La F1 a besoin de changement?

Elle ne trouve rien de mieux que nous resservir les mêmes vieilles recettes. C’est ce que l’on a constaté avec les suggestions du Groupe Stratégique pour 2017, dévoilées la semaine dernière.

On veut des voitures qui vont plus vite? Ramenons les ravitaillements : les pilotes vont rouler à bord de monoplaces plus légères en essence et seront donc plus rapides lors de chacun de leur relais en course.

Mais allons-nous assister à plus de dépassements? Les changements de position ne vont-ils pas plutôt (encore plus) se produire lors des arrêts aux puits?

L’idée semble plaire aux pilotes, d’après leurs commentaires émis à Monaco. Hé bien méfiez-vous! Ce que les pilotes aiment (leur circuit idéal: que des courbes rapides) correspond rarement à ce qui fait le plaisir des spectateurs (rien de mieux qu’un gros freinage pour un virage serré).

Les ravitaillements en course avaient été bannis après la saison 2009 pour se débarrasser du coût relié au transport de tout cet équipement aux quatre coins du monde. On a trouvé un commanditaire?

On va ajouter deux personnes au groupe chargé d’effectuer les arrêts aux puits? Bientôt on ne verra même plus la voiture!

Quant à l’aspect sécurité…. malgré toutes les précautions, les incidents sont inévitables. Cherchez sur internet les images de la Benetton de Jos Verstappen (Hockenheim 1994) ou de la Jordan d’Eddie Irvine (Spa 1995) qui sont enveloppées de flammes. Que dire de l’aspect sportif ? Je suis surpris d’entendre Felipe Massa souhaiter le retour des ravitaillements.… n’est-ce pas un ravitaillement raté (il est reparti avec l’embout et le tuyau encore accrochés à sa Ferrari à Singapour) qui lui a fait perdre le titre mondial en 2008?

À la recherche de clients

Va-t-on aider les petites écuries avec une meilleure distribution des revenus? Bien sûr que non! On va plutôt chercher à les exploiter en leur vendant des voitures complètes!

Ne pas oublier que ces suggestions pour l’avenir proviennent du Groupe Stratégique. Six voix pour la FOM (Bernie Ecclestone), six voix pour la FIA (l’invisible Jean Todt, le plus décevant président de l’histoire à mon avis), et six voix pour les écuries. Mais attention, un groupe sélect dont les membres permanents sont Ferrari, McLaren, Mercedes, Red Bull et Williams. Et, pour se donner bonne conscience, un membre invité qui est le meilleur des autres selon le dernier classement annuel (soit Force India cette année, qui doit se sentir bien seule).

Les petites équipes ont de la difficulté? Les quatre grandes écuries sont prêtes à leur vendre des voitures. Ou devrions-nous dire prêtes à leur demander d’amortir une partie de leurs investissements. C’est bien mieux que de réduire les dépenses!

Ah la réduction des dépenses. Plafond budgétaire ? Ben non. Pourquoi ne pas dépenser 400 millions si on le peut?

Voici le commentaire de Zak Brown, dirigeant d’une grande agence de marketing en sports motorisés (Just Marketing International), qui est aussi un pilote de course (on l’a vu ici en F Atlantique en 1994):

« Les budgets sont hors de contrôle. Et tout l’écosystème du sport ressent ce stress financier. Les dépenses ne sont pas en adéquation avec la valeur commerciale du sport. Les budgets atteignent maintenant 200-300-400 millions de dollars. C’est de la pure folie. »

C’est aussi totalement inéquitable. Max Mosley, l’ex-président de la FIA, a bien raison : avoir plus d’argent, ultimement, c’est aussi injuste que d’avoir un plus gros moteur que les autres.

Même Niki Lauda, l’un des dirigeants de Mercedes, l’a avoué récemment : avec 100-120 millions, on peut faire de la F1. En travaillant avec de la finesse, de l’astuce.

Et à long terme, peut-on vraiment se fier sur seulement quatre constructeurs (Ferrari, McLaren, Mercedes, Red Bull) pour fournir l’ensemble du plateau? Et si Red Bull fait ses valises (comme cette écurie en fait la menace depuis le début de la saison)? Et si Mercedes s’en va, comme sont partis tous les grands constructeurs (BMW, Toyota, Honda, Renault) ? Ferrari et McLaren vont fournir 20 monoplaces? Ce ne sera plus de la F1, mais du GP2, pardon du GP1!

Libre choix de pneus

Tiens, une bonne idée. Est-il surprenant qu’elle provienne d’une petite écurie (Force India)?

Pour chaque Grand Prix, les écuries auraient le droit de choisir deux types de gomme parmi la gamme de quatre types de gomme offerts par Pirelli.

En se gardant une marge de sécurité (par exemple interdiction d’utiliser la gomme extra tendre à Monza, car ce serait trop dangereux sur ce circuit ultra rapide), je crois qu’il s’agit d’une bonne idée.

Exemple : la Ferrari était moins performante à Barcelone. L’une des raisons : les gommes proposées par Pirelli (medium et dure) étaient trop dures pour la SF15-T qui, on le sait, traite ses pneus en douceur. L’option de pouvoir utiliser un grade plus bas (donc tendre et medium) aurait pu lui être bénéfique. Et améliorer le spectacle.

Autre idée… rejetée

Tiens, une autre idée de Force India : abolition des souffleries, des appareils particulièrement énergivores. Une économie de 20-30 millions par année. Tout le travail serait fait en simulation par ordinateur (avec certaines limitations).

Mais pour les grands constructeurs, pas question de se passer de ces jouets.

Le vrai problème

Évidemment, on ne s’est pas penché sur le problème MAJEUR de la F1 moderne, qu’on a d’ailleurs pu constater lors du dernier Grand Prix en Espagne : les voitures sont trop dépendantes des appuis aérodynamiques et ne peuvent se suivre de près en virage. Lewis Hamilton, malgré une Mercedes qui valait une seconde au tour de mieux que la Ferrari de Sebastian Vettel, s’est avoué incapable d’effectuer un dépassement en piste.

Des pneus plus larges (une bonne idée) ne vont pas suffire. Il faut largement réduire les appuis aérodynamiques (tout en gardant de la traînée).

Mais cela demanderait une recherche sérieuse et approfondie. Et peut-être des idées novatrices.

Les grands penseurs de la F1 aiment mieux leurs vieilles recettes.