Lors des derniers jours, les athlètes qui étaient aux Championnats du monde en Autriche nous ont fait vivre des moments exceptionnels. Le Canada a presque mis la main sur deux maillots de couleur arc-en-ciel lors des épreuves sur route avec les performances historiques de Simone Boilard chez les juniors femmes et de Michael Woods chez les élites hommes. Ils ont tous les deux terminé avec le bronze et ce, à quelques boyaux du titre mondial tant convoité! De son côté Karol-Ann Canuel était dans la bataille pour la troisième position chez les élites femmes, lui permettant ainsi de signer une sixième place, son meilleur résultat en carrière sur cette épreuve.

 

Le processus de Simone Boilard

Dans la petite communauté de cyclisme, une frénésie s’est installée quand Simone Boilard a exécuté une performance brillante et mature. Patience, intelligence et calme sont les mots qui décrivent la performance qu’elle a livrée. « La seule expérience que j’avais était celle de l’année dernière aux Championnats du monde, j’ai regardé les résultats des Championnats Européens, mais je ne voulais pas trop m’attarder à ça, mon but était vraiment d’arriver confiante. »

Comment a-t-elle réussi à être confiante et à éliminer la pression? Grosse commande pour une athlète de 18 ans, alors que tout le Canada s’attendait à une performance grandiose de sa part, puisqu’à ses premiers Championnats du monde en 2017, elle avait terminé au huitième rang. Malgré son jeune âge, elle a déjà dix ans d’expérience en cyclisme et un moment en particulier lui a grandement servi pour cette médaille. « Plus jeune, je faisais de l’anxiété de performance et je me mettais des barrières. J’ai été sacré championne canadienne alors que j’étais surclassée dans la catégorie junior et je vivais beaucoup de stress pour défendre ce titre. Ça me bloquait et je n’ai pas performé à la hauteur l’année suivante, ça m’a ouvert les yeux sur ce problème. »

Simone explique que son entraîneuse Christine Gillard a un côté humain dans sa façon de faire, ce qui l’aide beaucoup. « Elle met du positif et ça me permet d’avoir confiance en moi et à me Simone Boilardconcentrer sur le moment présent. Ça m’a permis d’allumer une flamme depuis les mondiaux 2017 et de visualiser positivement ma performance au lieu d’avoir peur de ne pas bien faire. » Elle a prouvé que le processus qu’elles ont mis en place a bien fonctionné pendant l’épreuve, puisqu’à plusieurs reprises elle avoue qu’elle aurait pu perdre la course. « J’étais tellement déterminée que je revirais tout en positif, je n’ai eu aucun moment de panique, même si je perdais quelques secondes dans les virages ou lors de la descente quand je me faisais distancer. Rien ne m’atteignait. » 

Son entraîneuse lui avait parlé souvent de ce sentiment de calme et de confiance. Elle comprenait ce qu’elle voulait dire, mais elle n’avait jamais expérimenté ce feeling. « Lorsque je me suis retrouvée sur la ligne de départ, j’avais le sentiment de ne pouvoir rien faire de plus pour être meilleure, parce que j’avais fait tout ce qu’il fallait. Je ne me sentais pas nerveuse et je savais exactement ce que je devais accomplir pendant la course. C’était la première fois que je vivais ce que Christine m’avait expliqué. »

Maintenant que son rêve d’être médaillée lors des championnats du monde est atteint, quel sera son prochain rêve? Elle veut revivre un processus aussi enrichissant que celui qu’elle vient de vivre, s’améliorer sur le point technique et tactique, mais par-dessus tout, elle veut un jour être la meilleure au monde chez les élites femmes. « Quand j’étais sur le podium, j’ai fermé les yeux et j’ai pris le temps de voir tout ce qui s’était passé, j’y ai pensé pendant un an à ce moment, mais j’en veux encore plus! » Gageons que ce moment la suivra pour le reste de sa carrière et elle pourra lui faire référence pour l’aider dans son prochain processus vers le succès.

