Il se passe souvent des choses étranges lors de la ronde finale du Tournoi des Maîtres et la 80e édition, qui a pris fin dimanche à Augusta, ne fait pas exception… oh que non! Le champion en titre, Jordan Spieth, semblait voguer vers une victoire facile, puis sans avertissement, tout a chaviré lorsqu’il a mis le cap sur le deuxième neuf.

Spieth venait pourtant d’enregistrer quatre oiselets consécutifs pour terminer la première portion du parcours et son pointage cumulatif de moins 7 lui conférait une avance très confortable sur le reste du peloton. Des bogueys sur les 10e et 11e trous ont créé une première onde de choc mais c’est au 12e trou que la catastrophe est survenue, une petite normale 3 d’à peine 152 verges : deux balles à l’eau et un pointage de 7. Le silence s’est installé pendant quelques minutes jusqu’à ce que les nombreux tableaux indiquent le nouveau pointage de Spieth. Les milliers de spectateurs n’en croyaient pas leurs yeux, pas plus que les autres joueurs qui ont soudainement repris espoir. Une bataille en règle s’est alors dessinée entre Danny Willett, Lee Westwood, Dustin Johnson, Jason Day, Hideki Matsuyama et Jordan Spieth.

Quand le destin s'en mêle

Danny Willett a connu une ronde finale sans faille, remettant une carte de 67. Et dire qu’il est venu à un cheveu de ne pas participer à ce tournoi puisque sa femme devait donner naissance à leur premier enfant en ce 10 avril. Comme le hasard fait bien les choses, elle a plutôt accouché une dizaine de jours à l’avance, permettant ainsi à son mari de se rendre à temps à Augusta. Il s’agissait d’un premier titre majeur pour le joueur anglais qui revendique également quatre titres sur le circuit européen. Willett se retrouve maintenant 9e joueur mondial et aura la possibilité de joindre le circuit PGA Tour l’an prochain, si bon lui semble.

Willett a démontré qu’il a un élan solide et qu’il est en mesure de bien contrôler ses émotions dans les moments importants. Il frappe la balle solidement et favorise une trajectoire de gauche à droite qui lui permet de garder la balle en jeu plus facilement et surtout de la faire arrêter plus vite lorsqu’elle atteint le vert. Il a retranché trois coups à la normale lors du dernier neuf et n’a jamais été en danger de commettre un boguey. Son sourire radieux en disait long lorsqu’il a officiellement été déclaré vainqueur. Il est évident que sa vie va changer quelque peu après ce triomphe majeur… et pour le mieux. Les retombées économiques sont immenses à la suite d’une telle victoire ainsi que les engagements professionnels. Plus que jamais, il devra apprendre à bien gérer son temps et se fier à son entourage afin de ne pas modifier la formule qui lui a permis de se rendre vers les plus hauts sommets.

Du côté de Jordan Spieth, j’avoue que c’était pathétique de le voir s’écrouler de la sorte. À 22 ans, il aura sans doute plusieurs autres chances de gagner d’autres  tournois majeurs, mais cette défaite demeure tout de même difficile à avaler. Lorsque l’on perd un tournoi parce qu’un adversaire s’est particulièrement distingué, on lui lève son chapeau et on le félicite, mais lorsque l’on se bat soi-même avec un quadruple boguey sur une normale 3, devant des millions de téléspectateurs, la pilule est plus dure à avaler. Souhaitons que Spieth s’en remette rapidement et que cette débandade ne laisse pas trop de séquelles car on a besoin de lui pour défendre les couleurs américaines sur la scène mondiale.

Somme toute, ce fut un excellent Tournoi des Maîtres, disputé dans des conditions venteuses et difficiles, particulièrement lors des trois premiers parcours. On a vécu beaucoup d’émotions fortes et les revirements ont été nombreux. On se souviendra des adieux du vénérable Tom Watson, de la dernière prestation amateur de Bryson DeChambeau, de la débandade de Phil Mickelson en deuxième parcours, des trois trous d’un coup enregistrés au 16e trou lors de la finale et des performances magistrales des joueurs anglais lors du dernier tour. Bien sûr que l’on va aussi retenir cette déconfiture de Spieth au 12e trou mais je préfère retenir la performance de Danny Willett, un jeune homme plein de talent et fort sympathique qui vit sans doute les plus beaux moments de sa vie!