Le Canadien en séries éliminatoires : genèse d'une saison inattendue et inespérée
Le Canadien participera aux séries éliminatoires alors qu'on le comptait presque pour battu tôt dans la saison. Il aura fallu attendre jusqu'au tout dernier match de la saison pour que Montréal confirme sa place suite à une victoire contre les Hurricanes de la Caroline.
Des nouveaux venus, de grandes révélations, d'heureuses surprises et quelques moments mémorables au Centre Bell auront marqué la saison régulière du Tricolore en 2024-2025. Toutefois, cette saison inattendue et inespérée n'a pas été exempte de doutes, de blessures et de mauvaises séquences.
Pour mieux apprécier le parcours du Bleu-Blanc-Rouge vers les séries éliminatoires, reculons jusqu'aux premiers balbutiements de cette saison, en passant par plusieurs moments marquants.
Mission : être « dans le mix »
Les dirigeants du Canadien se sont présentés au camp d'entraînement en répétant un refrain similaire, celui de l'objectif d'être « dans le mix » des équipes aspirant aux séries et de jouer des « matchs significatifs » en fin de saison.
Ils ont pourtant vite constaté qu'ils allaient avoir du pain sur la planche en voyant le CH réaliser un pire début de saison que l'année précédente. Avec une fiche de 7-11-2, il se classait au 31e rang du classement général et à la dernière place dans l'Association de l'Est.
L'entraîneur-chef Martin St-Louis a lancé des citations très imagées toute la saison, mais il a réservé l'une de ses plus mémorables après une autre cinglante défaite de 6-3 contre les Capitals de Washington le 31 octobre.
« Nous avons joué une première période d'équipe sur la route. On n'a pas donné grand-chose, mais on n'a pas eu grand-chose. En deuxième, il n'y avait rien de parfait, il y avait des erreurs des deux côtés, et en troisième, on s'est vomi dessus », a-t-il déclaré. « Nous avons un groupe fragile en ce moment. On se le fait à nous-mêmes aussi. On se met le doigt dans la gorge. »
Problèmes défensifs, joueurs sous-performants, mauvais débuts de match, effondrements en fin de rencontre... les points positifs étaient rares. Lueur d'espoir, Nick Suzuki a été un exemple de constance et flirtait avec un rythme d'un point par match depuis le début de la campagne. Pendant ce temps, Cole Caufield faisait partie du top-10 des marqueurs du circuit Bettman avec ses 12 buts en 20 matchs.
Lane Hutson était encore en quête de son premier but, mais débordait de confiance en possession de la rondelle et ses 11 points le placent au 3e rang de toutes les recrues de la LNH. Un vent de fraîcheur.
Par contre, Juraj Slafkovsky n'a pas retrouvé la même étincelle après une bonne fin d'année 2024 et on attendait encore le déclic. Même chose pour Kirby Dach, qui tarde à retrouver ses repères après avoir été limité à deux matchs la saison précédente, ou encore Alex Newhook.
L'arrivée de Laine fait jaser
Acquis au mois d'août. Patrik Laine a dû patienter jusqu'au 25e match de la saison pour faire ses débuts, une longue attente d'un an avant de pouvoir rejouer à cause de diverses blessures.
Le scénario rêvé s'est produit lorsqu'il a marqué à son premier match, enflammant le Centre Bell dans une victoire de 2-1 contre les Islanders de New York, avec qui le CH s'est battu pour les séries la majorité de la saison.
Dès sa deuxième présence sur l'avantage numérique, il a décoché un tir des poignets digne des grands dans le haut du filet, ce qui lui a valu une ovation monstre.
« C'était ridicule tellement c'était fort, je ne mérite pas ça! Je vais m'en rappeler toute ma vie. Je suis vraiment reconnaissant », a réagi Laine au terme de sa première expérience vibrante à Montréal.
