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RÉSULTATS

L'héritage de Sebastian Vettel

Sebastian Vettel Sebastian Vettel - Getty
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Mise à jour

Avec les titres des pilotes et des constructeurs déjà réglés, les deux derniers Grands Prix de la saison nous donneront l'occasion de profiter d'autres histoires.

Au classement des pilotes, seulement cinq points séparent Sergio Perez et Charles Leclerc pour la deuxième place. Le deuxième rang est aussi à l'enjeu chez les constructeurs, puisque Ferrari a 30 points d'avance sur Mercedes. Il y a aussi une belle lutte entre McLaren et Alpine pour le quatrième rang.

Mais d'un point de vue bien personnel, celui qui retiendra mon attention lors des deux prochains week-ends, c'est Sebastian Vettel.

L'Allemand a annoncé depuis déjà un moment qu'il se retirera de la Formule 1 et il s'agira donc des derniers Grands Prix de sa carrière... à moins bien sûr qu'il nous réserve un retour dans quelques années comme l'a fait Fernando Alonso, ce qu'il n'a d'ailleurs pas exclu!

Même s'il est loin des palmarès des plus grands de l'histoire comme Lewis Hamilton ou son idole Michael Schumacher, c'est tout de même une page d'histoire qui se tournera à Abou Dhabi.

Depuis son arrivée en 2007, d'abord pour une course avec BMW Sauber, puis pour la fin de la saison avec Toro Rosso, « Baby Schumi » a amassé des chiffres impressionnants. Quatre championnats du monde avec Red Bull, 53 victoires, 57 positions de tête, 122 podiums, plus jeune champion du monde de l'histoire, plus longue séquence de victoires avec neuf, plus grand nombre de positions de tête en une saison avec 15, bref, on pourrait continuer comme ça pendant un bon moment.

Pourtant, le pilotage de Vettel n'a pas toujours fait l'unanimité. On lui a d'abord reproché sa tendance à causer certains accrochages. Il y aussi eu sa relation parfois tendue avec son coéquipier chez Red Bull, Mark Weber. Deux incidents entre eux ont particulièrement marqué les esprits, soit l'accrochage en Turquie en 2010 et le Grand Prix de Malaisie en 2013, alors que Vettel avait ignoré les consignes d'équipe et dépassé Weber pour s'emparer de la victoire.

Puis, chez Ferrari, Vettel a connu sa part de succès, représentant la principale menace à Lewis Hamilton et Mercedes en 2017 et en 2018. Mais sa sortie de piste en Allemagne en 2018, alors qu'il menait la course et le championnat, restera probablement gravée dans les esprits comme étant le moment où ses espoirs de remporter un titre avec Ferrari se sont envolés. Ferrari a ensuite fait confiance à Charles Leclerc en 2019, poussant lentement mais sûrement le vétéran vers la porte de sortie en 2020.

Toutefois, c'est surtout à l'extérieur de la piste que l'héritage de Vettel se fera sentir. S'il a souvent été bouillant derrière le volant dans ses communications radio, dans les paddocks, on découvrait un homme sympathique, disponible et avec un grand sens de l'humour. James Allen, le commentateur anglophone de l'époque, avait même pris soin de souligner ce trait de caractère de Vettel alors que ce dernier croisait le fil d'arrivée à Monza pour obtenir sa toute première victoire, au volant d'une Toro Rosso, en 2008. Il n'a jamais perdu cette qualité.

Par contre, autant il pouvait être le premier à faire rigoler l'audience en conférence de presse, autant il était sérieux dans son approche et sa rigueur au travail. Après avoir remporté son premier titre, en 2010, Vettel était le seul pilote qui avait pris la peine de visiter l'usine de Pirelli pendant la saison morte pour en apprendre davantage sur les pneus qui seraient utilisés lors de la saison suivante. Vettel avait justement dominé la saison 2011, étant l'une des meilleurs de sa carrière, notamment grâce à sa capacité à bien comprendre les pneus. Une anecdote qui en dit long sur le pilote travaillant et rigoureux qu'il est.

