TROIS-RIVIÈRES – En devenant directeur général de Hockey Québec, Jocelyn Thibault a accepté le gouvernail d’un très gros bateau qui doit être modernisé et adapté. Il a donc été ravi d’entendre que la Fédération internationale de hockey sur glace effectue aussi de grandes réflexions.

 

Thibault était l’un des cinq panélistes à participer à une pertinente table ronde sur la recherche dans le monde du hockey et il a quitté l’UQTR avec optimisme.  

 

« Chaque journée comme celle-ci nous améliore énormément. Parce que le hockey n’a jamais vraiment été associé à une réflexion scientifique, c’est plutôt un milieu très conservateur. C’est correct, mais il faut pousser la réflexion ailleurs. Je suis à la fédération pour ça et je ne sais pas où on pourra aller. Mais ce sont des journées qui me font tripper », a confié l’ancien gardien.  

 

Plusieurs points intéressants ont été soulevés par les participants, mais la palme revient à Luc Tardif, le président de la FIHG, qui a accepté de dévoiler son jeu pour les prochaines années. Le moment ne pouvait guère mieux tomber puisque Hockey Québec tient son assemblée générale annuelle ce week-end.

 

« J’ai été très surpris d’entendre M. Tardif raconter tout ça. Moi-même, je me pose la question sur comment va-t-on et doit-on pratiquer le hockey dans 10 ans. Je trouve ça intéressant de voir la FIHG se pencher sur d’autres formats de hockey sur glace. C’est extrêmement rafraîchissant et hyper pertinent. Je veux qu’on se pose de telles questions à Hockey Québec », a-t-il mentionné.

 

Ce n’était pas le seul parallèle entre les propos des deux dirigeants. Le concept des « entraîneurs volants » déployés par la FIHG a immédiatement allumé Thibault qui avoue que Hockey Québec a mille questions à se poser.  

 

« On doit s’assurer que la formation des entraîneurs soit top partout au Québec. Voilà une idée que je ne connaissais pas et je vais m’en souvenir. Ça fait partie de la réflexion parce que c’est impossible de dire qu’on va professionnaliser 100% de nos entraîneurs au hockey mineur. Mais comment fait-on pour améliorer leurs compétences ? Au moins, la pandémie aura eu du positif dans le sens qu’on a rendu nos formations disponibles sur le web », a-t-il réagi.

 

Dany Dubé, ancien entraîneur à l’UQTR, a exposé un exemple très concret qui touche de plus en plus de familles au hockey alors que les jeunes commencent moins souvent le hockey en bas âge.

 

« Le fils de l’un de mes amis a 11 ans et il me lance ‘Mon gars David veut jouer au hockey, mais je lui ai dit de ne pas jouer. Il n’a jamais joué, où veux-tu qu’il commence ?’ Ce fut percutant, comme un coup de poing au visage. Est-ce que nos structures permettent de vivre l’expérience du hockey sans la structure du calendrier ? Le premier réflexe d’un parent, pour protéger son fils, c’est de lui dire de ne pas jouer, il craint qu’il fasse rire de lui », a exposé Dubé.

 

« Parmi les choses à améliorer à Hockey Québec, il y a la communication entre les différentes régions. Certaines régions ont commencé à proposer du hockey récréatif et il y a une recommandation dans le rapport gouvernemental. J’y crois beaucoup parce que si mon fils veut commencer le ski, il peut le faire sans problème dans une école de ski. Il y a une façon d’effectuer les premiers pas. On se penche donc vers un programme MAGH plus. C’est vrai que c’est intimidant pour un jeune de 12 ans de commencer le hockey. Il faut abattre cette barrière », a convenu Thibault.

 

Pendant ses interventions comme panéliste, Thibault a cité Baseball Québec en exemple.

 

« On a une présentation de Maxime Lamarche. Ils ont entrepris une grande réforme axée sur le plaisir puisque les jeunes sortaient du terrain sans s’amuser. Des jeunes dans le champ ne touchaient jamais à la balle et des jeunes ne parvenaient jamais à frapper la balle. Ils ont revu leur façon de faire et les jeunes quittent le terrain avec le sourire. Quand les parents voient ça, ils ont le goût qu’il continue », a-t-il exposé.  

