MONTRÉAL - La victoire de 4-2 arrachée aux Jets à Winnipeg pour compléter la première moitié de la saison écourtée par la COVID-19 confirme une chose : malgré tous les changements apportés encore cette année, le Canadien demeure un club imprévisible.

 

Qui aurait dit qu’après avoir amorcé la saison avec huit victoires et seulement deux revers en temps réglementaire à ses 12 premiers matchs (8-2-1-1) le Canadien se contenterait de cinq gains (5-6-3-2) dans les 16 matchs suivants?

 

Qui aurait dit qu’après s’être solidement ancré au premier rang de la division canadienne et s’installer parmi les meilleurs clubs de la LNH, le Canadien se retrouverait menacé d’être chassé d’une place en séries par les Flames de Calgary qui lui soufflent dans le cou?

 

Qui aurait dit que l’entraîneur-chef Claude Julien serait remplacé par son adjoint Dominique Ducharme, que le chef d’orchestre de l’attaque massive, Kirk Muller, serait remplacé par Alex Burrows et que chaperon de Carey Price, Stéphane Waite, serait remplacé par Sean Burke?

Ces fluctuations étourdissantes au chapitre des performances et les grands chambardements qu’elles ont entraînés se sont succédé à un rythme fou au fil des 28 premiers matchs de la saison.

 

Bien qu’il n’ait pas encore réussi à supplanter Claude Julien (fiche de 9-5-2-2 lorsqu’il a été congédié), Dominique Ducharme (4-3-2-1) affiche déjà une plus grande flexibilité dans sa gestion du personnel. Il a davantage jonglé avec ses trios et duos d’arrière – la blessure subie par Ben Chiarot lui a forcé la main – que Claude Julien était porté à le faire.

 

Ducharme a aussi modifié la philosophie de l’équipe une fois en prolongation alors qu’on l’a vu miser sur trois attaquants lors des dernières prolongations.

 

Points primes gaspillés

 

Bon! Cet ajustement n’a pas encore donné de résultats puisque le Canadien est toujours la pire équipe de la LNH en prolongation aucune victoire et quatre revers dans les sept prolongations disputées; quatre défaites auxquelles on doit ajouter les trois subies en séances de tirs de barrage.

 

Ces insuccès – le mot est faible – en prolongation et tirs de barrage minent d’ailleurs grandement la fiche du Canadien.

 

Trois autres clubs seulement n’ont pas gagné en prolongation jusqu’ici cette année : les Islanders (3 défaites), les Coyotes et les Sabres qui ont perdu deux fois. Les Kings de Los Angeles ont eux aussi perdu quatre fois en prolongation, mais ils affichent un gain, ce qui leur permet de devancer le Canadien en matière d’efficacité.

 

En tirs de barrage, le Canadien est aussi nul que les Devils du New Jersey (0 victoire, 3 défaites). Le Lightning, les Golden Knights et les Jets sont eux aussi en quête d’une première victoire en tirs de barrage cette année, mais ils en ont disputé une seule et non trois comme le Tricolore.

 

En gaspillant trop de points primes associés aux victoires en prolongation et tirs de barrage, le Canadien se complique grandement la vie on en conviendra tous. Car s’il avait mis la main sur trois des sept points disponibles, il se battrait pour la deuxième place de la division et non pour sauver sa place en séries...

 

Points perdus, volés, offerts ou reçus en cadeau

 

Parlant de gaspillage, je compile des statistiques très personnelles et donc très subjectives par le biais desquelles j’aime bien qualifier les points acquis ou perdus par le Canadien au cours d’une saison.

 

Dans cette analyse loin d’être scientifique, je considère que le Canadien a gaspillé huit points en première moitié de saison :

 

Le 13 janvier, à Toronto, alors qu’il a laissé filer une avance de 3-1 en fin de deuxième période pour finalement perdre 5-4 en prolongation.

 

Le 20 janvier, à Vancouver, alors que des pénalités et des vilains buts accordés lui ont fait perdre une mince avance en troisième période avant de s’incliner 6-5 en tirs de barrage.

 

Le 25 février, à Winnipeg, alors que Carey Price a été généreux en laissant filer des avances de 2-0 et 3-1 pour finalement perdre 6-3.

 

Le 8 mars à Vancouver alors que les Canucks ont nivelé les chances avec 41 secondes à faire au match pour finalement gagner en tirs de barrage.

 

Le Canadien s’est aussi fait voler deux points : le 27 février à Winnipeg alors qu’il a perdu 2-1 en prolongation malgré un barrage de 41 tirs sur la cage défendue par Connor Hellebuyck contre 21 pour les Jets.

 

Le Canadien a aussi volé un point, le 21 février à Ottawa alors qu’il a poussé le match en prolongation (défaite de 2-1) malgré une bien meilleure performance des Sénateurs.

 

Il a également reçu deux points en cadeau le 13 février à Toronto, alors que les Leafs ont cessé de jouer malgré une mince avance d’un but. Une rare avance que le Canadien a comblée pour ensuite gagner.

 

Club fragile

 

En plus de confirmer un grand niveau d’imprévisibilité, les 28 premiers matchs ont démontré que le Canadien forme un club très fragile.

 

Quand les choses vont bien, elles vont très bien : des fiches de 11-3-2-1 lorsqu’il marque le premier but et de 9-1-0-0 lorsqu’il enfile les deux premiers le confirment d’ailleurs avec éloquence.

 

De fait le Canadien n’a perdu que trois fois en temps réglementaire (13-3-2-3) dans les 21 matchs au cours desquels il s’est offert des avances d’un but.

 

Il est presque parfait dans les 14 matchs au cours desquels il s’est offert des avances de deux buts (12-1-1-0) et parfait (13-0-0-0) quand il s’est offert des avances de trois buts et plus dans une partie.

