RDS présentera mardi soir à 19 h l'émission «Table d'hôte» consacrée aux repêchages de la LNH. Animée par Claude Mailhot, les invités sont Stéphane Leroux, André Savard, Guillaume Latendresse et Claude Carrier.

MONTRÉAL – Benoit Pouliot ou Carey Price? La question semble totalement farfelue à l’approche du 10e anniversaire de l’inusité repêchage de 2005 qui avait été orchestré par une loterie. Pourtant, l’équipe de recruteurs du Canadien s’apprêtait à sélectionner le Franco-Ontarien si le Wild du Minnesota ne lui avait pas rendu, sans le vouloir, cet énorme service.

À la suite du conflit de travail dans la Ligue nationale de hockey qui avait annulé la saison 2004-2005, les dirigeants avaient déterminé que l’ordre de sélection serait déterminé par un tirage au sort. Par un heureux hasard, le Tricolore avait été pigé parmi les dernières équipes héritant de l’enviable cinquième rang. L’organisation montréalaise n’avait pas repêché à un échelon aussi intéressant depuis la prise de Petr Svoboda en 1984.

Étant donné que le Canadien traversait l’une de ses pires périodes, ayant été écarté des séries éliminatoires lors de quatre des six saisons précédentes, la pression pesait très lourd sur les épaules de Trevor Timmins, ses collègues ainsi que le directeur général Bob Gainey et son adjoint André Savard.

Le Jour J est arrivé le 30 juillet dans un hôtel d’Ottawa. Aucun suspense n’entourait le premier choix alors que Sidney Crosby a hérité du mandat de relancer les Penguins de Pittsburgh. Bobby Ryan (Anaheim), Jack Johnson (Caroline) et Pouliot (Minnesota) ont ensuite enfilé le chandail de leur nouvelle équipe respective.

Auteur de 67 points en autant de matchs avec les Wolves de Sudbury, Pouliot représentait une option très attrayante. À vrai dire, comme le RDS.ca a obtenu la confirmation, Timmins et ses acolytes souhaitaient l’inclure dans la famille du Canadien, mais ils ont été battus d’un rang.

La déception aurait pu être grande à la table du Tricolore, mais cette possibilité avait été anticipée.

« À l’époque, Pouliot était un joueur fantastique dans le junior. On savait que nous serions tout près de pouvoir le repêcher, mais qu’il y avait un gros risque que ce ne soit pas le cas. Ce n’était donc pas un choc considérable pour nous », s’est souvenu Trent McCleary qui agissait alors comme dépisteur dans l’Ouest pour le Canadien.

« Comme à tous les repêchages, on sait quels sont les joueurs les plus recherchés qui partiront dans les premières positions. Par exemple, ce sont les Coyotes qui détiennent le troisième choix et ils savent que Connor McDavid et Jack Eichel ne seront plus disponibles », a comparé McCleary qui a participé à cinq repêchages avec Montréal.

Le Canadien a donc dû se replier sur son plan B, celui favorisé si Pouliot n’était plus à sa portée.

« Trevor est très préparé et nous avions beaucoup discuté avant donc notre décision était passablement prise », a reconnu McCleary.

Le moment était donc venu pour Timmins et son entourage de grimper sur la scène pour y annoncer la sélection du gardien des Americans de Tri-City, Carey Price. Ce choix a immédiatement causé la stupéfaction dans la salle et parmi les nombreux téléspectateurs rivés à leur écran. Carey Price

Si les animateurs et analystes de RDS avaient témoigné de leur étonnement sur cette sélection tout en vantant les grandes aptitudes de travail de Price, les commentateurs de TSN avaient été plus virulents envers Gainey et ses employés.

« C’est une grosse surprise, les gardiens représentent un risque parce qu’ils ne se développent pas toujours aussi bien. Montréal aurait pu préférer des joueurs comme Marc Staal (choisi 12e par les Rangers), Gilbert Brule (sorti 6e à Columbus) ou Anze Kopitar (11e choix par Los Angeles) », avait lancé Bob McKenzie qui avait classé Price au septième rang de sa liste personnelle.

Pierre McGuire, son partenaire du moment, s’était montré encore plus sévère.

« C’est étonnant avec tous les autres gardiens de l’organisation, ça ne cadre pas bien avec le Canadien. Ils ont tellement d’autres besoins en défense et en attaque. Ils n’ont personne d’établi en défense et il leur manque toujours un centre imposant. Je ne sais vraiment pas comment expliquer cette sélection… », a jugé McGuire.

La surprise venait du fait que le club montréalais semblait outillé devant le filet avec José Théodore, et étant donné le développement de Yann Danis et l’arrivée imminente de Jaroslav Halak.

« Il possède un très bon gabarit et c’est lui qui a aidé son équipe à obtenir ce succès. C’est un gardien à développer, mais il a certainement le physique de l’emploi », avait nuancé Norman Flynn sur les ondes de RDS.

