Le moins que je puisse dire est que j'ai beaucoup de doutes dans le système d'alternance entre deux quarts-arrières que Tom Higgins souhaite employer face aux Roughriders de la Saskatchewan, samedi.

Au football, le succès d'une attaque repose sur le synchronisme, ce que les Alouettes n'ont pas à l'heure actuelle. Du synchronisme, ça ne s'achète pas, ça s'acquiert. C'est quelque chose que le quart doit développer avec les receveurs, les porteurs de ballon et la ligne à l'attaque.

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La cadence avec laquelle on choisit les jeux, la façon de communiquer avec les autres joueurs et la connivence avec les receveurs sont toutes des aspects qui viennent avec la répétition. Plus tu donnes de jeux au quart-arrière réserviste, plus tu diminues les répétitions du quart partant. Moins ce dernier voit de répétitions, plus tu risques que ça ne fonctionne pas.

Prenons la façon de travailler de Marc Trestman à titre d'exemple. Sous Trestman, un gourou des quarts-arrières, Anthony Calvillo prenait toutes les répétitions à l'entraînement. Aucune n'allait à son substitut. Trestman réalisait l'importance de développer la chimie et de pratiquer le système en attaque.

Dans un système à deux quarts-arrières, aucun des deux n'est en mesure d'établir son rythme et de développer son synchronisme.

Quand un quart prend son rythme, s'il voit quelque chose au premier quart et qu'il est confronté à une situation semblable au troisième, il sera en mesure de mieux réagir. Avec deux quarts, les deux voient le match différemment et ne peuvent s'habituer aussi adéquatement aux diverses situations dans lesquelles une défense peut les placer. Ce que le quart no 1 a vu, le quart no 2 ne l'a pas vu et peut être piégé à son tour dans un contexte similaire plus tard dans le match.

Alex Brink l'a dit lui-même après le match du 1er août face aux Argonauts alors que Troy Smith et lui avaient alterné. Il a mentionné que ç'avait été difficile et que la position de quart-arrière était une question de rythme.

Je ne peux m'imaginer comment un système à deux quarts pourrait fonctionner. Pourquoi ne pas donner les rennes à un seul quart? Tous les coordonnateurs offensifs le font. Par exemple, quand Drew Willy s'est joint aux Blue Bombers de Winnipeg, il était clair qu'il allait être le partant. Il ne faut surtout pas qu'il y ait d'ambiguïté au poste de quart. Tout le monde doit s'unir derrière le même quart pour que l'équipe connaisse du succès.

Si on veut donner une chance au quart substitut de se faire valoir, il faut le faire en lui faisant pleinement confiance. En optant pour un système d'alternance, on ne donne pas une vraie chance - comme on a donné à Troy Smith - à Alex Brink.

Brink dans l'incertitude

Comment exactement sera géré le système à deux quarts? Est-ce qu'on va donner le premier et le troisième quart à Brink alors qu'on misera sur Jonathan Crompton sur les deuxième et troisième? Va-t-on plutôt s'ajuster par rapport à la performance du duo?

Une chose est certaine, il faut que ce soit clair entre le personnel d'entraîneurs et les deux joueurs. Si ce n'est pas clair dans l'esprit de Brink, il jouera sur les talons en se sentant obligé de performer - ayant l'impression qu'il n'a aucune marge de manoeuvre s'il devait connaître une ou deux séquences difficiles. Au lieu de jouer de façon agressive pour chercher à gagner, il jouera plutôt pour ne pas faire d'erreur. C'est comme ça dans tous les sports, quand un athlète joue pour ne pas faire de gaffe, c'est là qu'il en fait.

Il faut toutefois dire qu'Alex Brink a du vécu dans ce genre de situation compliquée. Il a intégré la formation des Blue Bombers pour ensuite perdre son poste et revenir à plusieurs reprises. Il semble être un athlète assez calme et intelligent. Par contre, ce genre de situation n'est optimale pour aucun quart-arrière.

Le cas Smith : Difficile à suivre

J'ai de la difficulté à comprendre de quelle façon on a géré le dossier Troy Smith. Ne vous méprenez pas, Smith a eu ses chances et il fallait sans doute qu'un changement soit apporté. Ce que je trouve curieux, c'est le moment qu'on a choisi pour mettre Smith de côté.

