Simone Boilard, athlète en cyclisme sur route, est un nom maintenant connu à l’échelle internationale. Elle est une coureuse cycliste complète. Elle a tous les atouts pour performer dans sa discipline. Rare sont les athlètes comme elle. Grimpeuse, sprinteuse, rouleuse, rien n’est à son épreuve. Que ce soit en contre-la-montre individuel ou bien sur une course sur route, elle performe. En plus d’avoir toutes ces qualités, elle est intelligente et stratégique dans sa façon de compétitionner. C’est une chose d’avoir ce talent, mais Simone fait parti des grands du sport. Pourquoi? Parce qu’elle est capable de livrer quand ça compte le plus, lorsque la pression est à son comble, quand tout le monde regarde, quand tout le monde scrute. Simone, elle livre et performe. Seuls les grands peuvent le faire. Quand ça compte le plus, c’est là qu’elle se démarque. Médaillée de bronze à la course sur route et 5e au contre-la-montre des championnats du monde en 2018, Simone Boilard a écrit l’histoire.

Débuts à vélo, Audrey LemieuxMais ou était Simone en 2019? Elle a accepté de me raconter. Voici l’histoire de Simone 2.0.

D’aussi loin que je me souvienne, je fais du vélo. J’ai consacré tous mes étés à la compétition. Le vélo c’est ma passion, ça réuni ma famille. Ça a toujours été des moments privilégiés pour nous tous. Année après année, je me suis constamment améliorée. Jusqu’au jour où j’ai commencé à y penser. À le visualiser. À l’intégrer. Pendant plusieurs années, j’ai eu comme objectif d’être championne du monde. De porter le maillot arc-en-ciel. J’y croyais. J’avais cette image dans ma tête. C’était mon objectif.

L’histoire, vous la connaissez. À 18 ans, je suis devenue la première Canadienne d’âge junior à monter sur le podium depuis Clare Hall-Patch en 2000. C’était euphorique. Cette expérience restera à tout jamais quelque chose d’extrêmement enrichissant pour moi. J’ai appris comment réaliser un objectif. À tous les jours, c’était dans le creux de ma tête et quand j’avais des journées d’entrainement plus difficiles, je me poussais quand même. Je savais que c’était possible et ça s’est produit. Médaillée, applaudie, louangée, je suis devenue la révélation, le futur et l’enfant prodige. Quelle était la suite pour moi? J’était déjà prête à me lancer vers mon prochain objectif. Celui de devenir une cycliste professionnelle.

Ce nouveau défi de devenir professionnelle, c’était bien, c’était beau, c’était grand. C’était la suite. La suite de quelque chose de grandiose. C’était quelque chose qui n’était pas aussi concret, pas aussi déterminant et c’était réellement très différent que de devenir championne du monde. J’ai réalisé que c’était une bien grosse étape de devenir pro. Un an plus tard, je suis capable de le dire et de l’expliquer. J’ai sous-estimé l’impact que les mondiaux ont eu sur moi, mais à ce moment, je ne le savais pas encore. J’ai donc signé mon premier contrat professionnel avec l’équipe Twenty 20 http://www.teamtwenty20.com/. C’était un rêve, j’étais heureuse et motivée. Jusque-là, tout allait bien. Je me sentais choyée de côtoyer des Olympiennes avec autant d’expérience. J’étais la plus jeune de l’équipe. C’était un privilège. Malheureusement, bien malgré moi, je me suis perdue dans tout ça. Je ne savais plus quelle était ma mission.

Audrey Lemieux, équipe proAprès avoir quitté la maison pendant 6 mois pour l’entrainement hivernal, j’ai eu de bonnes performances. En mars, à la Redlands Bicycle Classic, j’étais au pied du podium au contre-la-montre individuel derrière Amber Neben, trois fois championne du monde de la discipline. Je m’entrainais fort comme d’habitude. J’étudiais, j’avais cinq cours à distance. J’avais un très gros rythme de vie. Les maux de dos ont commencé après Redlands. Ensuite, je suis allée faire la Joe Martin Stage race et ça ne s’est pas bien passé. En plus des maux de dos, j’étais un peu malade et je n’arrivais pas à pousser. C’était la première fois que je n’arrivais pas à gérer tout ça. Après Joe Martin, j’avais prévu aller m’entrainer en altitude, mais j’ai vite compris que ça n’allait pas fonctionner.

