Toute la fébrilité qui animait le Raymond James Stadium venait de s’éteindre le temps de le dire.

Victime d’une deuxième interception dans le match, cette fois à la ligne de 45 en territoire des Buccaneers de Tampa Bay, un Jameis Winston trop gourmand venait malgré lui de porter un dur coup aux chances de victoire des siens.

ContentId(3.1294966):Buccaneers : Antony Auclair provoque un échappé en prolongation face aux Browns (NFL)
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Il restait un peu plus de six minutes à écouler à la prolongation, et les Bucs étaient en danger de laisser filer une avance de 14 points face aux Browns de Cleveland, mais aussi de perdre une quatrième partie d’affilée et conséquemment de se retrouver bons derniers au classement de la division Sud de la NFC, avec un dossier de deux victoires contre quatre revers.

On n’aurait blâmé personne à ce moment de compter la formation floridienne pour battue, elle dont la défense se classe au tout dernier rang de la NFL dans une multitude de catégories, notamment pour la moyenne de points alloués par semaine.

Soulagement cependant quelques minutes plus tard, lorsque l’élan de l’attaque des Browns menée par Baker Mayfield a été freinée, offrant une nouvelle opportunité aux Bucs.

Incapables de générer quoi que ce soit sur leurs trois essais offensifs subséquents, les locaux ont toutefois dû s’en remettre au botteur Bryan Anger pour dégager le ballon. C’est là qu’est entré en scène le Québécois Antony Auclair, qui allait s’avérer être un des héros de l’affrontement.

Antony AuclairLégèrement en déséquilibre, le retourneur des Browns Jabrill Peppers tentait d’ajouter quelques verges supplémentaires à sa course lorsque l’ailier rapproché des Bucs – qui ironiquement ne croyait pas qu’il aurait un rôle à jouer au sein des unités spéciales pour ce duel! – s’est étiré de tout son long pour plaquer son rival à la taille, délogeant du même coup le ballon, que le coéquipier d’Auclair Isaiah Johnson s’est empressé de recouvrer.

Fréquemment sollicité pour faire partie de l’unité de couverture de bottés, Auclair s’était retrouvé au centre de l’action lorsque le secondeur Jack Cichy, un membre régulier de l’unité, a quitté la rencontre sur blessure dès le premier quart.

« J’étais dans mon corridor de couverture près du centre du terrain et j’ai vu le retourneur sauter par-dessus un coéquipier au même moment où un autre adversaire me faisait tomber au sol. C’est difficile de réussir un jeu lorsqu’on est soi-même projeté au sol, mais je n’ai pas abandonné. C’était avant tout instinctif », explique le Beauceron de 25 ans.

 « Je voulais bien sûr prioriser le plaqué, mais je sais aussi qu’un joueur qui se retrouve dans les airs a souvent tendance à moins bien sécuriser le ballon. Je l’ai localisé et j’ai réussi durant mon geste à lui en faire perdre possession. C’était vraiment cool! »

Le soulagement de l’ancien du Rouge et Or de l’Université Laval était décuplé du fait qu’il a pu faire oublier une bourde qu’il considère avoir commise tard au quatrième quart, alors que les Buccaneers tentaient de protéger une avance de sept points.

« Sur notre dernier botté de dégagement en temps réglementaire, (les Browns) ont ramené le ballon jusqu’à notre ligne de 16, et ça leur a permis d’envoyer le match en prolongation. Je pense que j’aurais pu faire du meilleur boulot en couverture sur cette séquence. Je me sentais mal. Ça me trottait dans la tête; je me disais que j’aurais pu faire bien mieux. Heureusement, j’ai pu me reprendre! »

Trois jeux après qu’Auclair ait redonné le sourire aux partisans de l’équipe, Chandler Catanzaro provoquait une explosion de joie en réussissant le plus long botté de précision de sa carrière sur une distance de 59 verges, offrant du même coup aux Buccaneers leur troisième gain de la saison.

Ces moments de réjouissance, les hommes de Dirk Koetter en avaient cruellement besoin après avoir vu leur saison prendre un mauvais tournant durant le dernier mois.