Smith a connu une piètre performance il y a deux semaines face aux Argonauts mais les Alouettes ont été patients et on lui a fait confiance la semaine dernière face aux Eskimos. Il offre une performance beaucoup plus encourageante contre Edmonton et c'est à ce moment-là qu'on décide de lui enlever son poste de partant. Après ce match Tom Higgins avait même affirmé que Smith avait disputé son meilleur match depuis son arrivée à Montréal. Il a de plus maintenu ces propos quand il a pris la décision de remplacer Smith.

Les entraîneurs et les consultants se sont peut-être rencontrés et ont réalisé que Troy Smith ne donnait pas les meilleures chances de gagner aux Alouettes. Malgré la saison désastreuse que connaissent les Alouettes, l'équipe est toujours dans la course. C'est pourquoi on a sans doute décidé que si un changement devait être fait, il fallait le faire maintenant.

On a probablement jugé l'ensemble du travail qu'il a fait jusqu'à présent au lieu d'accorder trop d'importance à son dernier match.

C'est peut-être aussi une question de lecture de jeux. Ça peut arriver qu'un jeu entraîne un long gain tout en demeurant une mauvaise lecture du quart. Les gains sont très importants du point de vue d'un entraîneur, mais ce qui l'est encore plus à long terme, c'est d'avoir un quart qui prend les bonnes décisions.

Aucun avenir avec les Alouettes

Il est clair pour moi que Troy Smith n'a aucun avenir avec les Alouettes. Non seulement on lui enlève son poste de partant, mais on ne le garde même pas comme deuxième quart. On a tout simplement abandonné.

Il y a eu un peu de tumulte quand on a voulu le mettre sur la liste des blessés et qu'il a refusé, mentionnant qu'il n'était pas blessé. Pour moi, c'est une question de temps avant qu'il soit libéré. Si on ne l'a toujours pas fait, c'est sans doute une question de logistique et de bureaucratie.

Ça ne ferait aucun sens de lui enlever son poste et de lui redonner plus tard, compte tenu du nombre de chances qu'on lui a laissées de se faire valoir.

Trouver le positif

Dans le sport professionnel, il faut toujours trouver une motivation et du positif où il y en a. Ce n'est pas un cliché.

L'attaque a connue une progression lors du dernier match. L'unité défensive a livré une contre-performance, mais son jeu est satisfaisant depuis le début de la saison.

Ils sont à seulement deux matchs de la tête du classement dans l'Est malgré une fiche de 1-5. Les Alouettes ne sont pas dans une situation où ils sont mathématiquement éliminés, c'est alors plus facile d'avoir un objectif précis pour se motiver.

De plus, l'équipe a reçu un coup de fouet quand l'entraîneur des receveurs Erik Campbell a été congédié. L'organisation envoie un message à l'équipe. Elle dit « on est sérieux, on veut gagner ». L'organisation a remplacé l'entraîneur des receveurs par quelqu'un qui est capable de serrer la vis, nommé un entraîneur des quarts-arrières d'expérience, donné le poste de coordonnateur à l'attaque à Ryan Dinwiddie et changé de quarts en pensant qu'on peut gagner avec l'autre. L'équipe bouge et ne reste pas les bras croisés en regardant ses problèmes. C'est un autre aspect qui peut aider les joueurs à rester motivés.

Si tu es démotivé dans cette situation alors qu'il reste les deux tiers de la saison à jouer, tu as un problème en tant qu'athlète et tu dois te regarder dans le miroir.

Des retours attendus

S.J. Green, Josh Bourke et Bear Woods devraient effectuer un retour au jeu ce samedi. C'est quelque chose qui devrait avoir un impact très positif sur l'équipe.

Ce sont trois joueurs qui devaient être partants au début de la saison. Green est un receveur clé et Bourke est un joueur de ligne à l'attaque établi alors que Woods était pressenti comme secondeur intérieur partant des Alouettes.

On peut se dire que si Bourke et Green avaient été de la formation, on aurait peut-être ajouté quelques touchés et peut-être qu'avec Woods, l'équipe aurait connu plus de succès en défense. Ils ont finalement les outils avec lesquels ils étaient sensés travailler, c'est extrêmement motivant pour une équipe.

*Propos recueillis par Jean-Philippe Daigle