Surtout, Vettel était un passionné de Formule 1, et il était en mesure de transmettre son amour du sport au public. Je me souviens de ce moment où Vettel, alors chez Ferrari pendant la saison atroce de l'écurie en 2020, s'est rendu à la Parabolica pour regarder, comme un gamin, les voitures passer devant lui. Je ne suis pas certain que beaucoup de pilotes auraient pris cette décision tout juste après une élimination en Q1 avec une 17e place.

Il y a aussi cette vidéo dans laquelle l'Allemand nomme tous les champions du monde de l'histoire de la Formule 1 dans l'ordre avec une facilité déconcertante. C'est un pilote qui adore l'histoire de la F1, et je pense que c'est ce que beaucoup de partisans ont apprécié de lui. Les fans adorent la Formule 1, et on sentait que Vettel aussi. Ce n'était pas seulement un boulot pour lui. C'était, et ce l'est encore, sa passion.

De plus, Vettel a aussi fait entendre sa voix pour plusieurs causes qui lui tenaient à cœur. Tout d'abord afin que les pilotes aient leur mot à dire en étant l'un des directeurs de la GPDA (Grand Prix Driver's association) depuis 2010.

Mais surtout, le pilote Aston Martin a utilisé sa notoriété pour sensibiliser le monde de la Formule 1 à plusieurs enjeux sociaux et environnementaux. Il a été l'un des premiers à appuyer Lewis Hamilton dans sa lutte face aux injustices raciales. Il a organisé une course de karting réservé aux femmes lors de son passage en Arabie Saoudite. Il a souvent montré son soutien aux communautés LGBTQ+ dans des pays où les droits de cette communauté ne sont pas reconnus. Il a porté un casque en soutien à l'Ukraine, et bien sûr, il a souvent rappelé l'urgence d'agir face aux changements climatiques.

Évidemment, plusieurs ont souligné le côté hypocrite d'un homme qui a fait carrière en conduisant des voitures de course à essence sur des circuits partout dans le monde. On l'a d'ailleurs souligné lors de son dernier passage à Montréal. Il y avait assurément un côté ironique de voir son casque dénonçant l'exploitation des sables bitumineux (le crime climatique du Canada, pouvait-on y lire), alors que sur le même casque, on retrouvait des commandites d'Aramco, une pétrolière saoudienne associée à Aston Martin.

Vettel est d'ailleurs le premier à l'admettre, se qualifiant lui-même d'hypocrite. Car, dans la vie, tout n'est pas toujours blanc ou noir. Il est, comme nous tous, une personne avec des contradictions, des réflexions, des changements d'opinions. Oui, il y a quelque chose d'hypocrite de décrier les changements climatiques alors qu'on voyage en avion partout dans le monde pour faire des courses. Oui, il y a quelque chose d'hypocrite de se battre contre les inégalités et d'aller gagner sa vie dans des pays où les droits humains ne sont pas respectés. Mais Vettel a démontré qu'il est possible d'avoir des passions et des intérêts qui entrent parfois en conflit avec nos valeurs. Et plutôt que de renier l'un ou l'autre, il a décidé, à sa façon, d'essayer d'améliorer les choses dans le monde du sport automobile qu'il aime tant.

Ce sera probablement ça, le plus grand héritage de Vettel pour la F1. D'avoir entamé une importante réflexion sur ce qu'on doit faire pour continuer de profiter d'un sport apprécié partout dans le monde, mais de façon plus responsable. Bien sûr, il reste encore énormément de chemin à faire avant de voir la F1 devenir carboneutre d'ici 2030 et ainsi respecter l'objectif fixé. Je ne serais d'ailleurs pas étonné si jamais Vettel était éventuellement impliqué d'une façon ou d'une autre dans ce processus.

En attendant, il nous reste deux courses pour apprécier l'excellent pilote qu'il a été. Surtout qu'il reste encore quelques enjeux pour lui! Il pourrait notamment dépasser Valtteri Bottas au classement pour terminer sa dernière saison au sein du top-10 des pilotes. Il peut aussi aider Aston Martin à devancer Alfa Romeo pour le sixième rang du classement des constructeurs.