En 1986, un entraîneur-chef noir derrière le banc d’une équipe Midget AAA ne passait pas inaperçu.

Alors que les propos racistes tenus par l’entraîneur-chef des Flames Calgary Bill Peters il y a une décennie font la manchette, l’histoire de John Paris Jr., racontée dans le dernier court-métrage de la série de documentaires 25 ans d’émotions : À la manière de John Paris, nous remémore un passé guère plus glorieux du hockey québécois.

Pédagogue de métier, Paris prend la barre des Riverains du Richelieu en 1986. L’équipe compte alors dans ses rangs l’un des meilleurs joueurs de son groupe d’âge au pays : Réginald Savage, un attaquant avec qui Paris partage la même couleur de peau.

« Lui, [il] était une supervedette dans le Midget. Moi, le premier coach de couleur. Il y avait des joueurs des autres clubs qui [nous traitaient de sales nègres] en passant devant le banc. [Pour] Reggie et moi, ce n’était pas facile à Magog et Laval [entre autres] », témoigne Paris.

« Souvent, on avait besoin de la protection de nos propres partisans parce que la sécurité, des fois, elle ne nous aidait pas. Ma femme et ma fille, ou encore les parents et les sœurs de Reggie, ils se faisaient brasser. On s’est fait attaquer souvent, que ce soit physiquement ou cracher dessus. On nous a même garroché des bouteilles. Personne n’a rien fait », se désole l’homme natif de la Nouvelle-Écosse maintenant âgé de 73 ans.

« Aujourd’hui, on vit dans un monde qui est politiquement correct, mais les réalités que nous autres on a vécues, ç’a pas beaucoup changé 30 ans plus tard. Mais si on n’en parle pas, ça ne changera jamais », déplore quant à lui Savage dans le documentaire.

« C’est difficile pour la famille », ajoute ce dernier. « Il y avait des pancartes avec une corde qui laissait entendre qu’ils allaient me pendre. Toutes des choses que tu vois dans les films, alors que tu n’as que 16 ans. »

Ne s’en laissant pas imposer derrière le banc, Paris a su inculquer cette force de caractère à son équipe, en route vers la conquête de la Coupe Air Canada en 1987.

« Il était avant-gardiste », note l’un des membres de cette équipe, Christian Campeau. « Ce n’est pas pour rien que j’ai gagné deux championnats avec John; une Coupe Air Canada et une Coupe Turner. »

Sous la direction de Paris avec les Knights d’Atlanta en 1994, Campeau a en effet soulevé la coupe Turner, remise à l’équipe championne de la Ligue internationale. Premier entraîneur-chef noir de l’histoire du hockey professionnel, Paris en était alors qu’à ses tout débuts avec les Knights.

Une page d’histoire venait d’être tournée. Si le propriétaire du club David Berkman le réalisait alors pleinement, Paris peinait quant à lui à le croire. Jusqu’à ce qu’il défile dans les rues d’Atlanta avec ses joueurs.

« Il y avait du monde qui pleurait, des personnes de couleur, des blancs. Ils te serrent [dans leurs bras] et ils te disent : "On n’aurait jamais cru vivre assez longtemps pour voir ce jour. Vous avez fait quelque chose qu’on ne pensait jamais voir : un noir en arrière d’un banc dans le sud des États-Unis, avec une équipe professionnelle, à dire à des personnes d’une autre race quoi faire". »

« À chaque niveau que j’ai coaché, que ce soit Midget AAA ou Junior Majeur (Bisons de Granby, Lynx de St-Jean), j’étais le premier et le seul entraîneur noir. Ça, c’est un fait. Est-ce que ça vraiment une importance pour moi? Non. Est-ce que j’ai une responsabilité envers ceux qui vont suivre? Oui, mais pour moi, je suis un coach de hockey qui a seulement eu l’opportunité d’avoir la peau noire. »

Un coach qui ne voulait après tout qu'enseigner, avec des méthodes éprouvées bien à lui. Une facette de la personnalité de Paris dont il est également pleinement question dans ce documentaire à ne pas rater.