 

Inversement, le Canadien se retrouve vite démuni lorsque l’adversaire lui tient tête ou revient de l’arrière.

 

Le Tricolore n’a gagné qu’une fois (1-5-2-2) lorsqu’il a accordé le premier but.

 

Il a perdu huit fois (2-3-2-3) lorsque l’adversaire a comblé un déficit d’un but et n’a survécu qu’une fois (1-1-1-0) lorsqu’il a perdu une avance de deux buts.

 

C’est pire encore lorsque le Canadien doit jouer du hockey de rattrapage :

 

Il s’est contenté d’une victoire (1-8-3-2) dans les matchs au cours desquels il s’est retrouvé avec un recul d’un but à combler et n’a pas encore gagné cette saison lorsqu’il a accusé des reculs de deux buts (0-8-1-1) et de trois buts (0-5-0-0).

 

De fait, le Canadien n’a comblé que sept reculs d’un but (1-1-4-1) et trois reculs de deux buts (0-1-1-1) jusqu’ici cette année.

 

La « fragilité » du Canadien se reflète aussi dans les matchs serrés. Il joue pour ,500 (3-3-3-2) dans les matchs où il s’est trouvé à égalité 1-1, affiche un dossier de 2-1-1-1 dans les matchs ou il se retrouve à un moment où un autre à égalité 2-2 et 0-1-2-2 dans les matchs où le score est 3-3.

 

Le Canadien affiche aussi le pire taux de réussite de la LNH (2-1-4-3) dans les matchs qui se décident par un but.

 

Les Red Wings de Detroit sont la seule autre formation à n’avoir signé que deux victoires jusqu’ici cette année dans les matchs qui se sont décidés par un but.

 

Les ennuis du Canadien en prolongation et tirs de barrage viennent bien sûr le hanter dans cette statistique.

 

Acquisitions payantes

 

Le Canadien occupe le 11e rang de la LNH avec une moyenne de 3,21 buts marqués par partie.

 

Il est neuvième avec 2,61 buts accordés par partie.

 

Des 90 buts marqués par le Canadien – les Oilers sont premiers avec 103 et les Sabres derniers avec 56 – 34 sont venus des acquisitions automnales de Marc Bergevin : Tyler Toffoli (17), Josh Anderson (11), Corey Perry (5) et Joel Edmundson (1).

 

Si on ajoute aux buts marqués par Toffoli et Anderson ceux venant des lames des bâtons de Jeff Petry (11) et Brendan Gallagher (10), ces quatre joueurs revendiquent 49 des 90 buts de l’équipe soit 54,4 %.

 

Une production plus nourrie des autres membres des trois premiers trios serait souhaitable en deuxième moitié de saison.

 

À ce chapitre, Jesperi Kotkaniemi, tout comme Jonathan Drouin qui avait déjà des liens étroits avec son ancien coach dans les rangs juniors, semblent avoir profiter de l’arrivée de Dominique Ducharme derrière le banc hisser leur niveau de jeu d’un cran.

 

Nick Suzuki a connu une baisse de régime au cours de la séquence difficile du Tricolore. Une situation normale considérant son âge, son manque d’expérience et le fait qu’il se retrouve dans un rôle de premier – ou deuxième – centre pas évident à remplir. Surtout pour un jeune.

 

Tyler Toffoli partage le 2e rang des buteurs de la LNH avec Connor McDavid et Leon Draisaitl. Il accuse un recul de quatre buts sur le meneur Auston Matthews.

 

Jeff Petry qui connaît une saison sensationnelle à l’attaque occupe le premier rang chez les défenseurs pour les buts marqués (11) et les points récoltés (25).

 

Petry est aussi deuxième chez les défenseurs de la LNH avec un différentiel de +15. Une statistique dominée par son partenaire de travail fraîchement muté à la gauche de Shea Weber, Joel Edmundson qui affiche +26.

 

Club difficile à intimider

 

Des nombreux préjugés accolés au Canadien, celui de former un club petit et facile à sortir de la patinoire est solidement ancré dans l’esprit collectif.

 

Les statistiques de la première moitié de saison sont loin de confirmer ses prétentions.

 

Premièrement, le Canadien est l’équipe qui distribue le plus de mises en échec par match jusqu’ici cette année avec 27,8 coups d’épaule par rencontre.

 

Cela dit, il présente un dossier négatif (5-6-3-3) lorsqu’il frappe plus l’adversaire qu’il n’est frappé. Une fiche diamétralement opposée (8-1-1-0) lorsqu’il est frappé davantage qu’il ne frappe.

 

Dans le seul match au cours duquel les deux clubs ont frappé autant qu’ils ont été frappés, le Canadien a perdu 4-2 aux mains des Maple Leafs.

 

Ce n’est un secret pour personne que le Canadien a des ennuis aux cercles des mises en jeu alors que Phillip Danault est le seul centre vraiment solide dans cette facette du jeu.

 

Le Canadien est 26e dans la LNH avec une efficacité de 47,2 %.

 

Mais s’il a un bien meilleur dossier lorsqu’il gagne plus de mises en jeu qu’il en perd (4-1-1-2), ce n’est pas catastrophique (8-6-3-1) lorsqu’il termine sous la barre des 50 %.

 

Il a gagné une fois et perdu une fois – contre Calgary lors des deux occasions – lorsque les deux clubs ont terminé avec une efficacité de 50 %.

 

À quoi ressemblera la deuxième moitié de saison?

 

On peut avancer qu’elle sera sans doute enlevante et encore remplie de surprises. Seront-elles agréables ou associées à de vives déceptions?
 

Les 28 prochains matchs répondront à cette question, mais je demeure convaincu que le Canadien sera des prochaines séries éliminatoires.