L’avis est unanime : courir sur un tapis roulant n’est pas l’activité la plus inspirante au monde. Pourtant, de nombreux coureurs font une partie (et certains, la totalité) de leur entraînement sur cet appareil, souvent à contrecœur.

 

Il est communément admis que la course sur tapis est relativement semblable à la course normale. La majorité des recherches sur la course à pied sont même réalisées sur tapis roulant, ce dernier permettant de simplifier l’expérimentation en plus de créer un environnement reproductible. Concurremment, plusieurs études démontrent des différences significatives entre les deux modes.

 

Voyons ensemble ces différences :

  • On constate des différences notables relativement à la technique de course. Sur tapis, on observe chez plusieurs coureurs une cadence accélérée, une foulée raccourcie et un temps de contact au sol abrégé. La posture de certaines personnes est altérée, fréquemment par l’orientation de la tête : regarder constamment le tableau de bord peut faire adopter une posture enroulée (cyphose) ou projeter la tête vers l’avant, ou les deux ; à l’inverse, garder les yeux rivés sur un ou des écrans de télé placés haut dans un gym risque d’entraîner une courbure concave accentuée du cou ou du bas du dos (lordose). On constate toutefois que la technique est modifiée plus encore quand s’élève la vitesse, mais alors les coureurs adoptent une techniqueTapis 2 sécuritaire afin de demeurer sur le tapis, et le déplacement vertical s’en trouve diminué. L’appui du pied est lui aussi souvent modifié : l’angle entre le dessous du pied et la surface lors du contact initial est généralement plus petit. Certains arrivent à courir sur l’avant du pied ou à mi-pied sur tapis alors qu’ils en sont incapables en conditions normales. Par ailleurs, certaines personnes ne sont carrément pas à l’aise, et leur style devient moins fluide qu’à l’extérieur.

 

  • Courir sur tapis ne requiert pas d’énergie pour lutter contre la résistance au vent. Pour vous donner une idée, de 4 % à 8 % de votre énergie dépensée en courant est allouée à cette tâche. En sprintant, cette dépense pourrait aller jusqu’à 20 %.

 

  • Certains paramètres de performance sont diminués sur tapis. Le plus flagrant est l’économie de course notamment parce que la course est alors moins naturelle et fluide. Cette valeur, qui représente la quantité d’énergie dépensée pour une vitesse donnée, est maintenant considérée comme un facteur important dans la performance. La vitesse maximale pouvant être atteinte est toujours plus basse sur tapis. Il n’est tout simplement pas conseillé de vous amuser à faire des sprints sur un tapis. Gardez cette partie pour l’extérieur !

 

  • Le tapis provoque des modifications biomécaniques. La surface déroulant sous vos pieds modifie entre autres le travail musculaire des muscles extenseurs des hanches. Le grand fessier (le plus superficiel et le plus volumineux des muscles fessiers, tout comme le muscle le plus fort du corps) est un peu moins sollicité, de même que les muscles propulseurs (dont les quadriceps). Cela explique pourquoi certaines personnes ont l’impression de ne pas avoir de propulsion en courant après un hiver passé sur tapis roulant.

 

Comme plusieurs fabricants offrent des tapis hyper amortissants et silencieux, cela entraîne des changements dans le travail de vos propres systèmes amortisseurs. Certains coureurs ayant des problèmes biomécaniques et des douleurs associées ont même plus de facilité à courir sur ces types de tapis.

 

Fait intéressant, certaines études ont démontré que la vitesse de déroulement du tapis n’est pas totalement constante, ce qui entraîne des ajustements biomécaniques.

 

Pas besoin d’études scientifiques pour mesurer le monde séparant le plaisir ressenti en courant sur un tapis roulant par rapport à la course normale. En ajoutant les différences présentées plus haut, il ressort que le tapis roulant ne remplacera jamais parfaitement la course naturelle.

 

 

Trois conseils pour le tapis roulant

 

Inclinaison : Afin de compenser l’absence de résistance de l’air, ajustez l’inclinaison du tapis à 1 %. Dans le cas de vitesses plus élevées que 18 km/h, l’inclinaison peut être montée à 2 %.

 

Posture : Passez au moins une partie de votre entraînement à porter naturellement le regard vers l’avant, la nuque allongée et détendue. Limitez le temps que vous passez à regarder le tableau de bord ou des écrans installés trop haut ou de côté.

 

Gradation : Si vous n’êtes pas familiarisé avec la course sur tapis, intégrez graduellement ce type d’entraînement à votre routine en augmentant peu à peu la durée, puis la vitesse, puis l’inclinaison.

 

 

Profitez des autres appareils à proximité du tapis pour faire de l’entraînement croisé et varier les stimuli ! Au lieu de 40 min de tapis roulant pourquoi ne pas faire quatre efforts de 10 min en mixant le tapis avec la machine à ramer, l’elliptique et le vélo stationnaire ?

 

 

Q&R

 

Est-il vrai que pour les genoux, parce qu’il n’y a pas d’impact, l’exerciseur elliptique est préférable à la course ?

À l’heure actuelle, bien que la science ne soit pas claire là-dessus, l’elliptique semble une bonne option pour retourner graduellement à la course après une blessure. Il faut préciser que quand bien même il n’y a pas d’impact, puisque le pied est toujours en contact avec la surface, des forces sont de toute manière générées dans le corps. Ces forces demeurent toutefois moins élevées qu’à la course, ce qui est d’emblée positif pour le genou. Cependant, le fait que les pieds restent relativement statiques sur les pédales risque de solliciter les genoux d’une façon particulière. N’utilisez pas les appareils avec des pédales qui fixent les pieds dans une position ; ceux-ci devraient pouvoir être libres et en ouverture naturelle.

 

Doit-on changer notre façon de courir l’hiver ?

Selon les conditions, il est utile d’adopter une technique plus sécuritaire. La première chose à faire est d’augmenter légèrement (d’environ 5 %) la cadence (nombre de pas par minute), de façon à diminuer la longueur des foulées et de permettre au pied, lors du mouvement initial, de s’appuyer au sol plus près de votre centre de gravité. De cette façon, si vous posez le pied sur une plaque de glace, il vous sera plus facile de parer à une chute embêtante. Évitez à tout prix de poser le talon loin devant vous (avec le genou verrouillé), ce qui vous mettrait en position instable. Dans des conditions extrêmes, pensez à vous munir de chaussures à pointes en graphite conçues pour l’hiver, ou encore de dispositifs améliorant l’adhérence, qui se placent sous la chaussure.

 

 

Auteur : Jean-François Harvey,  collaborateur au magazine KMag, ostéopathe, kinésiologue et auteur des livres Courir mieux.

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