MONTRÉAL – « Tant que tu ne te préoccupes pas de ton jeu défensif, tu ne joues pas. »

C’était le 19 septembre dernier. La saison n’avait beau être vieille que d’une semaine pour les Sea Dogs de Saint John, la patience de l’entraîneur-chef Ross Yates à l’égard de Thomas Chabot avait déjà atteint sa limite. 

C’est qu’après deux matchs seulement, le prometteur défenseur de 17 ans s’était retrouvé sur la patinoire pour quatre des sept buts alloués jusque-là par les siens et affichait un différentiel de moins-3.

Match inaugural ou pas au Harbour Station, Chabot allait donc être rayé de la formation pour la première fois de sa carrière junior majeur.

« Il trichait beaucoup trop défensivement et je revoyais le joueur qui, un an plus tôt, ne portait pas attention à cette phase de son jeu. Je lui ai alors fait savoir que cette année, on n’allait pas tolérer ça », raconte Yates, qui a choisi de sévir même si Chabot attendait la visite de sa famille.

 « J’y ai songé un instant, mais si je voulais me faire comprendre, c’était maintenant ou jamais », raisonne-t-il.

À contrecœur, Chabot a donc dû téléphoner à la maison pour prévenir ses parents, ses grands-parents, son parrain, sa marraine et son frère qu’il valait mieux ne pas faire l’aller-retour.

« Je frappais un mur », reconnaît aujourd’hui Chabot.

À la dure, le défenseur apprenait donc qu’à compter de maintenant, il n’allait pas jouir des mêmes libertés qu’à sa saison recrue.

« Il avait 16 ans l’an dernier et évoluait au sein d’une mauvaise équipe, ce qui a néanmoins été profitable pour lui, estime Yates. Il a obtenu une tonne de temps de glace et il jouait sur le jeu de puissance constamment. Puisque c’était une saison de développement pour nous, on continuait de le faire jouer même s’il commettait des erreurs. »

À son retour au boulot en septembre, Chabot a vite repris les mauvais plis qui l’avaient conduit à un différentiel de moins-29 au terme sa première campagne dans le circuit Courteau.

« Je jouais comme je le fais avec mes chums l’été. Pas trop intense, je prenais ça plus relax en défense et je pensais davantage à me porter en attaque. Ross me l’a vite fait réaliser. »

La pénitence de Chabot n’aura finalement tenu que 24 heures. Le lendemain soir à Halifax, il amassait une mention d’aide et avait les deux fesses sur le banc lors de chacun des cinq buts marqués par les Mooseheads dans un gain de 6-5 arraché en prolongation.

« Depuis ce jour (où il a été retiré de la formation), Thomas en a fait une affaire de cœur et a travaillé dur à améliorer son jeu défensif, observe Yates. Si seulement c’était aussi facile avec tous les joueurs… Il faut lui rendre crédit, il ne s’est jamais laissé abattre. »

Tellement, que Chabot est le meilleur espoir québécois en vue du prochain repêchage de la LNH selon la Centrale de recrutement.

Coté « B » à la fin novembre, c’est-à-dire susceptible d’être appelé en deuxième ou troisième rondes, Chabot occupe désormais le 15e échelon parmi les patineurs nord-américains les plus prometteurs.

« Un wake-up call »

Deuxième défenseur le plus productif des Sea Dogs en 2013-2014 avec 23 points (1 but et 22 passes), Chabot n’a rien perdu de ses habiletés. Fort d’une récolte 9 buts et 22 mentions d’aide en 53 rencontres, le hockeyeur natif de Sainte-Marie-de-Beauce mène l’escouade défensive des Sea Dogs sur le plan offensif.

« J’aime patiner avec la rondelle et c’est rare que je m’en débarrasse », résume Chabot.

Thomas Chabot

« Il est si calme en possession de la rondelle. C’est extraordinaire pour un joueur de 17 ans », confirme son entraîneur.

Mieux encore, le défenseur de 6 pieds 2 pouces et 179 livres offre un rendement de plus-12, ce qui n’est pas sans réjouir le patron derrière le banc.

« On n’a jamais eu à débattre, ne serait-ce qu’une seule seconde, de la possibilité de le rayer de la formation à nouveau. […] Sa progression est énorme depuis l’an passé, spécialement dans son propre territoire », analyse Yates.

Si bien que Chabot joue maintenant un rôle de premier plan au sein d’un jeune groupe de défenseurs qui comprend notamment trois arrières de 17 ans et un de 16 ans.

« L’échange d’Olivier Leblanc et la blessure de Jakub Zboril ont permis à Thomas de grimper dans la hiérarchie. Il affronte présentement les meilleurs trios adverses, en plus de jouer en désavantage numérique. Son rôle est beaucoup plus grand qu’il ne l’était avant Noël », signale Yates.

Plus responsable, plus mature et plus offensif, Chabot récolte donc les dividendes d’une soirée passée dans les estrades.

« C’était un wake-up call , convient-il. Je me suis retroussé les manches et j’ai mis les chances de mon côté, sachant que je peux faire quelque chose de bien avec ma carrière. »

Ça, Yates l’a toujours su.

« Lors de notre rencontre de fin de saison l’an passé, je lui ai rappelé que s’il se dévouait à la tâche quotidiennement, il pouvait devenir un choix de premier tour dans la LNH. Je le croyais à ce moment et j’en suis maintenant convaincu. »