Invité à justifier sa décision en entrevue avec Alain Crête, Timmins avait notamment utilisé ces arguments.

« On aime son physique, ses qualités athlétiques et son maniement de rondelle à la Martin Brodeur. Roland Melanson (qui était l’entraîneur des gardiens) aime beaucoup sa technique et on est confiant qu’il puisse amener Carey au prochain niveau », a proposé Timmins.

Ces perceptions négatives ont rapidement trouvé leur chemin jusqu’aux oreilles des dépisteurs du Canadien qui vivent bien avec cette réalité.

« Oh oui, j’ai entendu plusieurs commentaires disant qu’on aurait dû se tourner vers Gilbert Brule. Ce jour-là, en 2005, on a repêché le joueur chez lequel on voyait les meilleures habiletés. C’est la beauté du repêchage, tu ne peux pas tout prédire, mais tu te prépares du mieux que tu peux et Trevor est très, très bon dans ce qu’il fait. Il recueille les opinions de ses recruteurs et il est préparé comme il se doit », a décrit McCleary.

Les amateurs et les experts n’étaient pas les seuls à avoir été étonnés. En fait, même le principal intéressé ne l’avait pas vu venir.

« Je n’avais pas beaucoup parlé avec le Canadien. En gros, je n’avais eu qu’un contact avec Trevor Timmins et c’était au Combine de Toronto. Je ne m’attendais pas à sortir aussi haut », avait avoué Price, avec sa chemise rouge assortie au chandail montréalais, à Stéphane Leroux.

Pour favoriser Price, Timmins était demeuré fidèle à sa philosophie.

« C’était toujours notre mandat, il ne fallait pas tomber dans les positions spécifiques des athlètes. On voulait repêcher le meilleur joueur disponible à notre tour de parler », a noté McCleary qui a joué 192 parties dans la LNH.

Une grande fierté d’avoir poussé pour Price

Plus tard dans la diffusion du repêchage, André Savard avait été invité à revenir sur la sélection de Price en compagnie d’Alain Crête. Le directeur général adjoint n’avait pas caché que Pouliot était grandement apprécié par le Canadien.

« Oui, il était dans notre mire. Il est sorti un choix avant nous, c’est un bon joueur et ce sont eux qui l’ont eu », avait-il dit à propos des gens du Wild.

Trevor Timmins, Trent McCleary, Carey Price et Foster GillettLa préférence envers Pouliot – qui évolue maintenant avec les Oilers, sa sixième formation en carrière – n’était cependant pas unanime. En tant que recruteur affecté à l’Ouest, McCleary voyait Price dans sa soupe surtout qu’il l’avait vu à l’œuvre à plusieurs reprises.

« J’avais eu la chance de voir Carey jouer très souvent et il était certainement mon préféré », a mentionné McCleary (au centre de la photo) dans une entrevue téléphonique au RDS.ca.

Il n’a donc pas hésité une seconde à exprimer ses préférences pour le gardien aux origines autochtones.

« C’est ainsi que le système est bâti, tu pousses pour tes joueurs même si tu ne vas pas toujours avoir le dernier mot. Quand tu aimes un espoir, tu dois te lever et le dire. Je l’ai fait dans le cas de Carey que je connaissais plus que Pouliot », a expliqué le conseiller financier qui s’implique aussi avec les Broncos de Swift Current.

Très apprécié pendant son passage dans l’uniforme du Canadien, McCleary aura peut-être rendu son plus grand service à l’organisation en contribuant à la sélection de Price.

« On a eu le joueur, parmi ceux disponibles, que nous pensions qui allait devenir le meilleur pour l’équipe », s’est félicité McCleary qui retire une grande source de fierté de ce choix.

Mais, honnête dans sa rétrospective, McCleary reconnaît que lui et ses pairs n’avaient pas prévu que Price se hisserait à ce niveau. Sinon, le gardien d’Anahim Lake aurait attendu encore moins longtemps sur sa chaise.

« On peut comparer ça à Connor McDavid, on peut s’imaginer qu’il sera bon, mais on ne peut jamais prédire si les joueurs deviendront les meilleurs de la LNH. Évidemment, si les gens avaient su à quel point Carey deviendrait bon en regardant dans leur boule de cristal, il aurait été dans les discussions avec Crosby », a-t-il évoqué.

La « science » du repêchage demeure donc toujours aussi intrigante, mais tout autant inexacte. Voilà pourquoi le Canadien peut bien remercier le Wild pour avoir choisi Benoit Pouliot tout juste avant lui.

« Oui, c’est vrai. C’est ainsi que ça fonctionne avec le repêchage et on a été chanceux de mettre la main sur Carey », a conclu l’homme de 42 ans dont la carrière a pris fin hâtivement après avoir frôlé la mort quand il a été atteint à la gorge par une rondelle sur un puissant lancer.