D’entrée de jeu, je pense qu’on peut remercier la profondeur du côté des Alouettes de Montréal pour la victoire de 20 à 16 devant le Rouge et Noir d’Ottawa. Cette profondeur qui sera à nouveau mise à l’épreuve dans les prochaines semaines avec l’annonce de la blessure à Vernon Adams fils qui ratera au moins six matchs.

 

J’y reviendrai un peu plus tard à cette situation chez les quarts du côté des Alouettes, mais Matthew Shiltz a levé le défi avec brio lundi lorsqu’il est arrivé en relève pour conduire l’équipe à une poussée victorieuse en fin de quatrième quart.

 

Il n’y a pas que Shiltz qui s’est illustré comme « remplaçant ». Cameron Artis-Payne s’est signalé en l’absence de William Stanback comme porteur de ballon. David Foucault et David Brown ont aussi répondu présents du côté de la ligne à l’attaque et c’est rassurant de voir que les Alouettes peuvent miser sur de la profondeur de qualité lorsqu’ils en ont besoin.

 

Une saison de football, c’est long, et comme c’est un sport de contacts, il faut s’attendre à ce que les blessures surviennent en cours de route. Ce qu’une équipe espère, c’est qu’avec ces joueurs qui arrivent en relève, le niveau de jeu ne sera pas trop affecté. Tout part au camp d’entraînement comme on entend souvent qu’une organisation veut créer un climat de compétition lors de cette période. Contre le Rouge et Noir, la profondeur a passé le test.


Ne pas toujours viser le spectacle

 

Si je veux revenir sur la victoire devant Ottawa, j’avais déjà annoncé en avant-match pour ceux qui étaient à l’antenne que c’était une rencontre que les Alouettes ne pouvaient pas se permettre de perdre. L’équipe était encore à la recherche d’une première victoire à la maison cette saison et, malgré les blessures à certains joueurs, les Alouettes accueillaient une équipe qui avait une fiche de 2-6 à ce moment, qui n’avait eu que cinq jours pour se préparer contre neuf pour Montréal.

 

C’est évident que je suis heureux de la victoire, mais j’ai tout de même un petit goût amer, car elle n’aurait pas dû être aussi difficile à obtenir. Sans manquer de respect au Rouge et Noir, pour les raisons que j’ai nommées, le fait que Caleb Evans est un quart recru, et que les Alouettes l’avaient emporté 51 à 29 au début du mois de septembre, je pensais que la rencontre ne serait pas aussi chaudement disputée.

 

Je me rappelle un discours de Marc Trestman à l’époque dans lequel il avait dit qu’un match n’est pas obligé d’être serré. Khari Jones pourrait s’en inspirer, car depuis au moins deux matchs, les Alouettes attendent à la toute fin pour se sauver avec la victoire. C’est excitant, mais une victoire convaincante fait aussi le travail.

 

C’est aussi ce à quoi on pouvait s’attendre après le début de match canon de l’équipe. Après deux sacs enregistrés par l’unité défensive, l’attaque a remonté le terrain pour conclure avec le touché de Jake Wieneke. Le temps de le dire, le Rouge et Noir tirait de l’arrière 7 à 0. Les Alouettes manquent, si on veut, d’instinct du tueur. Au cours du match, l’attaque a encore eu ses chances d’inscrire des points et on ne comptera pas toutes les passes du quart du Rouge et Noir qui ont été échappées ou presque interceptées par des demi-défensifs. Les Alouettes devront être plus opportunistes en deuxième moitié de saison pour se faciliter le travail.

 

Notre presque parfaite à la défense

 

Même s’il y a eu des interceptions manquées, on ne peut pas réellement reprocher quoi que ce soit d’autre à l’unité défensive des Alouettes.

 

Le Rouge et Noir n’a inscrit aucun touché, a dû se contenter de quatre placements et de deux touchés de sûreté accordés par l’attaque avec le positionnement sur le terrain.