Malgré tout, l'effet « Laine » s'est estompé rapidement, malgré ses succès individuels. Le 12 décembre, Montréal tombe au plancher après avoir encaissé une varlope de 9-2 contre les Penguins de Pittsburgh au Centre Bell.
« Ouf, je ne sais pas comment l'expliquer, c'était juste inacceptable. On doit se reprendre samedi », avait lancé Kaiden Guhle qui fulminait après l'humiliation.
Le samedi suivant, Montréal encaissait une autre défaite, cette fois au compte de 4-2 face aux Jets de Winnipeg. À ce moment de la saison, les séries éliminatoires étaient un fantasme bien lointain, mais l'entraîneur-chef Martin St-Louis gardait son posivitisme, malgré la grogne.
« J'ai aimé ce que j'ai vu. Nous avons été très combatifs », martelait St-Louis.
C'est à ce moment que la saison a connu son premier grand revirement. Porté par l'éclosion de Hutson et le brio de Laine en supériorité numérique, le CH inscrit des points dans 10 de ses 11 prochains matchs et amorce l'année 2025 avec le vent dans les voiles.
Prudent, Hughes en mode attente
Lors de son bilan de mi-saison plus optimiste, le directeur général Kent Hughes demeurait prudent après les montagnes russes du début de la saison.
« On connaît une très forte séquence présentement, mais je ne pense pas qu'on va continuer de gagner huit matchs sur dix pour le reste du calendrier. On sait qu'il y aura des hauts et des bas, mais on est sur le bon chemin. »
« C'était la première fois pour nous, les opérations hockey et les entraîneurs, qu'on vivait autant de négatif autour de l'équipe et on devait gérer le tout. »
Parmi les leçons concrètes, le CH a dû trouver un équilibre entre l'émergence de la jeunesse et l'apport de l'expérience. L'exemple le plus révélateur demeure l'ajout très bénéfique d'Alexandre Carrier à la brigade défensive. Acquis des Predators de Nashville contre Justin Barron, Carrier a trouvé sa niche aux côtés de Mike Matheson et s'est immédiatement établi dans le top-4 des défenseurs de l'équipe.
Nouvelle saison, nouvelle déception pour Kirby Dach
On espérait revoir un Kirby Dach en santé et transformé en 2024-2025 afin de solidifier la position de centre no 2 pour épauler Nick Suzuki.
Comme un déjà-vu, le Canadien a cependant annoncé le 28 février que Dach a été opéré au genou droit et qu'il allait rater le reste de la saison après avoir amassé 10 buts et 12 passes en 57 parties.
Dach n'avait joué que deux matchs complets en 2023-2024, en raison d'une blessure au genou droit qui avait aussi nécessité une opération. Depuis son acquisition par le Tricolore le 7 juillet 2022, il a raté 129 matchs.
Avec son historique, l'avenir est incertain pour l'attaquant de 24 ans, mais personne ne baisse les bras.
« Il est encore jeune et je suis optimiste. Avec la médecine d'aujourd'hui, la technologie... je suis optimiste », soutient St-Louis
« Il est un gars résilient, alors il retombera sur ses pieds, c'est sûr », d'ajouter Newhook en voulant se faire rassurant.
Montembeault, l'homme de confiance
On se souviendra de la saison 2023-2024 comme celle où Martin St-Louis a dû gérer un système à trois gardiens. Ce dossier est réglé.
Difficile de succéder à un no 1 de la trempe de Carey Price, mais les joueurs du CH comme les amateurs de l'équipe ont développé une grande confiance envers Montembeault et il le leur rend bien.
Composant avec une grande charge de travail avec la précarité de la situation au classement, seule une poignée de gardiens ont plus de temps de jeu que lui cette année. Il a pris part à 50 matchs pour la première fois de sa carrière et il a atteint le plateau des 30 victoires également.
Réserviste derrière le portier québécois, Cayden Primeau a été cédé au Rocket de Laval à la fin décembre.