 

Thibault n’écarte d’ailleurs pas l’idée de changer une équipe de catégorie durant une saison alors que c’est moins facile de s’amuser quand on perd tous nos matchs. À ce propos, son prochain commentaire prenait tout son sens.

 

« Je trouve qu’il y a beaucoup de plaisir à retirer via l’apprentissage. Pourquoi les jeunes, au hockey, ne ressentiraient pas du plaisir car ils apprennent des choses. Tu te sens de plus en plus compétent et ça mène à la valorisation », a-t-il soumis.

 

« Si on avait des entraîneurs compétents partout au Québec, l’entraîneur pourrait dire aux parents ‘Cette semaine, on va travailler sur la protection de la rondelle à l’entraînement. Ensuite, dans le prochain match, chers parents, ce n’est pas important qu’on gagne ou qu’on perde. Ce qu’on veut regarder, ce sont les progrès dans cette facette'. Ils auront plus de plaisir et on va enlever l’importance de la victoire pour les parents. Il faudrait regarder le match un peu comme quand les enfants avaient un spectacle de musique à l’école, on aimait voir ce qu’ils ont appris et ils ont eu du plaisir à le faire », a ajouté Thibault en captant l’attention de l’auditoire.

 

Résumé de certains points intéressants

 

À l’image du repêchage de la LNH, ce n’est pas une science exacte, mais voici un compte-rendu de quelques points intéressants soulevés par les panélistes.

 

Georges Larivière (professeur retraité à l’Université de Montréal) et l'un des avant-gardistes dans la recherche sportive au Québec

-Chaque organisme sportif devrait avoir des projets pilotes pour tester des possibilités et récolter des données.

 

Dany Dubé (analyste hockey)

-Tout le monde se bat pour les meilleurs athlètes, on se cannibalise entre sports. Comme intervenants dans le milieu sportif, on n’aide pas les jeunes à pratiquer le sport. On les place rapidement devant une décision.

 

-Il faudrait tasser les statistiques et les classements pour plutôt cultiver le plaisir. 

 

-40% des joueurs repêchés en 1re ronde, donc 13 sur 32, ont une chance de jouer 100 matchs ou plus dans la LNH. À l’autre bout du spectre, quelques joueurs invités à des camps LNH vont finir par avoir une carrière équivalente à ceux repêchés en 1re ronde. Pourtant, ils ne rencontraient absolument pas les critères de la LNH. La seule raison qui explique leur présence, ce sont des acharnés. Il faut respecter le développement tardif pour conserver les passionnés surtout que plusieurs deviendront des intervenants du milieu.

 

Simon Grondin (professeur à l’Université Laval).

-Comme si ce n’était pas assez, il y a des mécanismes psychologiques qui font en sorte que quand certains sont vus comme les meilleurs, on va toujours agir pour qu’ils restent les meilleurs. C’est improbable qu’un joueur catalogué comme moins bon, puisse devenir meilleur.

 

-En vue de leur repêchage, les Remparts nous permettent d’assister aux rencontres avec les espoirs. Pendant l’entrevue, on arrête des séquences à l’écran et le joueur doit prédire la suite de l’action. On utilise aussi un instrument pour lire le mouvement des yeux puisque des études démontrent un lien entre le mouvement des yeux et l’expertise dans un domaine.

 

-La première cueillette a eu lieu en 2019. On a effectué un retour sur ce travail pour voir, selon nos paramètres, qui avaient été les joueurs manqués en 2019. D'après nos indices, on aurait été en mesure de choisir correctement 15 de ces patineurs sur 20. Donc il y a peut-être moyen d’aider le recrutement. (Notons que les Maple Leafs de Toronto utilisaient un procédé similaire au Combine à Buffalo cette année).  

 

-Il y a des joueurs qui n’ont jamais eu leur chance dans la LNH, mais qui deviennent des professionnels en Europe et ils parviennent ensuite à venir jouer dans la LNH. Bref, il ne faut pas abandonner trop vite, le développement à très long terme nous échappe.

 

Ce panel a été réuni par Jean Lemoyne, professeur à l’UQTR et directeur du pertinent Laboratoire de recherche sur le hockey à l’UQTR. Catherine Amiot (professeure à l’UQAM) faisait aussi partie des panélistes, elle a notamment abordée l’une de ses études qui était axée sur l’impact auprès des jeunes du plaisir et de l’esprit sportif démontrés par les parents.