VICTORIAVILLE – Dix-sept. C’est l’âge qu’avait Jeffrey Truchon-Viel quand il a été échangé au Titan d’Acadie-Bathurst après sa première année d’admissibilité dans la LHJMQ, à l’été 2014. C’est aussi le nombre de victoires que sa nouvelle équipe a obtenues dans l’année qui a suivi.

Pendant qu’il ajustait pour la première fois sa montre au fuseau horaire des Maritimes, Viel a aussi reçu l’heure juste du directeur général Sylvain Couturier et de l’entraîneur-chef Mario Pouliot. Son arrivée correspondait avec le déclenchement d’un cycle de reconstruction. Ses patrons voyaient en lui un élément important du projet, mais pour qu’il soit témoin de sa concrétisation, la patience serait de mise.  

En 2014-2015, le Titan a franchi le fil d’arrivée à 19 points d’une place en séries. L’équipe a marqué un but ou moins dans près de la moitié de ses parties. Son meilleur marqueur a terminé la saison avec 45 points.

« À chaque match qu’on se présentait, on voulait juste travailler le plus fort qu’on pouvait, mais ce n’était pas facile, manger des volées à chaque match », se remémore l’ancien choix de quatrième ronde du Phoenix de Sherbrooke.

Viel jure ne jamais avoir été tenté de demander un changement de décor. « Je voulais rester, je voulais en faire partie », dit-il au sujet de sa longue traversée du désert. Et mercredi soir, il se disait qu’il avait enfin été récompensé pour sa loyauté. Avec Jordan Maher, Elijah Francis et Samuel L’Italien, il était l’un des quatre membres « fondateurs » du Titan qui célébraient la qualification de l’équipe à la grande finale des séries de la LHJMQ.

« C’est pour ça que j’ai un gros sourire aux lèvres en ce moment, reconnaissait-il dans les coulisses du Colisée Desjardins après que le Titan eut complété le balayage des Tigres de Victoriaville. On ne l’a pas eu facile quand on est arrivés avec l’organisation, mais on l’a vraiment vu grandir. C’est de ça dont je suis le plus fier présentement. C’est notre tour, maintenant. »

En observant l’ouragan Viel déferler sur le circuit Courteau depuis le début des présentes séries, on comprend que le natif de Rimouski attendait ce moment depuis longtemps. Après trois rondes de durs labeurs, l’ailier gauche est installé au troisième rang du classement des pointeurs du tournoi, derrière Drake Batherson et Alexandre Alain de l’Armada de Blainville-Boisbriand. Il domine aussi la Ligue au chapitre des tirs au but (76), des tirs cadrés (44) et des pénalités mineures purgées (13).

De plus, dans le match qui a mené à l’extinction des Tigres, Viel a réussi son cinquième but gagnant du printemps. S’il conserve son flair pour les grandes occasions en finale, il pourrait flirter avec le record de sept établi par Martins Karsums, des Wildcats de Moncton, lors des séries de 2006.

« Il est fait pour les séries éliminatoires, étiquette Mario Pouliot. C’est un gars qui se distingue toujours dans les moments importants. Quand je regarde ses quatre saisons avec nous, il a marqué au-dessus de 30 buts à ses trois dernières et il me semble que ce sont toujours des buts importants. »

Portrait-robot d’un homme en mission

La formule du succès de Jeffrey Truchon-Viel n’a rien de magique. Utilisons sa performance de trois points dans le quatrième match contre les Tigres comme laboratoire pour la décortiquer.

- À la sixième minute de la première période, Viel va se positionner dans l’enclave après une mise en jeu remportée par le Titan en zone offensive. Le tir de la pointe de Noah Dobson est haut, assez pour inciter les officiels à consulter la reprise vidéo, mais Viel, même s’il a sur le dos le défenseur de 6 pieds 7 pouces Andrew Smith, réussit à en modifier habilement la trajectoire. Le gardien Étienne Montpetit n’est pas déjoué, mais il n’y voit plus clair lorsque Samuel Asselin prend le retour. 1-0 Titan.

