Passer au contenu principal

RÉSULTATS

Sidy Sow, du petit terrain isolé de Granby jusqu'aux Patriots dans la NFL

Sidy Sow Sidy Sow, le numéro 92, avec les Incroyables de J.-H. Leclerc à Granby. - Justin Hamel
Publié
Mise à jour

GRANBY – En arrivant à l'école J.-H. Leclerc, le GPS indique qu'un terrain de football se cache mystérieusement dans un boisé. La curiosité nous pique d'explorer cette trouvaille et on se dit que ce lieu devait être un paradis pour Sidy Sow, le très réservé Québécois que les Patriots de la Nouvelle-Angleterre ont repêché, il y a deux semaines. 

Quand Laurent Duvernay-Tardif a accédé à la NFL, il se démarquait du lot via ses études en médecine. Lorsque Benjamin St-Juste y a fait le saut, il avait été un excellent joueur dans la NCAA et un athlète impliqué dans les causes sociales. De son côté, Antony Auclair avait été un rouage important pour le médiatisé Rouge et Or de l'Université Laval. Quant à Matthew Bergeron, il se débrouille aussi bien sur le terrain que devant les médias. 

Sow ne pourrait guère plus à l'opposé de ce spectre. Refusant la plupart des entrevues, il s'est frayé un chemin jusque dans la NFL (choix de 4e ronde, 117e) pratiquement dans l'anonymat.  

Après quelques minutes à apprécier cet endroit isolé, le travail nous rappelle à l'ordre : on s'empresse de se déplacer vers l'autre terrain de football où se déroule l'entraînement des équipes des Incroyables. 

On s'était déplacé dans les terres de Sow pour discuter avec Justin Hamel et Mathieu Croteau deux de ses anciens coéquipiers de J.-H. Leclerc qui s'impliquent désormais dans le rôle d'entraîneur au sein de ce programme de football. 

C'est là qu'on réalise, une fois de plus, que la vie est remplie de beaux hasards. Ils nous apprennent qu'il y a dizaine d'années, à leur époque de joueur, les entraînements avaient lieu sur le terrain isolé qui nous avait attiré à notre arrivée.

D'ailleurs, c'est sur ce terrain que Sow a prouvé, pour l'une des premières fois, l'étonnante force qui se cachait en lui. 

« Il y avait des gradins en bois et on était quelques joueurs à essayer, chacun notre tour, de les soulever à une extrémité. On avait beau essayer, rien à faire. Sidy arrive et je lui dis ‘Arrête, tu vas te faire mal, t'es pas assez fort !' Et boum, il lève ça d'un coup et je pense qu'il aurait pu les revirer à l'envers... C'est là qu'on avait vu qu'il avait une coche de plus », a raconté Croteau. 

Sidy SowCette coche supplémentaire, Sow l'a surtout exposée à partir du niveau juvénile aidant son équipe à remporter le Bol d'Or en 2014. Il a poursuivi cette ascension au niveau collégial à Champlain-Lennoxville tout en étant recruté par Équipe Québec et Équipe Canada. 

« Il se voyait déjà là. Il avait un but dans sa vie, c'était de jouer au football professionnel. Oui, c'est sûr que c'est surréaliste de penser à ce qu'il vient d'accomplir, mais je croyais en son rêve », a noté Croteau. 

Avant ce déclic, Sow n'était pas « le gros athlète que tu remarquais en premier » comme le disait Hamel. Il a transformé ses élans occasionnels de nonchalance en une détermination remarquable le menant jusqu'à l'Université Eastern Michigan.  

« Il fallait qu'il se rende plus loin au foot donc il s'est intéressé à parler anglais. On comprenait qu'il voulait réussir. Mais à cet âge, tu ne sais jamais à quoi t'attendre. Bien des gars ont joué collégial et ça dérive ensuite. De voir qu'il y en a un qui a percé et qui s'est rendu au bout de ses rêves, c'est vraiment fort ! », a vanté Hamel. 

Au fil des années, un jeu a marqué l'imaginaire de Hamel. 

« Sur un botté de dégagement, ce sont toujours les joueurs aux extrémités qui vont bloquer le ballon. Mais Sidy, avec son gabarit imposant, y était parvenu du milieu, il avait traversé les gars pour y aller. Et là, on a fait comme ‘Shit, il a ça en lui !' Il était réservé et tu ne t'attendais peut-être pas à ça, mais il avait un côté compétitif et agressif en lui. » 

Cette évolution athlétique s'est poursuivie au point que Sow a été dominant lors des épreuves du Combine NFL. Il a donc gagné des points en vue du repêchage sans oublier que les Patriots et Bill Belichick songent à le déplacer de sa position de garde vers celle de bloqueur. 

En fait, jusqu'au niveau collégial, Sow (six pieds cinq pouces et 323 livres) évoluait sur la ligne défensive si bien qu'il possède l'agilité nécessaire pour devenir bloqueur.

D'un milieu modeste à devenir une inspiration 

Passer de la discrétion à la NFL s'avère un énorme changement. D'autant plus que Sow a été repêché par les Patriots, une organisation qui ne laisse aucun fervent de sport indifférent. En ajoutant à cela cette transition possible vers le rôle bloqueur et un premier contrat professionnel à sa portée, ça en fait beaucoup à absorber d'un coup. D'autant plus que Sow, qui a été élevé par sa mère, provient d'un milieu modeste. 

« On ne se le cachera pas, il n'était pas le plus riche de l'équipe, mais il s'est vraiment dévoué pour le programme, il donnait tout l'argent qu'il pouvait. Il a le cœur à la bonne place », a témoigné Croteau. 

Ainsi, ses deux anciens coéquipiers débordent de fierté en constatant qu'il devient désormais une inspiration pour les jeunes qu'ils encadrent. 

« Quand on joue au foot au Québec, on se dit tous que ce sera plus dur de percer, d'aller dans la NFL. C'est peut-être un peu plus dur, mais c'est possible. On en a eu la preuve. On le dit aux joueurs ‘Il a eu le même casque que vous, le même uniforme que vous ; c'est un but atteignable'. Ça les fait rêver encore plus », a exposé Hamel. 

La prochaine fois qu'il viendra faire un tour au gala méritas de l'équipe, comme il aime le faire, le moment sera magique pour cette relève. 

« Ça nous donne l'espoir de pouvoir réussir, c'est fou ! C'est le premier d'ici qui a ouvert une porte », a convenu Zachary Morin, joueur de ligne offensive au niveau juvénile. 

Et ce scénario ne fait pas uniquement rêver les joueurs. 

« On avait tous rêvé qu'il se fasse repêcher par les Patriots. On va aller le voir, c'est sûr ! », a lancé Croteau qui a eu droit, avec quelques amis, à un superbe accueil de la part de Sow à Eastern Michigan en novembre dernier.  

« Je capotais, je n'en revenais pas. On était comme : ça ne peut pas tomber sur les Patriots, à moins de cinq heures de route, ce serait trop beau ! », a conclu Hamel. 

Quand ils le verront jouer au Gillette Stadium, devant une foule de 65 000 spectateurs, les deux amis pourront se rappeler que c'est possible de partir d'un petit terrain isolé au Québec pour aboutir sous les immenses projecteurs de la NFL.