LAVAL – À 31 ans, Gabriel Dumont vient de connaître la saison la plus prolifique de sa carrière.

On n’irait quand même pas jusqu’à dire que sa production de 62 points en 75 matchs est sortie de nulle part. Une telle affirmation serait une insulte à la solide feuille de route que l’ancien espoir de l’organisation du Canadien s’est bâtie depuis son entrée dans le hockey professionnel en 2010.

Tenez, juste l’an passé, Dumont a frôlé le point par match avec le Wild de l’Iowa. Plus jeune, il a atteint ou tutoyé le plateau des vingt buts dans trois saisons consécutives. À la dernière année de son premier séjour avec le Crunch de Syracuse, en 2018-2019, il a fourni 43 points en 59 parties.

« Si tu regardes les points par match, dans les quatre ou cinq dernières années où j’ai joué dans la Ligue américaine, c’est toujours autour de ça, note avec justesse le jeune vétéran, peu enclin à discuter de ses statistiques personnelles à la veille du troisième match de la série qui oppose son équipe au Rocket de Laval. Mais c’est sûr que c’était une belle saison. J’avais un beau rôle et ça a bien été. »

Dumont vient de marquer 30 buts pour la première fois depuis sa dernière saison avec les Voltigeurs de Drummondville. Il a aussi atteint un nouveau sommet personnel chez les pros avec 32 mentions d’aide. Il a conclu le calendrier au deuxième rang du classement des compteurs de son club derrière son compatriote Alex Barré-Boulet. Avant le début des séries, ces chiffres lui ont notamment permis d’être nommé le joueur le plus utile à son équipe.

Ce rendement est en partie attribuable au fait que Dumont a joué une saison complète sans être rappelé dans la Ligue nationale. Une autre explication, beaucoup plus réjouissante, est la suivante : il est resté en santé.

« Avec son style de jeu, dans le passé, je peux te dire qu’il a joué beaucoup de parties où il avait mal icitte, il avait mal là, il avait de la glace d’un bord... J’étais toujours en discussion avec notre thérapeute pour lui demander : ‘Comment il va?’ », témoigne son entraîneur, Benoît Groulx, qui a Dumont sous ses ordres pour une quatrième saison.  

« Mais je pense qu’il a eu un été d’entraînement extraordinaire, il est arrivé en pleine forme et il a su éviter les blessures. Je trouve que les blessures, c’est tellement sous-estimé dans une carrière de joueur de hockey. Il y a tellement de joueurs que, des fois, tu te dis tabarouette, le gars ne performe pas. Mais personne ne sait qu’il a un mal récurrent. Je pense que cette année, Gabriel a réussi à jouer sans pépin physique et on a vu une grande différence. »

Parmi tous les visages connus dispersés dans le vestiaire du Crunch, dont la formation compte pas moins de neuf Québécois, celui de Dumont est peut-être le plus méconnaissable. Notez la nuance ici : on ne dit pas qu’il est méconnu, mais plutôt qu’on peine à la reconnaître. À travers une épaisse barbe hirsute mercredi, le sympathique athlète du Bas-du-Fleuve affichait un sourire dépourvu de quelques dents.

Signe que ses chiffres ont beau être impressionnants, mais Dumont ne s’est jamais éloigné de sa réelle identité, celle d’un petit guerrier prêt à tout pour empoisonner la vie de ses adversaires ou défendre la cause de l’écusson qu’il représente. Pour la première fois depuis la saison 2013-2014, alors qu’il portait les couleurs des Bulldogs de Hamilton, on lui a décerné une centaine de minutes de pénalité. Le capitaine du Crunch a aussi été reconnu comme le meilleur attaquant de puissance de l’équipe et son joueur avec le plus de cœur cette année.

Dans les deux premiers matchs de la série à Syracuse, Groulx a profité de l’avantage qu’il avait de détenir le dernier changement pour l’opposer au premier trio du Rocket composé de Rafaël Harvey-Pinard, Jean-Sébastien Dea et Alex Belzile. Mercredi matin, Dea a été élogieux à l’endroit de son rival, qu’il a décrit comme un gars qui produit offensivement, mais qui « défensivement peut être impeccable ». Son entraîneur, Jean-François Houle, a laissé entendre qu’il souhaitait maintenant profiter du privilège accordé à l’entraîneur de l’équipe locale pour éloigner la grande peste du Crunch de ses meilleurs éléments.

Est-ce flatteur de recevoir autant d’attention, Gabriel?

« J’ai assez de m’occuper des commentaires d’un coach. T’as jamais joué pour Ben toi, hein? », répond Dumont, dérogeant un instant de son air sérieux pour dévoiler un radieux sourire troué.

« On a une excellente équipe de hockey avec quatre lignes qui sont capables de jouer contre n’importe qui. Je ne suis pas nerveux. Et puis tu parles des deux prochains matchs, mais pour nous c’est juste le prochain qui compte. La première période, le premier shift. C’est comme ça qu’il faut aborder ça. On ne peut pas faire grand-chose pour tout le bruit autour. »