Car si les matchs perdus aux mains des Steelers de Pittsburgh et des Falcons d’Atlanta étaient entièrement à la portée de la formation de Tampa, le massacre de 48-10 dont elle a été victime au domicile des Bears de Chicago avait été ni plus ni moins que démoralisante.

Ce rappel à l’ordre des plus autoritaires suivait pourtant de brillantes victoires obtenues face aux puissants Saints de La Nouvelle-Orléans et aux champions en titre du Super Bowl, les Eagles de Philadelphie, lors des deux premières semaines du calendrier.

« Je préfère voir ça en me disant qu’en début d’année, on a montré qu’on pouvait accomplir de belles choses et rivaliser avec de très bons clubs. Le feeling dans le vestiaire, c’est que cette équipe pourrait très bien afficher un dossier de 5-1 à ce point-ci, si on ne s’était pas tiré dans le pied aussi souvent. C’est la réalité de la NFL, mais à part la défaite à Chicago, qu’évidemment je ne tenterai pas de défendre, le reste de nos défaites ont été décidées par un seul score. »

Le piètre rendement défensif de l’équipe, qui a récemment valu au coordonnateur défensif Mike Smith de perdre son poste, peut aussi servir d’explication logique au passage à vide connu avant que le sentier victorieux ne soit retrouvé in extremis face aux Browns.

« Je ne veux pas que ça nous serve d’excuse, mais il faut quand même prendre en considération que cinq partants de l’unité défensive sont tombés au combat en raison de blessures. Ça fait beaucoup de joueurs réguliers à remplacer », rappelle-t-il sagement.

Plus de constance, donc de confiance

À sa deuxième campagne au sein de l’organisation des Bucs, Auclair est présentement troisième dans la hiérarchie des ailiers rapprochés, derrière O.J. Howard et Cameron Brate.

Dans l’affrontement de dimanche, l’athlète de 6 pieds 6 pouces et 270 lbs, à qui l’on confie généralement le rôle de bloquer et d’ouvrir des brèches pour ses coéquipiers, a saisi trois passes dans une même partie pour la première fois de sa jeune carrière, pour des gains de 15 verges.

Les 22 jeux offensifs auxquels il a participé contre les Browns marquaient aussi la seconde fois en autant de semaines qu'Auclair dépassait la barre des 20 (il en avait cumulé 24 la semaine précédente, à Atlanta).

« J’ai vraiment l’impression de jouer avec plus de constance cette année. Je me suis amélioré durant le camp d’entraînement et je joue plus rapidement. C’est ce qui fait, je pense, que les entraîneurs me font confiance dans plusieurs aspects du jeu. Et forcément, ma confiance aussi ne peut qu’augmenter en voyant mes progrès être récompensés », souligne Auclair.

« C’est le fun de voir du terrain. Après tout, on pratique avec cet objectif-là en tête. Je prends fierté envers mes responsabilités de bloqueur. Jameis sait que je peux aussi servir de dépanneur sur courte distance s’il a besoin de moi. Et quand j’arrive à contribuer dans une cause gagnante, c’est encore plus plaisant », note-t-il avec justesse.

Dans une ligue aussi compétitive que le circuit Goodell, ces victoires tant désirées sont difficiles à obtenir, et encore plus à aligner. Auclair reconnaît que c’est d’autant plus ardu au sein de la division des Bucs, alors qu’ils foulent la même pelouse que les Saints, les Panthers de la Caroline et les Falcons d’Atlanta six fois par année.

« Dans notre division, il y a eu trois équipes la saison dernière qui se sont qualifiées pour les éliminatoires. Disons que c’est un fait plutôt rare, et c’est aussi une preuve du calibre auquel on doit faire face dans la NFC Sud. Mais en réalité, peu importe où nous mène notre calendrier, c’est toujours un défi renouvelé à chaque semaine de repartir avec la victoire. L’important, c’est d’y croire collectivement, et en ce moment, les gars y croient dans notre vestiaire. »