- À la quatrième minute de la deuxième période, Viel entre en zone adverse en 2-contre-1 avec Asselin. La passe de ce dernier est interceptée devant le but, mais la tentative de dégagement du défenseur Jérémie Beaudin ne franchit pas la ligne bleue. Elijah Francis renvoie le disque vers le but. Les deux pieds à l’orée du demi-cercle du gardien, Viel fait dévier. 2-1 Titan.

- À la onzième minute de la troisième période, Viel est le troisième homme dans une entrée de zone initiée par Antoine Morand et Ethan Crossman. Coincé dans le coin de la patinoire, Morand envoie la rondelle en zone dangereuse. Celui-ci dévie sur le patin de Crossman et est repoussé par Montpetit. Viel arrive dans le trafic et prend trois lancers. Son dernier fait son chemin dans le fond du but. 4-2 Titan.

« Il a toujours été le gars qui frappe et qui va se placer devant le but, atteste son entraîneur. Mais là, il joue son meilleur hockey si je pense à ses décisions avec la rondelle, à la façon dont il utilise son physique, à sa vitesse et à sa capacité à bouger la rondelle pour créer des chances dans le bas de zone. Il joue réellement du bon hockey présentement. »

« Le meilleur power forward de la Ligue »

Viel est bien plus que la saveur du mois. À ses trois dernières saisons, il a marqué 33, 35 et 39 buts et durant chacune de ses quatre saisons complètes dans la LHJMQ, il a franchi le cap des 100 minutes de pénalité. Mais l’ardeur au travail que l’on retrouve dans son ADN, celle qui lui permet d’être si efficace, ne l’a pas toujours bien servi.

« Ça a été un travail au début de l’amener à faire les choses comme on voulait qu’elles soient faites », relate vaguement Mario Pouliot. À peine plus clair, Sylvain Couturier ajoute : « C’est un gars qui n’a jamais eu froid aux yeux et au début, il en donnait peut-être un peu trop de ce côté-là. »

Concrètement, ça veut dire quoi? Cette réponse-là aussi est venue mercredi soir à Victoriaville. Au début de la troisième période, alors que son équipe se défendait déjà à court d’un homme, Viel s’est engagé dans une lutte pour la rondelle avec Maxime Comtois. Quand la rondelle est partie, les deux joueurs ont continué d’en découdre jusqu’à ce que Viel perde la carte et assène un violent coup de bâton à son adversaire. Le Titan, qui s’accrochait alors à une fragile avance d’un but, a dû se battre à 3-contre-5 pendant 41 secondes en raison de l’indiscipline de son capitaine.

Dans le passé, de tels excès de colère ont valu à Viel plusieurs visites dans le bureau de son entraîneur, mais son entourage a remarqué une nette amélioration au fil des années. En guise d’exemple, Pouliot repense à deux séquences tirées du deuxième match contre les Tigres où son joueur de 20 ans a reçu un double-échec en plein visage sans répliquer.

« Au début, je voulais tellement trop que je prenais des punitions stupides, admet sans se défiler le numéro 25. Écoute, j’en prends encore aujourd’hui, j’en ai pogné une aujourd’hui.  C’est sûr que c’est encore une chose que j’ai à travailler. Depuis le début de ma carrière, je me suis amélioré là-dessus, mais il y a encore du travail à faire. »

Du travail à faire, peut-être. Mais alors que son équipe n’est plus qu’à quatre victoires de soulever la Coupe du Président, Sylvain Couturier va vivre avec les petits défauts de Jeffrey Truchon-Viel sans aucun problème si la somme de ses qualités continue de les laisser dans l’ombre.

« Depuis les deux ou trois dernières années, c’est un gars qui m’impressionne par sa maturité. Pour moi, c’est probablement le meilleur power forward qu’il y a eu dans la Ligue au cours de cette période. Il se présente à tous les soirs, on sait exactement ce qu’il va nous donner. Il n’y a plus grand-chose à dire dans le cas de Jeff. Il a fait tout ce qu’il avait à faire dans sa carrière junior. Maintenant, il joue comme un gars qui est en mission et c’est exactement ça qu’on veut. »​