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Audrey-Anne Veillette, la force de la montagne

Audrey-Anne Veillette Audrey-Anne Veillette - James Hajar
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Mise à jour

MONTRÉAL – Mélodie Daoust ne se souvient pas de quel camp estival d'Hockey Canada il s'agissait. Celui de 2020? Peut-être 2021? Mais elle se rappelle d'une chose.

« Je n'en revenais pas. »

Lorsqu'informée par sa collègue de l'époque, l'entraîneure-chef des Carabins de l'Université de Montréal Isabelle Leclaire, de ce que l'attaquante des Bleus Audrey-Anne Veillette venait de pousser comme poids à quatre reprises au test du développé couché, la mâchoire lui a décroché.

« Je pense que c'était 160 livres », fouille dans sa mémoire l'ancienne adjointe de Leclaire et membre de l'équipe nationale.

« Elle était capable de bencher plus que son poids corporel. C'était très, très impressionnant, parce que c'était encore une fille universitaire. Elle est jeune et elle n'est sûrement pas encore dans son peak d'entraînement. »

Ça, c'était avant. En août dernier, à la vitrine estivale du programme national féminin tenue à Calgary, l'athlète de 5 pi 7 po et 152 livres affirme avoir réussi une série de quatre répétitions à 175 livres.

« Si elle a fait 175 livres cet été, je ne suis pas surprise », commente Daoust.

Ce qui a suivi n'a rien de surprenant non plus.

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Veillette a enfilé le maillot des Carabins pour la toute première fois l'an dernier. Après deux saisons avec les Titans du Cégep Limoilou, l'attaquante s'est amenée dans les rangs universitaires forte d'une récolte de 39 buts et 66 points en 50 matchs au niveau collégial.

Le genre de domination qui évoquait chez Leclaire le souvenir de Catherine Dubois, l'une de ses anciennes protégées aujourd'hui membre de la Force de Montréal chez les professionnelles.

« J'allais les voir jouer au Cégep en sachant qu'elles s'en venaient jouer chez nous et je riais dans les estrades. Je me disais ça n'a pas de bon sens! J'avais l'impression de voir une fille séniore jouer contre des filles du bantam. »

Comme c'est souvent le cas pour les joueuses de ce profil, observe Leclaire, la transition au niveau supérieur ne s'est toutefois pas faite sans heurts pour Veillette.

« Le niveau de jeu [universitaire] est tellement plus paritaire. Il y a moins d'espace ; elles ne peuvent pas prendre les mêmes tirs, et à un contre un, ce n'est pas la même histoire. »

Au moment de quitter pour le congé des fêtes, la recrue avait 3 buts et 3 passes à son dossier en 12 matchs. À la reprise des activités, reportées à la fin février en raison de la pandémie, Veillette a d'abord été blanchie à ses deux premières rencontres, avant de boucler le calendrier régulier avec un tour du chapeau et 6 buts au total.

« On a été arrêtées pendant un mois et demi et on a joué seulement trois matchs de saison régulière avant d'embarquer dans les séries. C'était comme si tout était toujours à recommencer. Elle n'a pas eu le temps de s'ajuster pleinement », remet en contexte Leclaire.

« Dès que les séries se sont terminées et qu'on a perdu en demi-finale, j'étais fâchée d'avoir perdu, retrace la no 20. Je me suis alors demandé ce que je pourrais faire pour m'améliorer. C'est à ce moment que j'ai commencé à travailler avec une préparatrice mentale. L'objectif était d'avoir plus confiance en mes forces et de les utiliser. »

L'une de celles-ci, vous le savez, est justement... sa force.

« Je suis une bonne athlète dans le gym et je suis capable voir que je suis un p'tit peu plus forte, que je mets un peu plus de poids que les autres. Je me suis donc dit : "Mautadit, pourquoi je n'utilise pas mieux ma force sur la patinoire?" »

C'est ce qu'elle s'est d'abord efforcée de mettre en pratique à l'entraînement cet été au Centre 21.02 de Verdun, aux côtés des Olympiennes Marie-Philip Poulin, Ann-Renée Desbiens et Jill Saulnier, notamment. Si bien qu'à son retour au pied du Mont-Royal à l'automne, la joueuse de 22 ans était fin prête à exploiter l'identité qui la sert le mieux sur la glace.

