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Hämeenlinna, le détour de Michaël Joly

Michaël Joly Michaël Joly - HPK Hämeenlinna
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Mise à jour

MONTRÉAL – Le soleil ne veille pas tard à Hämeenlinna à ce temps-ci de l'année. Levé à 9 h 30, couché à 15 h. Près de 20 heures par jour, les quelque 68 000 habitants de cette ville finlandaise sont plongés dans le noir.

Rien pour démoraliser Michaël Joly, l'un d'entre eux, toutefois.

« Moi, je suis un gars bien simple », relativisait l'ancienne gloire de l'Océanic de Rimouski la semaine dernière, peu après avoir pris l'appel du RDS.ca à la lueur du crépuscule. « Comme tu vois, tu m'appelles et je suis avec le chien dehors. »

Kovu, son Golden Retriever de 4 ans, a besoin de courir. Dans les forêts de cette municipalité située à une heure de route au nord d'Helsinki, il a le terrain de jeu rêvé pour se défouler. Le maître, lui, y trouve un lieu pour décanter. Respirer entre deux matchs du HPK Hämeenlinna.

« Il court partout, je n'ai pas besoin de lui mettre une laisse. Je pars généralement pour une heure, une heure et demie. Je reviens, je relaxe. »

Joly, un attaquant gatinois de 27 ans, s'est habitué au mode de vie scandinave. Après le choc du dépaysement que sa conjointe et lui ont encaissé à leur arrivée l'an dernier, alors que tout leur semblait si différent de la maison, ils s'y sont fait et ont réalisé que finalement, « ce n'est pas si différent ».

« La vie, ici, c'est simple. [...] Si tu commences une carrière en Europe pour te faire un bon C.V., la Finlande c'est une bonne place. »

« Je m'en vais d'icitte »

Encore aujourd'hui, Joly ne sait trop comment il a abouti dans le vestiaire du HPK Hämeenlinna, un club de la Liiga, première division finlandaise.

« C'est eux autres qui ont contacté mon agent », suppose-t-il.

C'était au printemps 2021, au terme d'une campagne complétée à contrecœur dans l'ECHL. Mis sous contrat en janvier par les Penguins de Wilkes-Barre/Scranton, club-école des Penguins de Pittsburgh dans la Ligue américaine (LAH), Joly pensait bien poursuivre sa carrière dans le circuit où il avait jusque-là passé la majorité de son hockey professionnel.

Il n'y a joué que trois matchs.

Avec la COVID-19 qui privait les clubs de la LAH de séries éliminatoires, plusieurs d'entre eux comme les Penguins ont été forcés de revoir leurs priorités.

« Ils n'allaient pas développer un gars de 25 ans qui était juste sur un contrat de la Ligue américaine. Ils allaient développer leurs joueurs sous contrat [dans la LNH] et leurs espoirs. Je jouais une game sur quatre. Ils ne m'ont pas vraiment donné de chance. J'ai pris ça tough, ç'a été dur. »

Cédé aux Nailers de Wheeling dans l'ECHL, où il s'était « promis de ne jamais retourner » après avoir aidé les Eagles du Colorado à remporter le championnat du circuit en 2018 et été couronné joueur par excellence des séries, Joly a joué 20 matchs en Virginie-Occidentale avant d'être échangé aux Solar Bears d'Orlando.

« Après cette année-là, être redescendu dans la Coast, je me suis dit c'est fini, je m'en vais d'icitte, c'est ridicule. Il faut que je prenne un chemin différent pour ma carrière. Il y en a qui se disent qu'ils sont tannés et qu'ils s'en vont en Europe pour vivre la belle vie. Ce n'est pas nécessairement ce que je veux. Je veux essayer quand même de me rendre dans la LNH, mais par un chemin différent et peut-être plus long. »

L'allié parfait

Avant son arrivée à Hämeenlinna, Joly n'avait aucune idée de « comment ça marchait l'Europe ». Il était familier avec la KHL, oui, mais pas avec la meilleure ligue finlandaise.

