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MONTRÉAL – Aiemann Zahabi aime raconter qu’il avait tout vu venir.

Un an avant de marier Sylva Mouralian, Zahabi avait dit à sa douce qu’il souhaitait la voir un jour donner naissance à des jumelles.

« Moi, j’en voulais deux en même temps, racontait avec amusement le combattant de 31 ans la semaine dernière. Quand elle est tombée enceinte, on est allé à l’hôpital pour l’échographie et dès que le médecin a touché son ventre, j’ai crié que j’en voyais deux. Ma femme ne me croyait pas, mais quand elle a su que j’avais raison, elle est tombée en état de choc. Elle n’a pas pu parler pendant trois heures après ça! »

En juillet dernier, les amoureux ont accueilli les petites Aaliyah et Mila dans leur vie, avec tous les bouleversements que ça implique. La vie de Zahabi, un rat de gymnase qui avait toujours considéré le Tristar comme sa deuxième maison, a changé du jour au lendemain.

Puis, avant même que des cernes aient le temps de se former sous ses yeux, tout est revenu à la normale.

« Les deux premiers mois, quand les filles sont nées, j’étais à la maison pour aider ma femme le plus possible. J’allais m’entraîner et entre mes entraînements, je retournais chez moi. Mais après ça, j’ai recommencé à aller au gym à tous les jours et à y passer toutes mes journées », affirme le jeune vétéran.

« Il y a tellement d’études et de recherches à notre disposition maintenant. J’ai lu cinq ou six livres pour apprendre à régler l’horaire des bébés. Je les ai entraînées à dormir toute la nuit. À 2 mois et demi, elles faisaient des nuits de 11 heures! Elles sont comme dans l’armée avec moi! Maintenant, tous les pères de famille veulent avoir mes trucs au gym! »

Si la paternité n’a pas trop alourdi l’horaire de Zahabi, elle n’a pas non plus affecté sa mentalité. Plutôt que l’inciter à réduire la part de risque qui vient avec son métier, l’avènement de sa progéniture a engendré exactement le besoin inverse, celui de faire passer sa carrière en deuxième vitesse.

« Je veux me battre plus qu’avant, en fait, je veux me battre plus longtemps, précise-t-il. Je gère mon entraînement pour ne pas me faire mal dans le gymnase et je préserve mon corps le plus possible. Avec les enfants, je suis tellement motivé à faire des combats, je ne sais pas comment le décrire. »

Le long chemin du retour

Zahabi montera dans l’octogone de l’UFC pour la première fois depuis qu’il est papa samedi à Ottawa. Il affrontera pour l’occasion l’Américain Vince Morales (8-3). Il s’agira pour lui de l’achèvement d’une période d’inactivité qui s’est étirée sur 18 mois.

Les derniers souvenirs que Zahabi a laissés dans la cage ne sont pas glorieux. Surpris par un coup de coude de Ricardo Ramos, le Lavallois était tombé raide comme une barre au tapis, inconscient, et avait dû être transporté à l’hôpital. À la période de repos imposée qui a suivi se sont ajoutés de nombreux conflits d’horaire qui, au final, l’auront tenu à l’écart de la compétition pour une période beaucoup plus longue qu’il ne l’aurait souhaité.

En rétrospective, toutefois, cet intermède lui aura fourni le recul nécessaire pour apporter les bons ajustements à sa routine et à son arsenal. 

« Je vais te dire la vérité, les trois premiers mois de sparring après le combat, c’était vraiment dur sur ma confiance. Je n’en n'avais pas autant. Mais au cours de l’année qui a suivi, je peux dire que c’est revenu à 100%, comme c’était avant. »

Zahabi s’est rebâti à force de renforcement positif. Plus que jamais, il est convaincu que sa défaite, la première de sa carrière, fut avant tout le produit de sa propre imprudence et non d’un manque de compétence.

« Avant, je faisais beaucoup d’entraînement de boxe. Mais en boxe, quand le gars se couvrent, il ne spin jamais! Quand il s’est penché pour éviter mes coups, je me suis déplacé vers ma droite parce que je sais qu’en boxe, c’est un endroit sûr. Je suis plutôt rentré en plein dans son coude. C’est ma faute, je mérite une grosse partie du blâme. Mais je ne vais pas répéter cette erreur dans le futur. »

En plus de modifier ses méthodes d’entraînement en combat debout, Zahabi s’est engagé à améliorer son jiu jitsu en devenant un visiteur assidu de l’Académie Renzo Gracie, à Manhattan. Départ de Montréal le dimanche, deux ou trois séances sur les tapis avec l’instructeur John Danaher le lundi, puis retour sans traîner à la maison. Les sacrifices ont été payants : en novembre, un an après sa douloureuse défaite, Zahabi a reçu sa ceinture noire des mains de son frère Firas et de son coéquipier Georges St-Pierre.

« Contre Ramos, j’étais ceinture marron alors que lui était ceinture noire. Il avait juste un petit peu d’avantage au niveau du jiu jitsu et de la lutte et ça m’a joué dans la tête après combat. Je voulais régler ça et je suis vraiment fier de l’avoir fait. Je veux vraiment montrer ça dans mon prochain combat. »

Maintenant que la santé est béton et que la petite famille se porte bien, Zahabi veut se réconcilier avec de vieilles ambitions, celles qu’il caressait avant que la vie ne le mette sur la liste d’attente. Il veut se battre, il veut gagner et il veut faire tout ça le plus souvent possible. Dans un monde idéal, une performance propre en fin de semaine lui permettrait de se positionner pour un autre combat vers la fin de l’été, puis un autre en décembre.

« Il y a un gars dans ma division qui s’appelle Peter Yan, cite-t-il comme modèle. Il a fait quatre combats en huit mois depuis qu’il est rentré dans l’UFC et maintenant, il est dans le top-10. C’est le parcours que j’avais en tête avant ma défaite et je pense encore que je peux le faire. L’opportunité n’est pas passée, il n’est pas trop tard. Je peux le faire. »