MONTRÉAL – Durant le dernier droit de la saison 2019, DJ Lalama a quitté l’anonymat en prouvant qu’il détenait les atouts pour patrouiller un rôle de partant à titre de secondeur. Une éclosion formidable pour un jeune athlète qui a frôlé la mort l’année précédente. 

Repêché au 70e et dernier rang en 2016 par Edmonton, Lalama a entamé sa carrière dans la Ligue canadienne de football (LCF) en 2017 avec les Alouettes de Montréal. Son rendement sur les unités spéciales n’est pas passé inaperçu et ça augurait bien pour 2018. 

Toutefois, lors du camp d’entraînement des Oiseaux, il s’est bousillé l’épaule droite et il a su immédiatement que son année venait de s’envoler en fumée. Lalama a demandé la permission de retourner à la maison, à Winnipeg, pour être suivi et opéré par un ami de la famille, le Dr. MacDonald. 

« Environ une semaine après l’opération, je venais de finir mon déjeuner et je suis tombé subitement vers le mur. J’ai pensé que c’était relié aux médicaments que je devais prendre. Sauf que c’est devenu très difficile de respirer et ma vue était très mauvaise d’un côté. Je me suis carrément retrouvé à quatre pattes au sol en ayant de la misère à respirer. Ma copine n’a pas tardé pour que je me rende à l’hôpital », a décrit Lalama. 

Sans surprise, il a dû se soumettre à une multitude de tests et un caillot de sang assez volumineux a été trouvé dans son poumon droit.  

« J’étais sur la morphine à ce moment donc je ne me souviens pas de tous les détails, mais je me rappelle de voir ma famille pleurer à mes côtés. Le docteur m’a dit que neuf personnes sur dix n’auraient pas survécu à ce qui venait de m’arriver », s’est-il souvenu. 

Par la suite, Lalama a appris que c’était relié à une condition sanguine particulière du facteur V Leiden. Cette affection génétique rend son sang plus susceptible de former des caillots et voilà ce qui s’est produit à la suite de l’opération. 

« L’hématologue m’a recommandé de ne pas faire des sports de contacts puisqu’elle était incapable de m’assurer que ce n’était pas risqué. Je dois respecter des recommandations comme enfiler des vêtements de compression et prendre de l’aspirin avant les matchs », a révélé Lalama. 

L’athlète de 27 ans ne néglige donc aucune précaution, mais il a choisi de poursuivre sa carrière. 

« Les équipes médicales ont été très bonnes avec moi à Winnipeg et Montréal depuis l’incident. Ça fait que je suis confortable avec ma décision et je me sens en sécurité », a noté celui doit être vigilant face à la COVID-19 étant donné que ses poumons ont encaissé tout un coup avec cette épreuve. 

Un incident qui a changé sa perception

Au lieu de lever le pied par crainte, Lalama a plutôt propulsé son jeu à un autre niveau en 2019. Il a amorcé cette saison avec les Blue Bombers de Winnipeg où il était confiné à un rôle sur les unités spéciales. 

DJ Lalama« C’était un rêve pour moi de jouer avec les Bombers, je voulais porter les couleurs de ma ville. J’ai eu une discussion difficile avec les dirigeants du club et j’ai demandé d’être libéré même si c’était très difficile à faire mentalement. J’ai réalisé, avec cette histoire au poumon, que je visais plus haut et que je voulais une occasion de prouver mes capacités. Heureusement, Montréal m’a embauché sans tarder et j’ai pu revenir avec l’équipe », a-t-il détaillé. 

Lentement, son souhait est devenu à son portée à Montréal et il a obtenu la confiance des entraîneurs à la suite d’une blessure à Tevin Floyd le 5 octobre. 

Lalama a épaté davantage trois semaines plus tard quand il a hérité d’un poste de partant en plus de devoir assumer la relève de Martin Bédard sur les longues remises. Certains partisans se souviendront que RDS avait capté un extrait de l’entraîneur-chef Khari Jones demandant à ce que Lalama soit retiré de son mandat défensif, mais ce dernier avait insisté pour conserver les deux tâches. 

« Les gens me demandent souvent pourquoi j’ai connu une si bonne saison en 2019. Pour la première fois, je ne ressentais pas de pression. Il s’en est fallu de peu pour que je ne puisse plus pratiquer ce sport. Désormais, je peux simplement m’amuser en faisant ce métier. La pression peut parfois nous étouffer, mais j’ai compris que cette pression est un privilège parce que ce ne sont pas tous ceux qui ont rêvé d’une carrière qui ont la chance de se faire valoir », a expliqué le joueur de six pieds et 222 livres. 

« Mentalement, ce fut un énorme changement dans mon cas. Oui, physiquement, j’ai eu du rattrapage à effectuer, mais j’ai surmonté cette adversité et je suis devenu un meilleur athlète qui apprécie chaque petit détail de la vie. Quand tu passes si proche de mourir, tout apparaît comme un boni », a ajouté Lalama. 

