Passer au contenu principal

RÉSULTATS

Il n'y a plus rien de sacré... et c'est la vie

Publié
Mise à jour

COLLABORATION SPÉCIALE

Le chandail de la Sainte Flanelle sera maintenant orné du logo d'un commanditaire.

Je comprends le choc que cette nouvelle provoque et la levée de boucliers. Je comprends aussi que certains parlent d'un manque de respect, d'une perte de tradition, d'une gifle à la grande histoire des Canadiens de Montréal, etc. Vous connaissez les arguments. Ceux-ci m'émeuvent très peu.

Si je me reconnais parfois dans le discours historico-romantique du sport et en particulier des Canadiens, je suis conscient que les équipes sportives modernes sont d'abord et avant tout des entreprises qui évoluent ans le domaine du divertissement. Qui sommes-nous pour dire à une entreprise qu'elle devrait se passer de revenus supplémentaires par honneur et par dignité? On parle d'une somme estimée entre 5 et 10 millions de dollars par année. L'équivalent des revenus de 2 à 5 matchs de séries éliminatoires. Aux dernières nouvelles, le CH n'est pas une organisation à but non lucratif.

Plusieurs se sont servis de l'exemple des Oilers d'Edmonton qui refusent d'avoir un commanditaire sur leur chandail pour appuyer le fait que le CH devrait être au-dessus de cet appel de l'argent et respecter plus le logo. Je réponds à cet argument que les Oilers ont quand même vendu le meilleur joueur de l'Histoire, Wayne Gretzky, aux Kings de Los Angeles pour 15 millions $. Parce qu'il s'agissait bien d'une vente et non d'un échange. L'élément clé de cette transaction était le montant d'argent. De plus, reparlons-en dans 2 ou 3 ans de la décision des Oilers. Mon pari est que l'organisation changera d'idée, tout comme le FC Barcelone l'a fait au début des années 2000. D'ailleurs, ceux qui disent que comme le Barça, le CH est « plus qu'un club », devrait connaitre la petite histoire de la publicité sur les chandails de foot (soccer).

Dans les années 80, la mode des commanditaires sur les chandails d'équipes de soccer a commencé à se répandre. Les clubs espagnols ont résisté jusque dans les années 90. Barcelone s'est abstenu encore plus longtemps. Puis en 2005, le club mythique de Barcelone a décidé d'apposer le logo de l'UNICEF sur son chandail et de donner de l'argent à l'organisme. Mais en 2010, oh surprise, changement de cap. Le club s'associe à la Qatar Foundation qui lui verse 35 millions $ par année. En 2015, c'est l'entreprise Rakuten qui appose son logo sur le chandail du FC Barcelone moyennant 65 millions $. Disons que les grands principes ont été mis de côté.

Autre équipe référence dans ce combat contre la publicité sur le chandail du Tricolore, les Yankees de New York. Eh bien devinez quoi? On apprenait dernièrement dans le magazine Forbes que l'équipe par excellence du baseball majeur est à la recherche d'un commanditaire pour son uniforme en vue de la saison 2023-2024. De quoi faire avaler de travers les partisans de la « pureté du chandail ».

Parlant de pureté, je suis d'avis qu'il n'y a plus rien de sacré. Il y a 40 ans, c'était les publicités sur les bandes qui faisaient rager les partisans de hockey. On s'est habitué. Plus récemment, c'est le déménagement du Forum au Centre Bell qui dérangeait. On parlait de perte de tradition encore là. On s'y est fait. Même la publicité sur les casques passe maintenant inaperçue. Alors je ne m'en ferais pas trop avec la publicité sur le chandail des Canadiens. Est-ce que le visuel de cette publicité pourrait être mieux fait? Certainement. Cependant, la publicité ne disparaitra pas de sitôt. À moins d'un tollé sans commune mesure et d'un tsunami de critiques assez fort pour faire reculer l'équipe montréalaise.

De tout temps, les valeurs ont changé et elles continueront de changer. Il faut s'y faire. D'un autre côté, il est tout à fait normal de résister au noms de valeurs qui nous sont chères. Mais les choses continuent d'évoluer avec ou sans nous. Ce qu'on considérait sacré ne l'est plus. Entre autres, des églises sont transformées en condo. Je pense qu'à partir de là on peut dire que le sacré en prend pour son rhume. C'est triste à dire, mais le chandail des Canadiens de Montréal n'est pas un drapeau. Malgré tout ce qu'il représente, c'est encore à la base un chandail de hockey.

Et pour conclure, je pose la question suivante : si les revenus générés par la publicité sur les chandails avaient permis de garder les Nordiques et les Expos, serions-nous aussi critiques? Poser la question c'est y répondre.