Je vous raconte d’abord une anecdote. En septembre 2015, je m’étais inscrit à titre de marcheur au demi-marathon du Marathon de Montréal. Je voulais franchir la distance avec mon père, un marcheur passionné. Un autre participant rencontré peu de temps avant s’était joint à nous pour marcher les 21,1 kilomètres. Notre chrono final : 3h21.

Mon père et moi étions bien fiers d’avoir vécu ce moment ensemble.  Mais la journée de travail était loin d’être terminée pour notre collègue puisqu’il voulait marcher le marathon au complet. Il a finalement réussi à le faire, mais en terminant dans le plus grand des anonymats alors que le parcours était rouvert à la circulation automobile et que les tables de ravitaillements avaient disparues. L’arche d’arrivée avait été dégonflée et tout  le monde avait quitté. Il n’y avait même plus d’eau et, surtout, de médailles pour souligner son exploit.

Inutile de blâmer les organisateurs de l’événement montréalais puisque cette situation se retrouve dans l’énorme majorité des marathons de la planète. Il y a toujours un temps limite pour terminer et il est habituellement fixé à six heures. Au-delà de ce chrono, les participants sont laissés à eux-mêmes. Ils doivent marcher sur les trottoirs et attendre avant de traverser aux intersections.

Dans le cas du Marathon de Montréal, il était impossible de garder fermées les rues aussi longtemps. Impossible également d’assurer la sécurité sur le parcours et de trouver des bénévoles pour une aussi longue période.

Frédéric Plante et Nathalie Bisson

Cette histoire m’est revenue en tête lorsque j’ai rencontré Nathalie Bisson à la Course du P’tit Frais, à Saint-Guillaume, en septembre dernier. Nathalie voulait qu’il soit possible de marcher ou d’alterner la marche et la course sur la totalité d’un marathon avec tous les honneurs et tous les services sans ressentir l’anxiété de performance et le besoin de terminer en moins de six heures. 

Eh bien grâce à son acharnement, à sa capacité de persuasion et à son histoire peu banale, cela deviendra réalité. La première édition du Marathon du Pace du Bonheur se tiendra à l’occasion de la 19e édition du Marathon de Rimouski, le 13 septembre 2020. Un événement unique au Québec.   

« On parle vraiment d’un défi distinct du 42,2 km traditionnel, avec un départ hâtif et un délai de 8 heures pour compléter le parcours », explique Sébastien Bolduc, coordonnateur de l’événement. « Chaque année, quelques personnes se prévalaient de l’option de prendre le départ un peu plus tôt, mais on parle ici d’en faire un événement à part entière, plus festif, où le chrono serait optionnel, mais le plaisir et la satisfaction de soi garantis. »

Nathalie Bisson

J’ai immédiatement trouvé Nathalie Bisson très sympathique. Cette femme respire le bonheur et inspire de plus en plus de gens à oublier le chrono lorsqu’ils courent ou marchent. En 2002, alors qu’elle est à la mi-trentaine, elle apprend qu’elle est souffre de polyarthrite rhumatoïde sévère. Plutôt que de se laisser abattre, elle décide de commencer à faire du sport. Du vélo d’abord, puis de la course à pied.

En 2011, elle termine un premier marathon, celui de Rimouski. L’activité physique l’aide à repousser les affres de la maladie. Lorsqu’elle apprend, en 2013, que le mal qui l’afflige récidive plus fort que jamais, elle choisit de continuer de vivre sa passion pour la course à pied, mais en misant sur le plaisir d’abord et avant tout. « J’ai refusé d’abandonner la course à pied, j’ai plutôt décidé de m’abandonner à ce que mon corps pouvait me donner. Dorénavant, je prône la persévérance et la constance plutôt que la performance », précise Nathalie.

Nathalie Bisson

Finis les chronos et les coups d’œil aux montres! Elle marche et court au « pace du bonheur ». C’est devenu le titre de son livre et de ses conférences. Plusieurs adeptes se sont joints à ce mouvement qui vise à démocratiser la course à pied en apportant une nouvelle perspective où le plaisir prime, sans égard au chronomètre.

Pour Nathalie, le Marathon du Pace du Bonheur vise à rendre plus accessible le rêve d’être marathonien, ce qui, dans un contexte axé sur la performance, est difficilement atteignable.  « Je préconise une façon plus humaine de voir le marathon, avec moins de rigidité, pour permettre de goûter à l’ivresse de cette réalisation », raconte-t-elle. « Ce n’est pas parce qu’on court lentement qu’on néglige l’entraînement ou que nous sommes mal préparés. C’est juste que chacun court à son rythme, avec la vie qu’est la sienne et dans le corps qui lui appartient.»

Nathalie a été approchée par trois municipalités différentes pour accueillir ce premier Marathon du Pace du Bonheur. Mais elle a opté pour Rimouski, là où elle avait terminé son premier marathon en 2011. Elle dit être tombée en amour avec cette ville.

Elle souhaite inverser les préjugés parfois négatifs qui entourent les marathoniens terminant une épreuve avec un lent chrono. « On ne peut pas dire d’un marathonien qui termine en 7h30 qu’il a eu besoin de ce temps pour finir. Non! Ce sont peut-être des mois ou des années d’entraînements dont il a eu besoin. Derrière les chiffres, il y a toujours une histoire que les gens ne connaissent pas. Je refuse de juger. »

Nathalie Bisson explique toutefois que son Marathon au Pace du Bonheur n’existe pas pour rendre la complétion du trajet de 42,2 kilomètres plus facile. Ce n’est pas pour ceux qui n’ont jamais couru et qui pensent faire la fête. Elle veut simplement que les gens qui ne peuvent plus performer ou qui ont décidé de changer leur perception de la performance aient la latitude nécessaire pour le faire.

Nathalie Bisson

« Je rêve au jour où les montres seront interdites lors de la journée officielle de la course pour que les gens s’abandonnent à ce qu’ils sont en train de réaliser. C’est un peu à ça que servira ce premier Marathon du Pace du Bonheur à Rimouski. Ce sera pour les gens qui ne veulent plus ressentir l’anxiété de performer à tout prix ou qui ont des difficultés physiques. Il y aura de l’animation tout au long du parcours et une haie d’honneur attendra les participants à la ligne d’arrivée. Je veux que le dernier qui réussit à terminer se sente aussi célébré que le premier. »

Nathalie conclut en disant sagement que celui ou celle qui termine dernier n’a pas nécessairement négligé son entraînement. Derrière chaque dossard, il y a une histoire!

La période d’inscription pour l’édition 2020 du Marathon de Rimouski débutera le 16 décembre 2019. À compter de janvier 2020, un plan d’entraînement sera proposé à ceux et celles qui souhaitent prendre part à cette première édition du Marathon de Pace de Bonheur.

J’ai bien le goût d’y aller!