 

Karol-Ann Canuel : « Je pensais que ma course était finie. »

Du côté des élites femmes, Karol-Ann Canuel a donné le meilleur résultat au Canada depuis 2009 avec une sixième place lors de la course sur route. Elle avoue avoir eu une drôle de course, puisqu’elle a passé par toute la gamme d’émotions. Avec environ 45 km à faire, elle s’est retrouvée en arrière dans une des montées significatives du parcours. « J’étais dans le deuxième groupe et je n’avais aucune idée où était rendu le groupe de tête, je me suis dit bon ça y est, ma course est terminée. J’en étais rendu à me demander ou est-ce que je vais quitter le parcours pour retourner à la tente d’équipe. »

Pour une fille qui pensait qu’il n’y avait plus aucun espoir, c’est assez exceptionnel comment elle a su composer avec la situation. En effet il est difficile de savoir quels sont les écarts des groupes sur la route, puisque les oreillettes ne sont pas permises lors d’un Championnat du monde. « Ma coéquipière Alison Jackson est venu me dire qu’elle avait perçu au loin le premier groupe et elle m’a demandé si je voulais qu’elle me ramène. J’ai dit oui, mais je n’étais vraiment pas certaine d’y croire. »

Jackson a finalement ramené Karol-Ann sur le premier groupe et c’est là qu’elle a recommencé à y croire. Par la suite, Karol-Ann a décidé d’attaquer et il a fallu deux attaques pour qu’elle puisse finalement s’enfuir. En cyclisme sur route, rien n’est conclu tant et aussi longtemps qu’on ne passe pas le fil d’arrivé et c’est exactement ce qui s’est produit dans ce scénario. Après avoir pensé mettre un terme à cette journée, la voilà qui se retrouvait soudainement en lice pour une place sur le podium, inusité n’est-ce pas?

Karol-Ann CanuelC’est bien entendu à ce moment que tout son mental s’est mis à penser à ce podium. « J’y ai cru pendant un moment oui, mais j’avais seulement une vitesse à laquelle je pouvais aller et je n’ai pas pu répondre à l’attaque de l’Italienne Tatiana Guderzo qui est allé chercher le bronze. » En effet, à un certain moment, on a bien pensé que Karol-Ann allait tenter le tout pour le tout, puisqu’elle semblait être la plus dominante de son petit groupe, mais elle ne pouvait pas encaisser de changement de rythme. Elle n’avait pas d’autre choix que de continuer son effort constant. « Lors du sprint final pour la quatrième place, je n’ai pas pu me lever, parce que je crois que j’aurais eu des crampes. » Elle a donc décider de mener la charge avec son rythme effréné pour s’assurer que le groupe derrière ne revienne pas et ainsi s’assurer d’une sixième place.

« Je suis vraiment contente, parce qu’enfin tous mes efforts se concrétisent et je vois que ça rapporte dans des moments importants comme un Championnat du monde. » Elle chemine maintenant avec son entraineur depuis quelques années et elle commence à trouver la recette gagnante avec lui, ce qui fait qu’elle a connu une belle progression cette année. « J’avais l’impression d’avoir stagné lors des dernières années, mais maintenant je me connais beaucoup plus et je sais quand j’ai besoin de repos. Parfois c’est difficile de prendre une semaine sans rouler pendant la saison alors que tu vois toutes tes rivales s’entrainer, mais maintenant je sais que parfois c’est ce dont j’ai besoin. »

Karol-Ann a accompli tout un exploit avec ce résultat et c’est de bon augure pour l’année prochaine. « D’habitude après les mondiaux, je suis exténuée de ma saison, mais là j’ai quasiment envie de sortir mon vélo de la boîte et d’aller m’entrainer pour la saison prochaine! » Je peux vous dire que j’ai déjà hâte moi aussi et surtout aux Jeux Olympiques de Tokyo où elle sera dans son apogée physiquement.

 

 

Première médaille en 34 ans, signée Michael Woods

Incroyable performance de Michael Woods chez les élites hommes et ce, sur un parcours d’une difficulté incommensurable avec une montée finale de 28%. Je n’ai jamais vu quelqu’un grimper avec autant de cran, avec l’intention ferme de démolir ses adversaires. On y voyait une volonté indescriptible dans sa façon de tirer sur son guidon, on sentait qu’il avait la fougue du vainqueur. Imaginez, après plus de 6h30 minutes d’effort soutenu, il a réussi à mettre à mal tous ses adversaires là où ça comptait le plus.

Cet athlète a non seulement monté sur le podium, mais a eu une progression vertigineuse dans ce sport qui est beaucoup plus complexe qu’on ne peut l’imaginer. Il a certainement eu lesMichael Woods outils, mais c’est lui qui fait le travail. S’il était en mesure de performer sur plus de 6h30 de compétition, imaginez les heures qu’il doit mettre sur son vélo pour accomplir cet exploit. Chaque fois que je vois des performances de ce genre, je sais que ce n’est pas seulement le talent, c’est l’éthique de travail, mais surtout tout comme tous les autres athlètes qui ont eu du succès lors de ces mondiaux, le mental doit être intouchable. Performances inoubliables!