Effectuant ses débuts dans la LNH le 28 décembre contre les Panthers, Jakub Dobes a remporté ses cinq premiers départs et il a ancré ses patins à Montréal pour le reste de la campagne.
« Chaque jour je suis heureux d'être ici et j'essaie de faire de mon mieux. C'est dur à expliquer, mais j'essaie de tout absorber ce que je vis, dont la chance d'affronter les joueurs que tu regardes depuis que tu as 3 ans. Mais même si je vis un rêve, je me concentre sur le travail que j'ai à faire. »
Une pause qui arrive à point
De grands moments de rivalité et d'intensité ont fait de la Confrontation des 4 Nations un grand succès qui a culminé avec le triomphe du Canada en finale contre les Américains.
Déjà durant l'été, Samuel Montembeault visait ouvertement ce tournoi prévu à la mi-février et il a rempli son objectif en étant sélectionné par la formation canadienne.
« C'est la première fois depuis longtemps que les meilleurs joueurs au monde vont participer à un tournoi international. Même pour les entraînements, ce sera fou avec les McDavid, MacKinnon, Crosby et cie. Ce sera du hockey relevé. C'est un beau vote de confiance. C'est spécial de voir qu'ils sont plusieurs (directeurs généraux de la LNH) à me faire confiance pour être l'un des trois gardiens à représenter le pays. »
Même s'il n'a pas joué, derrière Jordan Binnington des Blues et Adin Hill des Golden Knights, l'expérience est mémorable.
Les attaquants Joel Armia et Patrik Laine ont quant à eux représenté la Finlande, mais Nick Suzuki et Cole Caufield ont vécu une déception en n'étant pas sélectionnés respectivement par le Canada et les États-Unis.
Fiers compétiteurs qu'ils sont, Caufield et Suzuki ont canalisé leurs énergies vers le dernier droit de la campagne.
En revenant de la pause, le Tricolore est devenu l'une des équipes de l'heure. À six points des séries avant les 4 Nations, le CH a ensuite affiché le meilleur dossier de l'Association de l'Est.
Suzuki a été le deuxième meilleur pointeur de toute la ligue derrière le centre des Blues Robert Thomas avec 34 points en 22 rencontres. Lane Hutson a fait de même parmi tous les défenseurs durant cette période avec 23 points, étant seulement devancé par Cale Makar.
Un vote de confiance à la date limite
Malgré le fait que les noms de David Savard, Joel Armia, Jake Evans aient abondamment circulé avant la date limite des échanges, le statu quo est demeuré le jour fatidique du 7 mars. Ce vote de confiance de la part du directeur général Kent Hughes a ravi toute l'équipe.
« C'est une grosse progression de notre processus, a analysé St-Louis. Est-ce que c'est l'année qu'on arrête de vendre? Les gars ont rendu la tâche difficile à Kent. Je suis content que Kent ait récompensé les gars et leur ait montré de la confiance pour faire une poussée jusqu'à la fin de l'année. »
Convaincu après une discussion avec son capitaine, Hughes a choisi de donner à cette formation la chance de se faire valoir jusqu'au bout.
« C'est rafraîchissant, d'ajouter Suzuki. Tous les joueurs qui faisaient l'objet de rumeurs de transaction ont vu un poids quitter leurs épaules. Ça leur permettra de jouer plus librement et de rendre notre équipe meilleure. »
Ce vote de confiance aura bel et bien eu son effet.
Lane Hutson et la course au Calder
Dans une lutte pour le Calder avec Matvei Michkov et le premier choix du dernier repêchage Macklin Celebrini depuis le début de la saison, Hutson a tous les arguments pour convaincre, mais faisons une mention plus que spéciale au gardien des Flames Dustin Wolf.
