Une page d’histoire est sur le point d’être tournée cette fin de semaine dans le monde du curling canadien. En effet, après plusieurs années de francs succès en terme de renommée, de prestige et d’appréciation du public, la formule classique du Championnat canadien de curling avec un représentant pour chaque province plus un territoire qui a été maladroitement, selon plusieurs amateurs, modifiée en 2015 pour faire une place à tous les territoires Canadien, sera cette fois-ci modifiée drastiquement par Curling Canada.

Ce changement majeur dans les championnats canadiens réussira-t-il à satisfaire à la fois l’Association des joueurs, les différents réseaux de télévision, et surtout, les amateurs? Ceux-ci craignent qu’à long terme, les championnats canadiens perdent de leur lustre et deviennent un simple autre évènement de curling comme il y en a plusieurs au Canada chaque année.

Revenons tout d’abord quelques années en arrière. Curling Canada, voulant inclure dans ses championnats canadiens l’ensemble des provinces et territoires canadiens, a effectué une première modification en 2015. Avant cette première modification, le Scotties comme on l’appelle en raison de son commanditaire principal, regroupait 12 équipes. Une pour chacune des dix provinces canadiennes, une pour les territoires et une Équipe Canada, qui était l’équipe championne en titre et qui venait défendre son titre l’année suivante. Donc, tournoi à la ronde avec 12 équipes, plus la ronde éliminatoire : tout cadrait dans une semaine d’activités, de compétitions si vous préférez, et convenait parfaitement aux télédiffuseurs.

Cependant en 2015, avec le désir d’inclure deux territoires canadiens qui ne participaient pas au tournoi, tenir un tournoi à la ronde de 14 équipes devenait irréaliste et ne cadrait plus très bien dans une semaine de compétition. Cherchant une solution, Curling Canada eut l’idée dans un premier temps de redonner au Nord de l’Ontario une place, au même titre que les autres provinces à son championnat canadien, place que le Nord de l’Ontario a détenue durant de nombreuses années avant l’apparition du concept d’Équipe Canada. En lui ajoutant les deux territoires manquant, Curling Canada se retrouvait avec 15 équipes, donc si vous suivez mon calcul, 3 équipes de trop!

Au cours des dernières années, les équipes de trop si vous voulez et l’équipe ayant terminé au dernier rang lors de l’édition précédente disputaient une ronde de compétition, avant le tournoi à la ronde principal, pour sélectionner la douzième équipe à participer au Tournoi des Cœurs (Curling Canada a utilisé la même formule chez les messieurs pour le Brier).

Nul besoin de vous dire que les amateurs n’ont guère apprécié cette formule. Surtout les amateurs des territoires ou des provinces se voyant exclus du tournoi à la ronde principal.

Curling Canada devait trouver une solution pour satisfaire l’ensemble des provinces, des territoires et des commanditaires. La décision qui fut prise a été de copier une formule utilisée depuis quelques années au Championnat canadien junior. Une formule similaire avait également été mise à l’épreuve il y a quelques années au Championnat canadien mixte. Une formule qui apporterait des solutions quant à la participation de tout ce beau monde, mais qui modifierait grandement la base des Championnats canadiens, c’est-à-dire qu’il n’y aura plus de tournoi à la ronde qui permettrait à chacune des équipes d’affronter l’ensemble des autres provinces ou territoires, telle que la tradition l’avait voulu durant plusieurs générations.

Ce sera plutôt un tournoi en trois phases. Les équipes désormais au nombre de 16 (nous verrons plus loin la façon de sélectionner cette dernière 16e équipe) seront divisées en deux sections et disputeront dans un premier temps un tournoi à la ronde à l’intérieur de leur section.

Viendra ensuite pour certaines formations la ronde de championnat et éliminatoire et pour d’autres, la ronde de classement.

