MONTRÉAL – L’agent de joueurs Sasha Ghavami croit qu’il est grand temps que les dirigeants de la Ligue canadienne de football fassent preuve de transparence et mettent sur la table les options qui sont à l’étude en vue d’une possible reprise des activités. 

Ghavami, qui compte une trentaine de clients au sein de la LCF, cache mal son impatience depuis une semaine. Le 11 juin, il passait par son compte Twitter pour manifester son appui au directeur exécutif de l’Association des joueurs, Brian Ramsay, en réaction à une entrevue accordée par le commissaire Randy Ambrosie au micro de TSN. Une semaine plus tard, il a utilisé la même tribune pour déplorer la façon dont la Ligue avait communiqué sa décision d’imposer des coupes salariales à même le personnel de ses neuf équipes.  

Chaque fois, c’est le comportement d’Ambrosie dans sa gestion de la crise qui s’est retrouvé couvert de son fiel.

« La LCF n’est pas à l’abri des impacts économiques que cause la pandémie. Mon mécontentement se situe au niveau du manque de leadership et du manque de communication de la part du commissaire et de la Ligue », a réitéré mercredi, dans une entrevue avec RDS, celui qui gère aussi la carrière des joueurs de la NFL Laurent Duvernay-Tardif et Antony Auclair. 

« L'important pour nous c'est de jouer au football »

« Tu as un bassin de joueurs qui gagnent en moyenne – je n’ai pas les statistiques récentes devant moi, mais disons entre 80 000$ et 90 000$ par année. Plusieurs touchent le salaire minimum [NDLR 65 000$]. Et ultimement, il n’y a pas de communication. Il n’y en a pas! On apprend les nouvelles via les médias. Le commissaire ne montre pas le leadership auquel on s’attend d’un patron d’une ligue professionnelle. »

Pour Ghavami, la « goutte qui a fait déborder le vase » est survenue lundi soir, lorsque le journaliste Dave Naylor, de TSN, a dévoilé des informations à l’effet que des réductions budgétaires seraient imposées au département des opérations football des clubs en vue de la saison 2021.

« C’est annoncé sur Twitter à 22h. Pas de communiqué de la Ligue pour expliquer la décision ou le moindre plan de match. Tout est laissé à interprétation, déplore l’agent. Il y a plein de rumeurs qui ne sont pas commentées. On sabre les salaires en ne laissant rien filtrer sur la suite. [...] C’est stressant. Je sais que ça ne touche pas encore les joueurs, mais ça reste une réalité qu’ils vont peut-être vivre. Et c’était ça l’objet de mon tweet. Si on réserve ce traitement-là aux employés des propriétaires, comment va-t-on traiter les joueurs? C’est ça la question, et je n’ai pas de réponse présentement. »

« Le but, ce n’est pas de dire de ne pas couper. Ça serait se mettre la tête dans le sable. Mais gérez la Ligue et montrez le leadership auquel on est en droit de s’attendre. Quand les choses vont moins bien, c’est là qu’on doit sentir qu’on est dirigé de façon convenable. Et ce n’est pas le cas ici. »

Avoir l’heure juste

Alors que divers circuits sportifs nord-américains ont commencé à mettre à exécution leur plan de relance, la LCF est toujours sur les blocs et très peu d’information circule sur la manière dont elle entend repartir la machine. 

Envisage-t-on de réunir ses équipes dans un endroit unique, comme le prévoient la NBA et la MLS, afin d’y disputer une saison partielle? Un échéancier a-t-il été fixé afin d’établir les paramètres d’une éventuelle reprise? Quelles sont les mesures qu’on compterait mettre en place afin d’assurer le respect des normes sanitaires? Quelles sont les chances que la saison soit carrément annulée et qu’on donne simplement rendez-vous à tout le monde en 2021?

Sur tous ces fronts, et bien d’autres, le silence radio persiste. Mardi, l’Association des joueurs a communiqué à ses membres qu’elle continuait d’attendre des nouvelles des personnes au pouvoir. De jour en jour, la patience de ceux qui sont dans l’attente s’effrite. 

« Pendant ce temps-là, j’ai des clients qui se sont entraînés tout l’hiver dans le but d’avoir une chance et qui ne savent pas s’ils vont avoir une saison. Il y en a qui sont sur la [Prestation d’urgence du Canada], ils ne savent pas ce qu’ils doivent faire. Il y en a d’autres qui contemplent un retour à l'école. Dans tous les cas, la question n’est pas qu’on veut forcer un retour au jeu. C’est qu’on veut des directives claires. Là, on ne sait rien », tempête Ghavami. 

La LCF ne possède aucun fonds d’urgence qui permette à ses joueurs de toucher un salaire d’appoint dans des situations comme celle qui affecte actuellement le sport professionnel. Ceux qui devaient toucher un boni rattaché à leur contrat au cours des derniers mois n’ont toujours pas vu la couleur de cet argent. 

« Si on sortait et on disait qu’il n’y aura pas de saison, ou au moins qu’on donnait un semblant de mise à jour, ça permettrait aux joueurs de faire une planification en conséquence, plaide Ghavami. Il y a une différence entre aller voir un employeur et lui dire "Je suis disponible pendant deux semaines, mais après je ne sais plus trop" et lui affirmer que tu es disponible pour les huit prochains mois. » 

« Je le répète, personne ne dit que la LCF doit recommencer ses activités le plus tôt possible. Si c’est sécuritaire, oui. Si ce n’est pas sécuritaire, non. La santé avant tout. Mais est-ce qu’on peut juste avoir une ligne directrice? C’est tout ce qu’on demande. »