MONTRÉAL – Alors que s’achève le premier mois de sa troisième saison dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec, Alexis Lafrenière suit le rythme imposé avant lui par les plus beaux espoirs des vingt dernières années dans le circuit Courteau.

 

Les chiffres, mis en lumière en début de semaine par le collègue Stéphane Leroux, sont éloquents. Après les dix premiers matchs de sa première année d’admissibilité au repêchage de la LNH, Sidney Crosby avait déjà amassé 27 points. Au même âge, Vincent Lecavalier avait, quelques années plus tôt, atteint le même jalon avec 26 points à sa fiche.

 

Avant d’affronter le Drakkar de Baie-Comeau mercredi, Lafrenière avait quant à lui accumulé 25 points en 10 matchs, un début de saison étincelant qui lui permet de se comparer avantageusement à de prestigieux prédécesseurs.

 

 

« Ce ne sont pas des choses que je regarde. Je n’ai même pas Twitter, répond sobrement le jeune surdoué de l’Océanic de Rimouski lorsque les chiffres lui sont présentés. C’est toujours spécial de pouvoir être mentionné dans la même discussion que des gars comme ça, mais je ne me compare vraiment pas à eux. J’essaie juste d’être moi-même et d’être le meilleur joueur possible. »

 

« C’est lui, ça », répond Serge Beausoleil sur un ton satisfait lorsque lui est transmise la réponse de son protégé.

 

« C’est ce que je veux dire quand je dis qu’il prend beaucoup de recul par rapport à sa situation et qu’il est très pragmatique dans ce qu’il fait. Oui, c’est un jeune bien de son temps, mais en même temps il essaie d’éviter toutes ces turbulences-là qui l’amèneraient ailleurs. »

 

Joint par RDS moins d’une semaine après avoir célébré son 18e anniversaire de naissance, Lafrenière parle comme un gars qui a vu neiger, ce qui s’explique probablement par le fait... qu’il a vu neiger. Considéré depuis au moins deux ans comme le plus bel espoir en vue du repêchage de la LNH de 2020, la gestion de l’attention et la pression qui accompagnent cette distinction font partie de son quotidien. Et malgré la chaleur des projecteurs, il a mis en banque 215 points en 141 matchs, séries éliminatoires incluses, à ses deux premières années dans le Bas-du-Fleuve.

 

Mais même selon ses propres standards, le jeune homme originaire de St-Eustache connaît un début de saison fumant. S’il maintient la cadence, il deviendra le premier joueur de la LHJMQ à inscrire 150 points dans une saison depuis Alexander Radulov en 2005-2006.

 

Radulov avait réussi l’exploit deux ans après avoir été un choix de première ronde des Predators de Nashville. Lafrenière, lui, ne sera pas repêché avant le mois de juin.

 

« Les attentes sont omniprésentes, constate Beausoleil. Pour lui, c’est de mettre tout ça en contexte et d’essayer de garder ça dans le présent pour éviter de se projeter dans des choses qu’il ne contrôle pas. Les choses vont arriver par elles-mêmes. Il met toutes ses énergies à contrôler chacun de ses matchs, chacune des présences qu’il fait sur la glace. Je pense qu’en découpant ça de façon aussi logique, il arrive à rester rationnel et à éviter de sombrer dans les sphères qu’il ne contrôle pas et qui amènent juste plus de pression et de négativisme. »

 

Le meilleur trio au Canada

 

Lafrenière pousse les concepts d’humilité et de solidarité qui sont tant valorisés dans le monde du hockey à leurs extrêmes. Quand on lui demande d’évaluer son début de saison, il impute son succès au travail de ses compagnons de trio, Cédric Paré et Dmitry Zavgorodniy. Quand on lui demande d’énumérer les buts qu’il s’est fixés, sa liste n’en contient qu’un : gagner la Coupe du Président.

 

Si la profondeur de l’Océanic représente présentement un obstacle à l’atteinte de l’ultime objectif collectif, iI est vrai que Lafrenière et ses nouveaux partenaires de jeu font des ravages. Jeudi, à Baie-Comeau, ils ont amassé un total de 15 points dans une victoire de 9-2. Les trois monopolisent le classement des compteurs de la Ligue canadienne au grand complet.

 

Mais Paré, qui n’est qu’à trois buts d’égaler son sommet en carrière, et Zavgorodniy, un choix de septième ronde des Flames de Calgary, seraient sans doute les premiers à admettre que leur ailier gauche a son grand mot à dire dans leurs succès.Alexis Lafrenière

 

« On a beau essayer de faire des projections et remplir des cases sur un tableau, je pense qu’il faut faire confiance à la game, croit Beausoleil. N’importe quel entraîneur qui a vu neiger un peu va être capable de voir la connivence qu’il peut y avoir entre les joueurs. Ça s’est fait tout naturellement, je te dirais. Zavgorodny est arrivé à une semaine du début de la saison. On avait ça en tête, de le mettre à droite. Il y avait aussi [Adam] Raska. Mais on a mis les gars sur la glace et quand on a vu que le gâteau levait, je ne me suis plus posé de questions. »

 

Avec 14 buts en onze matchs, Paré est jusqu’ici le franc-tireur de l’unité, mais on remarque chez Lafrenière une tendance à utiliser davantage son tir que par le passé. Au rythme où vont les choses, il flirtera avec le plateau des 50 buts s’il est en mesure de disputer une soixantaine de parties.

 

« Il a un tir dévastateur, il ne l’emploie pas souvent, observe Beausoleil. L’affaire, c’est qu’il a tellement une capacité à repérer les ouvertures pour ses coéquipiers que ça met cette force un peu au second plan. Mais c’est aussi une menace et je pense que depuis le début de l’année, il l’équilibre un peu plus. Il prend plus de tirs, il essaie d’utiliser cette arme-là aussi à bon escient. »

 

Blanchi dans le premier match de la saison, Lafrenière a récolté au moins un point dans les dix suivants. Il égalerait une marque personnelle s’il prolongeait sa séquence vendredi soir à Québec.

 

« Jusqu’à maintenant, on sent qu’il amène le match à un autre niveau », résume son entraîneur.