La ronde de championnat, deuxième étape si vous voulez, opposera les équipes ayant terminé dans les quatre premières positions de chaque section après le premier tournoi à la ronde. Les quatre formations de la section A affronteront les quatre équipes ayant terminé aux quatre premiers rangs de la section B. Pour un total de onze parties par équipes, soit le même nombre de matchs qui étaient disputés dans les années antérieures dans le tournoi à la ronde.

Finalement, pour la troisième ronde, la fiche globale des équipes déterminera qui participera à la ronde éliminatoire, utilisant le système page exactement de la même façon que dans les années antérieures. Donc, les quatre meilleures fiches globales participeront au fameux système page.

Les équipes qui ne se classeront pas parmi les quatre premières positions de chaque section disputeront un dernier match, permettant de déterminer le classement global des 16 formations en présence. Ce classement aura une importance pour déterminer dans quelle section A ou B les provinces ou territoires seront placés l’année subséquente.

Ne reste plus maintenant à expliquer de quelle façon la seizième équipe participante sera sélectionnée. Voulant récompenser les formations les plus actives sur le circuit et voulant s’assurer de la présence d’une des meilleures formations au pays au Championnat canadien, Curling Canada, a invité les deux équipes ayant le meilleur classement au niveau de points accumulés sur le CTRS qui n’avait pas réussi à se classer dans leurs championnats provinciaux respectifs. Ces deux équipes s’affronteront dans un match sans lendemain, le vendredi soir précédant le début de la compétition. Ce match sera présenté sur les ondes de RDS2 à 21 h 30 le vendredi 26 janvier.

En résumé, il s’agit, comme vous pouvez les constater, de changements majeurs qui modifieront grandement la compétition et l’image véhiculée durant si longtemps lors des différents championnats canadiens.

Beaucoup d’amateurs ont déjà exprimé une certaine réticence face à ces changements majeurs. C’est en quelque sorte fort peu étonnant. Le curling étant un sport ayant un si large bagage de tradition que toute modification dans ses racines les plus profondes ne sera pas sans faire de vague auprès des joueurs et des amateurs.

Rappelons cependant que lors de l’implantation de la zone de garde protégée il y a quelques années, la plupart de ceux qui expriment de la réticence aujourd’hui, s’étaient prononcés en faux contre ces changements de règlement majeur au nom de la tradition du sport. Pourtant, personne de nos jours ne remettrait en doute cette décision.

On pourrait également ajouter que la formule qui sera utilisée a quand même fait ses preuves lors des championnats canadiens juniors depuis quelques années. Parmi les grands avantages de cette formule est de s’assurer que les matchs de la ronde de championnat, donc les derniers matchs avant la ronde éliminatoire, seront disputés entre les huit meilleures formations à participer à cette compétition, rendant cette étape beaucoup plus intéressante qu’un calendrier qui verrait à titre d’exemple le Manitoba à son dernier match affronter le Nunavut pour s’assurer une place dans la ronde éliminatoire.

En conclusion, il y a de fortes chances que cette formule ne soit pas parfaite, l’avenir le dira, mais je suis de ceux qui sont prêts à faire confiance à Curling Canada dans ce dossier. Les dirigeants de Curling Canada ont démontré depuis quelques années avec quelles efficacité et rapidité ils pouvaient apporter des correctifs aux règlements dans le but d’améliorer le produit. Beaucoup d’autres fédérations sportives très populaires au Québec et au Canada n’ont pas le courage de réagir aussi promptement. À titre d’exemple d’efficacité, rappelons-nous il y a deux ans à peine de quelle brillante façon ils ont su résoudre une problématique, qui en l’espace de quelques mois, avait gangréné le sport à un point tel que cette problématique, risquait de détruire pour de bon sa crédibilité. Je fais évidemment référence aux nouveaux règlements sur le brossage mis en place à la fin de la saison 2016.

Peu de sports ont démontré autant de courage et d’efficacité que la Fédération mondiale de curling et Curling Canada pour modifier ses règlements dans le but d’améliorer leur produit. Pas étonnant qu’à la veille du rendez-vous olympique hivernal, le curling soit considéré comme un des sports les plus en croissance au niveau planétaire.