C’était insoutenable. Mon mal de dos m’empêchait de respirer et d’être en position de vélo. Ça m’a découragé. J’ai décidé de revenir à la maison pour régler ce problème. C’était difficile. De retour à la maison, je n’avais plus de motivation. Je n’avais plus d’énergie. Je n’avais plus envie de voir mes amis. Du jour au lendemain, mon corps ne répondait plus. Je n’arrivais plus à forcer sur mon vélo. J’avais de la misère à me lever le matin pour faire ma journée. Faire de la compétition était rendu impensable. Je suis allée voir le médecin à Québec et on m’a dit de prendre un mois complet de repos. Je savais que c’était le mois le plus important de ma saison que je m’apprêtais à manquer. Celui où les résultats comptaient le plus. Voilà que d’un coup sec, tout tombait à l’eau.

J’ai commencé par prendre deux semaines de repos. C’est là que les symptômes de dépression sont apparus. En étant arrêtée, je n’avais plus l’adrénaline de la compétition ou encore les bienfaits de l’entrainement. Face à mon équipe, je me sentais lâche de les abandonner et de leur dire que je devais prendre une pause. Je voulais revenir rapidement. Après ces deux semaines, j’ai recommencé tranquillement, mais je savais que je m’en allais dans la direction opposée.

Audrey Lemieux, compétitionJ’ai eu des crises de panique. J’étais habillée en vélo, prête à partir m’entrainer et anxieuse devant ma monture, je pensais que j’allais mourir parce que je n’étais pas capable de respirer. Mon corps et ma tête ne voulaient plus. Je ne voyais que la perte de ma saison. Je voulais aller au Tour de Californie. Je voulais gagner les Championnats Canadiens. Je voulais participer aux Championnats du monde. Soudainement, tout ça n’existait plus. Je devais me retrouver. Me renouveler. C’est ici que ce sont opérés les plus grands changements en moi. Simone 2.0 venait de naître.

Ça me fait plaisir aujourd’hui de partager ce que j’ai vécu. J’ai décidé de me retirer de la compétition pour la saison 2019 et cette décision m’a permis de réfléchir et d’analyser ma situation. J’ai changé des aspects de ma vie que j’avais négligé. Je suis retournée à l’école près de chez moi au lieu de le faire à distance. C’était difficile de tout apprendre par moi-même. Pour la première fois de ma vie, je n’ai pas fait de compétition pendant l’été. J’ai trouvé un équilibre. Mon équilibre.

 

Audrey Lemieux

En ce moment, j’ai une petite routine d’entrainement et je marche pour aller à l’école. Je vois mes amis, j’étudie et de semaine en semaine, on monte légèrement la charge d’entrainement. J’ai eu plein de belles activités et d’aventures en famille, ça été vraiment cool! Ma famille a été là pour moi pendant tout ce processus. Alors que mon copain Nickolas Zukowsky a vécu sa plus belle saison de compétition à vie, il m’a apporté beaucoup de support. Mon équipe Twenty 20 est restée avec moi, ils vont continuer de me soutenir la saison prochaine. Ils m’appuient dans ma démarche. Ils prennent de mes nouvelles. B2dix me fournit de précieux outils également. Cette équipe autour de moi m’aide à me reconstruire. Tous ces gens ont continué d’y croire, même si moi je n’y croyais plus.

Quand je pensais à ma médaille de bronze, je voyais une opportunité de victoire manquée. Aujourd’hui, Simone 2.0 a une vision différente. Maintenant, je le vois comme un apprentissage et non comme quelque chose que je n’ai pas accompli. Cet été, j’ai eu beaucoup de victoires personnelles et j’ai grandi mentalement. La Simone 2.0 est plus mature, plus heureuse. Je sais que ce que j’ai vécu se tournera en positif. Je pourrai toujours aller me référer à cette expérience de vie. Ça va me servir. Juste de retomber dans un contexte de compétition et de performance dans le futur, vaudrait encore plus qu’une médaille. Ce serait ma plus grande fierté. La suite, je ne la connais pas, mais je sais que ça va être beau!