« Ça patine et ça travaille fort », a-t-il vite réalisé en jouant les premiers matchs de son contrat d'un an. « Et ça frappe plus qu'on pense. Pas frapper pour frapper, mais frapper parce que ça veut la puck. Ça veut jouer, ça travaille fort. Et les matchs sont serrés. »

Joly, un attaquant réputé pour ses habiletés en possession de rondelle, a d'abord eu besoin de « deux ou trois mois » pour s'adapter au style de jeu défensif préconisé dans la Liiga. « Savoir quand tirer et quand passer, au début je n'étais pas bien, bien confiant. »

Le Québécois s'est néanmoins vite emparé du casque d'or porté par le meilleur pointeur de chaque équipe de la Liiga. Avec quatre buts et trois passes à sa fiche au terme de ses six premiers matchs, l'acclimatation suivait son cours quand, à sa surprise, il a appris qu'il allait regarder le match du 2 octobre assis dans les estrades. Matti Tiilikainen, l'entraîneur-chef, avait un message à passer.

« Il voulait montrer à l'équipe que parce que ça n'allait pas bien, il n'avait pas peur de laisser n'importe qui de côté. »

Le lendemain, Tiilikainen était congédié.

En Jarno Pikkarainen, son successeur, Joly a trouvé l'allié parfait. Celui qui l'envoie sur la patinoire pour faire la différence, fabriquer ou marquer le gros but.

« C'est de ça que j'ai besoin, un gars qui me fait confiance comme ça. Ça me donne le goût de jouer, c'est ce qui fait que je deviens encore meilleur. »

Michaël Joly

Avant même de conclure la saison avec la meilleure récolte de points de son équipe et la quatrième du circuit (21 buts et 50 points en 58 matchs), Joly a donc décidé dès le mois de janvier de signer une prolongation de contrat d'un an.

« C'est dur d'avoir un bon coach de ton côté au hockey. Si tu en as un de bon qui peut te permettre l'année d'après d'obtenir un meilleur contrat, tu restes à ses côtés. Il me fait jouer tout le temps et il a confiance en moi. Je joue entre 20 à 25 minutes par match (20:45 en moyenne cette saison, NDLR), c'est beaucoup pour un attaquant. »

S'il était Finlandais...

Cette saison, Joly n'a patienté que deux matchs avant de reprendre possession de son casque doré. Il n'en a pas mis d'autre depuis.

Avec 12 buts et 19 passes en 32 rencontres, le spectaculaire ailier droit occupe le cinquième rang des meilleurs pointeurs de la Liiga, à trois longueurs du premier rang. Un brio qui ne passe pas inaperçu et qui a notamment attiré l'attention de l'entraîneur-chef de l'équipe nationale finlandaise, Jukka Jalonen, médaillé d'or aux derniers Olympiques.

« Si Michaël Joly était Finlandais, il serait définitivement sur l'équipe nationale », a-t-il osé avancer dans une entrevue accordée à un journal finlandais en septembre dernier.

« Joly est un joueur exceptionnel en possession de la rondelle. La façon dont il la conserve, qu'il la passe ou qu'il marque des buts, c'est exceptionnel », a développé Jalonen, estimant au passage que Joly a les « qualités d'un joueur de la LNH ».

Joly affirme avoir été flatté par les bons mots de Jalonen, qu'il a d'ailleurs rencontré en début d'année.

« C'est correct qu'il ait dit ça. Le monde va commencer à parler de moi, mon nom va commencer à sortir plus. Le monde va réaliser que je suis capable de jouer au hockey, que je suis bon. [...] Mais je ne m'arrête pas à ça. »

Joly, qui ne risque pas d'être de retour à Hämeenlinna la saison prochaine, a encore 28 matchs et probablement des séries éliminatoires devant lui pour convaincre un club de la KHL ou de la Suède de lui offrir un tremplin sur lequel il pourrait sauter pour atterrir un jour dans la LNH.

« Je suis capable d'être un des meilleurs dans la ligue et je sais que je le montre en ce moment. Je vais le montrer jusqu'à la fin de l'année. »