« Elle est vraiment puissante, elle est rapide et elle est forte physiquement, expose Leclaire. C'est vraiment ça sa caractéristique. C'est une power forward, un train. »

Au terme de ses cinq premiers matchs de la campagne 2022-2023, la hockeyeuse de Drummondville avait déjà marqué au moins un but dans chacun de ceux-ci (8 au total), égalant ainsi le premier de trois records d'équipe qu'elle allait rééditer au fil du calendrier régulier.

« La façon qu'elle a de traverser la zone neutre en possession de la rondelle, elle est très, très difficile à arrêter, louange Leclaire. Elle a aussi un tir foudroyant. »

Dans les neuf matchs qui ont suivi et précédé son départ pour Lake Placid, où elle a aidé le Canada à décrocher l'or aux Universiades, Veillette a ajouté neuf buts à sa fiche, dont quatre en un seul après-midi de travail. Deuxième record.

Neuf buts inscrits en autant de matchs lui ont ensuite permis de compléter la saison avec 26 réussites – troisième record –, le titre de meilleure buteuse au pays et celui de joueuse par excellence du circuit universitaire québécois (RSEQ).

Audrey-Anne Veillette

Veillette s'empresse, bien sûr, de créditer ses partenaires de trio Jessika Boulanger et Laurie-Anne Éthier pour les passes sur la palette.

« Ç'a été un bon fit, comme on dit », remarque Veillette.

Boulanger, « une autre machine physique » selon Leclaire, excelle à garder possession de la rondelle en zone restreinte et à souvent mettre la table pour la tireuse d'élite. « Tricoter de même, ça ne se peut même pas », s'émerveille l'entraîneure-chef des aptitudes de sa capitaine.

Ethier, une recrue qui a succédé à la vétérane Raphaëlle Pouliot sur le premier trio cet hiver, est quant à elle « une marchande de vitesse exceptionnelle en sortie de zone », décrit Leclaire. « Ça fait en sorte qu'Audrey-Anne peut se concentrer à aller se démarquer et se donner en option pour utiliser son tir ».

Et marquer des buts opportuns, nous permettrons-nous d'ajouter. À sept reprises cette année, Veillette a offert la victoire aux Carabins, un autre sommet au hockey universitaire canadien, sur un pied d'égalité avec Lauren Carter des Reds de l'Université du Nouveau-Brunswick, qui a cependant joué cinq matchs de plus.

« Audrey-Anne, c'est une fille qui mange de la compétition, dépeint Leclaire. Elle a joué sur l'équipe canadienne des moins de 18 ans et des moins de 22 ans. Ça, ce sont les moments qu'elle attend et elle sort toujours très, très fort. [...] Audrey-Anne Veillette, c'est une fille des grandes occasions et je pense qu'on va le voir durant les séries. »

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Les séries, ça commence ce soir pour les Carabins. Hôtesses du prochain Championnat canadien à l'aréna du CEPSUM du 16 au 19 mars, les joueuses de l'UdeM sont assurées d'y participer. Mais ce serait bien mieux de s'y présenter avec le statut de championne du RSEQ.

Pour ce faire, celles qui ont conclu la saison au 6e rang du Top-10 canadien (17-4-4) devront d'abord avoir le meilleur sur les Gee-Gees d'Ottawa dans une série deux de trois en demi-finale québécoise.

Vaincues à leurs trois premiers affrontements de la saison contre les Gee-Gees, les Carabins ont remporté les deux derniers, s'assurant ainsi de terminer au deuxième rang du classement général, quatre points devant leurs rivales ontariennes et à trois points des Stingers de Concordia, troisième équipe au pays, qui sont quant à elles opposées aux Gaiters de Bishop's dans l'autre demi-finale.

« C'était la seule équipe contre qui on avait de la difficulté, analyse Veillette. Les autres équipes, on a toutes réussi à les battre. Même Concordia, une excellente équipe, on les a battues à notre match d'ouverture. Mais on a réussi à trouver le tour pour battre [Ottawa] après Noël, donc ça nous met en confiance pour [ce] soir. »