convaincu de me donner une chance. Il lui avait dit que j’étais déterminée et qu’il croyait qu’on s’entendrait bien ensemble. Dès le début, ça a cliqué et il s’est occupé de moi pendant deux années très intensives », relate celle qui cite également Éric O’Keefe et Howard Grant parmi ses plus grands mentors montréalais.

Létourneau a donc trouvé un autre Vargotsky en Floride, mais elle ne pourra malheureusement pas compter sur ses conseils le jour de son combat. Lombard, qui est présentement sous le coup d’une suspension d’un an pour avoir échoué un contrôle antidopage en janvier dernier, s’est vu refuser l’accès au coin de sa protégée par l’Agence antidopage américaine (USADA).

« J’ai promis que je n’en parlerais pas avant le combat, mais la seule chose que je vais dire, c’est que le travail est déjà fait pour moi. Ça ne changera rien. Je trouve ça dommage parce qu’il a été vraiment une grosse partie de mon camp d’entraînement et de mes deux dernières années, je trouve ça plate aux niveaux personnel et émotif, mais au niveau technique ça ne change rien. Ils peuvent prendre mes trois hommes de coin s’ils veulent, je m’en vais quand même faire mon combat et je suis prête à me battre. »