La pandémie vient ainsi le priver de son premier rôle de partant sur une base régulière dans la LCF. Le plan des dirigeants des Alouettes était de lui confier le poste de secondeur du côté court auprès de Henoc Muamba. De quoi faire rager n’importe quel athlète. 

« Il n’y a aucun doute, c’est poche ! Je voulais poursuivre sur la même veine. J’ai un respect absolu pour Khari (Jones, l’entraîneur-chef). J’ai joué pour de très bons entraîneurs, mais en termes d’humilité et sa manière d’approcher les joueurs, c’est une véritable joie de jouer pour lui. Quant à Danny (Maciocia, le directeur général), il a ramené une belle dynamique. J’ai affronté son équipe au niveau universitaire et elle était toujours bien préparée. Montréal est entre bonnes mains avec eux. C’était si facile de signer un nouveau contrat (d’une durée d’un an en janvier) », a soupesé le numéro 47. 

Un grand soulagement de garder Vernon Adams fils

Depuis sa première saison à Montréal en 2017, Lalama a conservé un lien avec Vernon Adams fils. Jeudi, l’annonce selon laquelle Adams fils avait finalement choisi de demeurer avec les Alouettes a été diffusée quelques instants avant de raccrocher avec Lalama. 

« Je ne savais pas. Je lui ai parlé mardi et il n’avait pas annoncé sa décision finale. En 2017, il était le troisième quart-arrière de l’équipe et j’étais un gars des unités spéciales. On aura toujours une chance de gagner le match avec lui. Son amour pour ses coéquipiers se ressent, on veut ça de la part de chaque athlète et encore plus du quart partant. Savoir qu’il sera de retour, c’est un soulagement et on veut juste qu’il fasse le mieux pour sa famille. On aura bien des matchs à gagner à ses côtés », a-t-il lancé avec plaisir.  

Ce désir de vaincre devra être précieusement mis en conserve. On parle d’une pause inimaginable de plus de 18 mois.  

« Je parlais avec Andrew Harris et Nic Demski et on n’arrive pas encore à s’habituer que notre corps n’est pas endolori quotidiennement. Pour nous tous, c’est le moment de prendre soin de sa famille. En ce qui concerne le football, les gars seront plus affamés que jamais. Ils savent que rien ne peut être tenu pour acquis. Cette camaraderie et cette énergie des partisans, on joue pour ça. La LCF, on ne le fait pas pour se rendre riche », a réagi Lalama. DJ Lalama

De beaux projets à l'extérieur du terrain

Il n’est pas serein naïvement. Au contraire, le diplômé en kinésiologie de l’Université du Manitoba a eu la clairvoyance de s’impliquer dans des projets solides dès un jeune âge. D’abord, il travaille à temps plein pour Bodylogix, une entreprise canadienne de suppléments naturels basée à Winnipeg. Il gère les relations avec les athlètes de haut niveau qui sont associés à la compagnie. En plus de nombreux joueurs de la LCF, il a établi des ententes avec des joueurs de la LNH comme Cam Talbot et Patrick Russell ainsi des athlètes de la NFL. 

« Je suis en contact avec eux régulièrement. Si une équipe professionnelle veut essayer un produit, elle me contacte et je fais le lien avec leurs spécialistes », a mentionné Lalama. 

Ce n’est pas tout, il a lancé un nouveau projet Team DJ47, une équipe de neuf spécialistes de différentes expertises qui encadrent le développement physique et psychologique de jeunes athlètes. 

« Je me suis demandé comment je pourrais avoir une influence positive. On a la chance de travailler avec des joueurs de football, de softball, de hockey, de soccer et de basketball. On les aide à se soucier de chaque facette importante de la vie pour un athlète. Pour l’instant, le football et BodyLogix m’ont assuré des revenus. Mais, avec Team DJ47, on veut rendre l’entraînement d’élite accessible à la relève. À 500$ par mois pendant six ans, ça peut coûter jusqu’à 36 000$ à des parents pour aider leur enfant dans ce sens. On a voulu offrir un encadrement de qualité plus abordable », a témoigné Lalama qui ne chôme donc pas. 

« Ça me fait des journées bien remplies! Je me lève tôt pour m’entraîner, j’arrive à BodyLogix vers 8h30 et je quitte vers 17h. En soirée, je m’occupe des projets DJ47. Ce que j’investis présentement rendra ma vie plus facile dans plusieurs années. En plus, ça me donne la chance d’influencer positivement le parcours de plusieurs athlètes et c’est très précieux à mes yeux. Oui, je suis parfois fatigué, mais c’est très valorisant et je suis chanceux surtout dans une période durant laquelle peu de gens peuvent en dire autant », a conclu Lalama qui avait raison de croire en son potentiel.