 

On sent que la pression se rend davantage sur le quart-arrière grâce notamment à la stratégie employée avec cinq joueurs sur la ligne. Dans cette formation, on retrouve souvent le coeur de cette unité chez les Alouettes, Almondo Sewell, qui se place devant le centre adverse. C’est une confrontation avantageuse, car souvent, le centre n’a personne devant lui et il donne un coup de main à ses coéquipiers.

 

Par contre, avec une pression à cinq, tous les bloqueurs ont un joueur à s’occuper, donc il doit se charger de Sewell qui gagne la plupart de ses confrontations à un contre un. La pression arrive donc du centre de la pochette ce qui est un vrai casse-tête pour un quart-arrière.

 

Un autre joueur qui a gagné beaucoup de points sur cette unité : Jamal Davis. Il s’arrange pour que les entraîneurs ne puissent pas le retirer de l’alignement. C’est une autre preuve de la profondeur de cette équipe, car il remplace Antonio Simmons. Davis est un ailier défensif, mais je le considère comme un joker, car il peut être secondeur intérieur également et il se promène un peu partout sur la ligne. C’est compliqué pour l’attaque adverse, surtout s’il parvient à se donner un élan pour percuter un bloqueur. Selon les stratégies de protection, c’est un demi-offensif qui doit l’empêcher de se rendre au quart parfois et vous comprendrez qu’à 250 livres pour Davis, le duel est souvent inégal.

 

Je trouve que la défense des Alouettes a su se ressaisir contre le Rouge et Noir et comprendre qu’à certains moments dans le match, c’est le temps de fermer la porte et de ne pas accorder de points. Il y avait eu des ennuis en fin de demie contre les Argonauts, mais aussi en fin de match contre les Tiger-Cats de Hamilton qui avaient su marquer trois points pour amener le match en prolongation. Souvent, on avait vu une pression à trois afin de garder des demi-défensifs pour couvrir les receveurs, mais les équipes adverses ont su se démarquer.

 

Contre le Rouge et Noir, la situation a changé puisqu’en fin de match, c’était une pression à cinq, donc le quart n’a pas le temps de repérer ses receveurs qui ne peuvent perdre leur couvreur. L’ajustement a été payant pour les Alouettes.

 

L’unité défensive devra faire attention dans les prochains matchs maintenant avec les courses nord-sud de l’adversaire. Cette unité repose sur la vitesse pour couvrir beaucoup de terrain, mais lorsqu’un joueur court par le centre, il obtient du succès. Patrick Levels et Ahmad Thomas ne sont pas les joueurs avec les plus gros physiques, donc parfois l’adversaire peut en profiter puisque sur une course en ligne droite, les joueurs n’ont pas le choix d’encaisser les blocs.

 

Si jamais le demi-offensif traverse la ligne défensive, il peut avoir plus de succès à ce moment comme le Rouge et Noir a eu avec 140 verges en 17 courses.

 

Shiltz et Artis-Payne font le travail

 

Sur le plan offensif, Artis-Payne a montré sa polyvalence comme il peut saisir des ballons grâce à son agilité et il a bien repéré les brèches pour le jeu au sol afin d'enregistrer 122 verges par la voie terrestre.

 

Ça m’amène à parler de la ligne à l’attaque qui a bien fait avec le jeu au sol, mais on regarde les six sacs du quart accordés en protection. Du nombre toutefois, il est bien vrai que la ligne cédait rapidement par moments, mais j’ai aussi senti que Vernon Adams fils gardait le ballon plus longtemps dans ses mains ce qui permettait à la pression de se rendre à lui.

 

Les six sacs du Rouge et Noir ont été enregistrés après son interception. Il s’agit déjà d’une neuvième interception cette saison et une septième à ses quatre derniers matchs. Après avoir vu le beau jeu du demi-défensif, il faut le reconnaître, qui a empêché les Alouettes d’ajouter des points au tableau, je sentais qu’Adams hésitait un peu plus dans sa prise de décision comme il ne voulait sûrement pas être victime d’un autre revirement. Je voyais qu’il se tournait souvent vers la course au lieu de viser ses receveurs.

