MONTRÉAL – À l’image de la population mondiale, Trevor Timmins ne peut qu’essayer de trouver des éléments positifs en lien avec la pandémie de la COVID-19 et il constate que cette crise lui permet de visionner plus de matchs étant donné qu’il ne doit pas se déplacer un peu partout sur la planète hockey. 

Il s’agit tout de même d’une consolation intéressante alors qu’il règne encore une incertitude à propos de la formule qui sera tolérée pour le prochain repêchage. À vrai dire, on ignore même le lieu où il sera tenu et la date de sa présentation. Il ne faudrait pas oublier que la loterie - qui devait survenir le 9 avril - pour déterminer le rang de sélection du Canadien a été reportée. 

ContentId(3.1365557):Forum du 5 à 7 : évaluation de Trevor Timmins (Canadiens)
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Le directeur général adjoint et responsable du recrutement amateur du Tricolore doit donc composer avec cette réalité déstabilisante, mais il tente d’en tirer le maximum. 

« Quand est-ce que le repêchage aura lieu? Personne ne le sait présentement. Tout dépend de ce qui arrivera dans les prochaines semaines, mais je veux que les partisans sachent qu’on a une structure qu’on emploie pour chaque repêchage et ça n’a pas changé. On continue d’élaborer notre tableau de sélection en vue du repêchage, on vise la mi-mai essentiellement comme une année normale », a témoigné Timmins durant une conférence téléphonique. 

« Ça fait que nous sommes plus occupés sur notre ordinateur. Mais, au final, ça me permet de regarder plus de matchs que je le fais normalement car je dois voyager », a ajouté Timmins en précisant qu’il garde ses dépisteurs occupés tel un prof d’université qui leur soumet des devoirs.

La différence, c’est que les réponses de l’examen final ne seront connues que dans quelques années, lorsqu’on aura une meilleure idée du rendement des joueurs sélectionnés à l’été 2020. Ainsi, Timmins espère que le boulot accompli par son entourage permettra de limiter les erreurs. 

« On a déjà complété la grosse partie de notre évaluation des joueurs lors de matchs en personne. Si tu ne l’as pas fait et que tu penses effectuer une bonne projection sur un joueur, ce serait difficile en se fiant uniquement sur des vidéos », a noté Timmins qui pense même pouvoir décortiquer quelques facettes plus en profondeur avec le vaste outil technologique à la disposition des équipes de la LNH.  

« On peut, heureusement, se fier sur une base de données avec pratiquement toutes les parties jouées par un espoir n’importe où sur le globe. C’est déjà scindé en présences, buts, passes, sorties de zone... Tout ça avec des statistiques avancées à l’appui », a-t-il précisé. 

Voilà un aperçu de l’aspect hockey. Mais, logiquement, la LNH a interdit les entrevues en personne avec les différents espoirs. Dans les prochaines semaines, Timmins aura l’impression d’être un adolescent tellement il passera de temps sur FaceTime, Zoom et compagnie pour questionner les différents candidats. L’occasion est aussi belle pour scruter leur utilisation des réseaux sociaux. 

Habituellement, une grande partie de ces entrevues se font dans le cadre du « combine » à Buffalo, cette semaine d’évaluation des meilleurs espoirs. Pour le moment, cet événement du début juin a été reporté et Timmins croise les doigts à ce sujet. 

« J’espère encore qu’un combine (camp d'évauation) pourra être organisé que ce soit le nôtre ou celui de la LNH afin d’obtenir des informations supplémentaires. Si ça ne se produit pas, j’ai eu vent que la LNH va fournir des données médicales aux équipes. Ce ne serait minime comparativement à une année habituelle. Oui, ça nous ferait mal », a reconnu Timmins qui était aussi déçu que le Canadien ne puisse pas procéder à un troisième combine annuel en sol européen. 

L’état-major du CH a toutefois dû faire son deuil du Championnat U18 qui se veut un rendez-couru pour peaufiner l’évaluation de plusieurs joueurs. C’est un contexte en or car les espoirs évoluent contre des adversaires de leur âge ce qui procure un portrait plus représentatif.  

« Notre projection finale est basée sur l’ensemble du travail d’un joueur. Cela dit, le tournoi devait avoir lieu au Michigan (en avril) ce qui procurait un accès très facile aux dirigeants des équipes. Plusieurs organisations prévoyaient ajouter ces parties pour se forger une opinion. Ainsi, c’est possible qu’ils n’aient pas vu ces patineurs jouer en personne et ça pourrait réduire leur influence dans le processus de sélection. L’autre chose, c’est qu’on verra moins des joueurs qui se frottent à des adversaires de leur âge. Je pense aux Suédois (Alexander) Holtz et (Lucas) Raymond ainsi que (l’Allemand Tim) Stutzle. C’est une projection plus difficile quand des joueurs affrontent semaine après semaine des joueurs plus vieux (ils jouent dans une ligue professionnelle dans leur pays respectif) », a ciblé Timmins qui aurait également voulu voir le comportement des Européens sur une patinoire nord-américaine plus petite.

L’autre étape du deuil concerne, évidemment, les séries qui ont été annulées à travers la planète. 
 
« C’est une grosse perte pour nous. On aime voir comment les joueurs réagissent sous une telle pression et face à un mandat si éprouvant. On doit maintenant fouiller dans le parcours de ces joueurs, même du hockey mineur, pour déterminer comment ils ont réagi auparavant », a indiqué Timmins qui a répondu à des questions pendant 50 minutes. 

Un format semblable au repêchage de 2005? 

La décision finale de la LNH au sujet du repêchage ne devrait pas tomber sous peu étant donné que les dirigeants doivent s’ajuster à l’évolution du coronavirus. La patience est de mise surtout que Timmins se dit que le scénario de 2005 serait un compromis intéressant. 

Pour les plus jeunes, lors de ce repêchage, celui de Sidney Crosby et Carey Price, l’événement avait été organisé dans une grande salle d’hôtel à Ottawa sans la présence de partisans. De plus, ce sont uniquement les meilleurs espoirs qui étaient sur place. Timmins s’accroche à cette idée pour éviter de perdre l’aspect crucial des discussions entre les directeurs généraux quand ils sont réunis dans une même pièce. Les tractations pour bâtir une transaction seraient moins nombreuses dans un format virtuel. 

Parlant de contexte virtuel, Timmins recommande aux intéressés de suivre le repêchage de la NFL (du 23 au 25 avril) qui a été modifié ainsi. 

« Les équipes ne peuvent même pas réunir leur personnel dans un war room à leurs bureaux. On verra ce qui peut fonctionner et ce qui ne fonctionne pas. Je discute d’ailleurs avec mes contacts dans la NFL pour en savoir plus sur leur préparation avec de telles mesures restrictives », a déclaré Timmins. 

Si le gouvernement, sûrement plus au Canada qu’aux États-Unis, finissait par permettre, d’ici la fin de l’été, un rassemblement important dans une province plus épargnée, le souhait de Timmins serait une possibilité. 

Pendant l’attente, Timmins a passé deux messages pertinents. D’abord, il a parlé de son inquiétude envers le développement des jeunes qui ne peuvent pas progresser sur la patinoire présentement. Ensuite, il a voulu préciser que son personnel ne se la coule pas douce à la maison.  

« Nos dépisteurs font énormément de travail en arrière-scène, on ne regarde pas des comédies à la TV. On accomplit notre boulot et on fait de notre mieux pour travailler plus fort que les autres organisations », a conclu Timmins en faisant une référence à Tom Brady selon laquelle les gens du sport professionnel peuvent enfin faire leur part à la maison pour leur famille.