Hutson a battu le record d'équipe établi par Chris Chelios (65 en 1984-1985) pour le plus grand nombre de points inscrits par un défenseur recrue des Canadiens. Puis, lors du tout dernier match de la saison, Hutson a rejoint Larry Murphy au 1er rang de l'histoire de la LNH avec 60 mentions d'aide.
De ses quelques buts, on retiendra celui qu'il a marqué quand il a traversé la glace d'un bout à l'autre pour battre le gardien des Flyers Samuel Ersson le 5 avril.
Notre collègue François l'a très bien décrit au début avril lorsque ses performances ont semblé confirmer ses chances de trophée en vantant « sa manière de bouger sur la patinoire, d'échapper à ses rivaux avec des feintes et des vrilles agiles; la très grande qualité des passes qu'il distribue. Il est sensationnel dans les phases offensives du jeu et bien meilleur que ses détracteurs l'avançaient en début de saison dans les phases défensives du jeu. »
Son entraîneur et ses coéquipiers ont passé la saison à dire qu'ils étaient impressionnés, sans être surpris de son impact majeur, mais qui pouvait en espérer autant de la jeune pépite à sa saison recrue? Les amateurs sont choyés d'assister à une telle émergence.
Demidov arrive à l'aube des séries
Alors que plusieurs ont jugé qu'il y avait un important manque de profondeur derrière Suzuki et le premier trio, St-Louis a tout de même eu la main heureuse cette saison en jumelant Christian Dvorak, Brendan Gallagher et Josh Anderson au sein d'un même trio.
Les trois hommes ont en quelque sorte trouvé un regain de vie dans leur carrière cette saison et leur apport est devenu vital à la survie des Canadiens en prévision des séries. En plus de se montrer fiables, ils ont su contribuer offensivement, comme en témoigne la saison de plus de 20 buts de Gallagher.
Anderson a d'ailleurs profité de la saison pour se remettre d'une campagne 2023-2024 difficile, ce qui lui a permis d'être le candidat du Tricolore pour l'obtention du trophée Bill-Masterton.
Pour ce qui est de la profondeur derrière le premier trio, le Tricolore a eu une nouvelle qu'il n'attendait plus en toute fin de saison qui risque d'aider.
Son espoir de premier plan Ivan Demidov, repêché en 2024, a été libéré par le SKA et il a traversé l'océan Atlantique pour rejoindre les Canadiens pour la fin de la saison et le parcours éliminatoire.
Dès son premier match, Demidov a été électrisant, en préparant un but d'Alex Newhook à sa deuxième touche de rondelles dans la LNH, avant de lui-même marqué son premier but dans la LNH en 1re période face aux Blackhawks.
Le suspense jusqu'à la fin
Après avoir pris une avance de huit points sur les Blue Jackets, la place en séries éliminatoires des Canadiens semblait assurée, mais plusieurs défaites consécutives ont compliqué la tâche de l'équipe.
Depuis leur victoire contre les Red Wings de Detroit le 8 avril, les Canadiens avaient subi un revers de 5 à 2 contre les Sénateurs d'Ottawa avant d'enchaîner avec des revers en temps supplémentaire contre les Maple Leafs de Toronto et les Blackhawks de Chicago.
Les hommes de Martin St-Louis ont finalement confirmé sa place lors du match no 82 de la saison contre les Hurricanes de la Caroline au Centre Bell.
À leur première présence en séries éliminatoires depuis qu'ils ont participé à la finale de la Coupe Stanley en 2021, les Canadiens auront droit à un duel de premier tour contre les Capitals de Washington. Transformé par l'arrivée d'un nouvel entraîneur-chef et par la saison record d'Alex Ovechkin, Washington a terminé au 1er rang de l'Association de l'Est et représentera un énorme défi pour les jeunes Canadiens.
D'ici là, il était nécessaire de prendre le temps d'apprécier les hauts et les bas, ainsi que les multiples revirements qui ont rendu ce parcours vers les séries éliminatoires aussi mémorable et excitant.