 

Il sera absent pour au moins six matchs, mais à son retour, il devra faire attention aux faits qu’il semblait devenir prévisible sous pression. Lorsqu’une défense applique de la pression, il y a souvent un tracé court d’un receveur pour aider le quart. Cependant, les défenses adverses semblent bien lire Adams comme ils devinent quel receveur sera son dépanneur pour sauver la mise. Toronto avait eu du succès à ce chapitre et le Rouge et Noir est passé bien près de réaliser une interception dans une situation similaire. Le demi de coin a délaissé complètement son receveur pour se rendre sur Wieneke et le ballon s’est dirigé effectivement vers lui. Si jamais l’interception était réussie, c’était sans doute retourné pour un touché.

 

Adams devra mieux lire la situation, car lorsque la défense réagit de la sorte, il y a forcément un receveur libre sur le terrain. Par contre, on ne peut enlever le courage d’Adams, car sur la course qui a mené à sa blessure, il a permis aux Alouettes de poursuivre leur séquence. Il s’est sacrifié pour l’équipe et on espère dans son cas qu’il pourra se rétablir rapidement.

 

Avec le départ d’Adams, Shiltz a fait son entrée dans un deuxième match avec Hamilton et Ottawa. En quatre séquences offensives, il a mené les Alouettes à deux placements et un touché. C’est intéressant pour la suite.

 

Il a été parfait en trois passes contre Ottawa pour des gains de 36 verges et il a réalisé deux courses pour des gains de 18 verges afin de mettre la table pour le touché d’Artis-Payne. C’est intéressant, car si on regarde un entraînement des Alouettes, Shiltz a peu de répétitions, car la majorité revient à Adams fils.

 

Pendant ce temps, Shiltz imite Adams et effectue des répétitions mentales et regarde où il lancerait le ballon sans le faire. Ce qui aide les Alouettes, c’est que Shiltz est dans le système depuis un moment, donc il n’est pas déstabilisé. Il y a toutefois une différence entre arriver comme un cheveu sur la soupe dans un match et être le quart partant. Le Rouge et Noir va pouvoir l’étudier pour le prochain match et sera prêt pour sa présence samedi.

 

Même si Shiltz a fait le travail en relève, je m’attends à ce que Danny Maciocia soit sur le téléphone pour chercher un autre quart à l’équipe. Pour le moment, le réserviste si Shiltz se blesse, c’est Shea Patterson le seul autre quart disponible dans la formation des Alouettes. Il a évolué à l’Université Michigan, mais après avoir été sur l’équipe de pratique des Lions, il a rejoint les Alouettes le 20 septembre.

 

En raison de la quarantaine, il ne s’est pas entraîné avec l’équipe avant le 28 septembre. Je me dis qu’il n’est donc pas familier avec le livre de jeux encore. Si jamais Shiltz devait se blesser, les Alouettes devraient se tourner vers lui. Les opérations football ont du travail pour dénicher un quart afin de recréer une profondeur au poste de quart-arrière qui a bien servi l’équipe à d’autres positions.

 

Même si j’aimerais que les Alouettes aient une meilleure fiche que celle actuelle (4-4) en raison du talent dans la formation, si je regarde le classement, les Alouettes ont encore toutes leurs chances pour terminer au premier rang avec les Argonauts de Toronto qui ont un dossier de 6-3.

 

On se rappelle que le but est de terminer en tête de l’Association, car une fois en série, il n’y a qu’un match qui sépare l’équipe de la finale de la Coupe Grey. C’est encore bien loin, mais c’est toujours à la portée des Alouettes qui doivent profiter d’un autre match contre le Rouge et Noir en fin de semaine.

 

Propos recueillis par Maxime Tousignant