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Kristin O'Neill, le prototype parfait du projet montréalais

Kristin O'Neill Kristin O'Neill - Vincent Ethier
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MONTRÉAL – La défenseuse de l'équipe nationale canadienne Jaime Bourbonnais la décrit comme « l'une des patineuses les plus rapides » au monde. Son entraîneur à l'Université Cornell, Doug Derraugh, l'a nommée capitaine dès sa deuxième saison sur le campus. Sa mère, à la blague, raconte qu'elle a pu déceler sa propension à toujours vouloir se dépasser avant même qu'elle prononce ses premiers mots.

Sonder l'entourage de Kristin O'Neill, c'est voir toutes les pièces du casse-tête se mouvoir au bon endroit et comprendre pourquoi Montréal a utilisé le septième choix du repêchage de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) pour la greffer à son projet.

Un mois avant le début du camp d'entraînement, dans une entrevue publiée dans ces pages, l'entraîneuse-chef Kori Cheverie expliquait en ces termes la philosophie derrière la stratégie du club en vue du repêchage : « On voulait miser sur une équipe offensive et donc nous avons repêché en conséquence. On croit aussi qu'on aura beaucoup de leadership dans le vestiaire. On a des joueuses qui sont prêtes à profiter des installations qu'elles auront à leur disposition pour travailler avec acharnement. La condition physique sera un aspect très important dans une ligue de ce calibre. »

O'Neill coche toutes ces cases, et bien d'autres, à l'encre foncé.

Benjamine d'une fratrie de quatre filles élevée dans la banlieue de Toronto, la petite boule d'énergie recrutée par la directrice générale Danièle Sauvageau s'est initiée au hockey pour suivre sa sœur aînée. Elle approuve lorsqu'on lui suggère que ses fréquentations plus âgées ont probablement forgé son caractère dès l'enfance.

« Ça a toujours fait rire ma mère, confiait O'Neill après un entraînement au Centre 21.02 de Verdun cette semaine. Elle raconte souvent que ça m'a pris du temps avant de parler, mais qu'elle n'a jamais cru que c'était un problème parce que mes actions lui donnaient toutes les raisons de croire que je comprenais ce qui se passait. Selon elle, j'avais la compétition dans le sang avant même de pouvoir parler. »

Plusieurs années plus tard, Derraugh dira de son ancienne joueuse qu'elle personnifie à la perfection une devise qui lui est chère : « "bien fait" vaut mieux que "bien dit" ». Plutôt timide de nature, O'Neill devient un fauve libéré de ses chaînes une fois qu'elle a des lames aux pieds. Ses adversaires en paient évidemment le gros prix, mais il arrive aussi que ses coéquipières héritent d'une partie de la facture. Dans les entraînements comme dans les matchs, l'attaquante de 5 pieds 4 pouces relâche rarement la pression de l'accélérateur.

Cette combativité peut à l'occasion provoquer des prises de bec, confirme-t-elle avec un sourire espiègle. « Particulièrement avec les autres joueuses de centre, on se parlait souvent dans le blanc des yeux. Mes intentions étaient toujours bonnes par contre. »

Cette attitude l'a aidée à bâtir une réputation qui la précède maintenant partout où elle passe. C'est aussi ce qui lui a permis de faire sa place au sein de l'équipe nationale canadienne, atteste Derraugh, qui y occupe un rôle d'entraîneur-adjoint.

« À ses premières convocations, les joueuses plus âgées ne se gênaient pas pour tester ses limites. Je ne dis pas qu'elles appréciaient la façon dont elle répliquait, mais avec le temps ça lui a certainement permis de gagner leur respect et de devenir une des leurs. »

Une force de la nature

Adolescente, O'Neill pratiquait l'athlétisme comme spécialiste du 800 mètres et du 1500 mètres. En acceptant la bourse d'études de Cornell à sa sortie de l'école secondaire, elle projetait d'ailleurs d'y combiner ses deux passions. Elle a finalement abandonné l'idée, la jugeant irréconciliable avec le rôle de meneuse qu'on voulait lui confier à l'aréna.

Ses prouesses sur le bitume, adaptées au sport qu'elle a choisi de prioriser, l'aident maintenant à maintenir une forme physique hors-norme. Personne n'a été surpris d'apprendre qu'elle a dominé le test d'endurance auquel ont été soumises les joueuses montréalaises au début du camp d'entraînement.

« Elle est probablement la personne la plus en forme que je connaisse, estime Bourbonnais, une amie d'enfance. À Cornell, chaque saison commençait par une journée de tests physiques. On avait des standards à atteindre, mais l'école a dû les revoir à la hausse parce que Kristin les détruisait un après l'autre. Elle est tellement forte, tellement puissante. Quand on dit que le travail dans l'ombre est payant, elle en est l'exemple parfait. »

Derraugh s'est souvent levé aux aurores pour accompagner sa protégée sur la glace avant le début des cours. « Il n'y avait pas d'entraînement à l'horaire, mais elle tenait à se présenter pour peaufiner un aspect ou l'autre de son jeu. Elle se pointait ensuite aux pratiques et tout le monde voyait qu'elle avait une longueur d'avance sur les autres. Ça lui a pris un petit moment avant de trouver sa voix, mais son éthique de travail crevait les yeux et nous impressionnait tous. »

O'Neill a terminé sa carrière universitaire avec 145 points en 125 matchs. Mais c'est la liste des choses qu'elle accomplissait en périphérie qui capte l'attention. À sa première saison, elle a gagné plus de mises en jeu que n'importe quelle autre recrue de la conférence ECAC. « On avait énormément de jeux préparés sur les mises en jeu, probablement parce qu'on savait que Kristin les gagnerait toutes », rigole Bourbonnais. Elle a aussi établi un record d'équipe pour une attaquante en bloquant 46 lancers.

Après seulement deux saisons, elle avait brisé un autre record d'équipe avec neuf buts en désavantage numérique. Cette volonté de vouloir exceller dans des missions défensives est un autre aspect de sa personnalité qui a marqué Doug Derraugh.

« La plupart des joueuses viennent demander du temps de glace sur l'avantage numérique. Elles sont plus rares celles qui retirent autant de satisfaction à jouer en défensive. Mais Kristin adorait le désavantage numérique. Elle adorait accomplir les petites choses qui ne se voyaient pas sur la feuille de match. »

« Oui, le désavantage numérique est un bon contexte pour utiliser ma vitesse ou mon agressivité en échec-avant. Ces qualités me servent bien, mais je pense que c'est avant tout une question de mentalité, propose O'Neill. Pour moi, un bon "PK" peut donner autant de momentum, si ce n'est pas plus, qu'un jeu de puissance productif. Il n'y a rien de mieux que de briser les reins d'un adversaire qui se croyait en position de force. »

Ce genre de discours a longtemps rassuré Jaime Bourbonnais qui, en plus de représenter son pays aux côtés de sa vieille complice, l'a côtoyée pendant quatre ans à Cornell et a partagé le même vestiaire à Montréal entre 2020 et 2022. Aujourd'hui, des mots comme ceux-là sont matière à lui foutre un peu la trouille. Repêchée par l'équipe de New York, elle retrouvera cette saison son amie de l'autre côté de la ligne rouge.  

« C'est quelqu'un que tu veux dans ton camp, ça c'est sûr. Tu ne veux jamais jouer contre Kristin O'Neill, alors je suis un peu nerveuse pour ce qui s'en vient! », s'esclaffe la défenseuse.