Passer au contenu principal

Liam Soulière : le bonheur d'un Québécois à Happy Valley

Liam Soulière Liam Soulière - Penn State/Craig Houtz
Publié
Mise à jour

MONTRÉAL – Tout a commencé par un coup de téléphone. Liam Soulière voulait jouer à Penn State. Il a appelé à Penn State.

L'occasion était trop belle. Guy Gadowsky, l'entraîneur-chef de longue date des Nittany Lions, avait besoin d'un gardien après qu'une recrue lui ait fait faux-bond. Le Québécois était une solution de rechange aussi viable que pratique, a-t-il alors osé lui proposer.

À ce moment portier des Braves de Brockville dans la CCHL, une ligue junior A opérant dans l'est de l'Ontario, Soulière avait pour coéquipier Simon Mack, un défenseur recruté par Penn State depuis longtemps déjà.

« Quand vous allez venir le voir jouer, gardez un œil sur moi », se souvient d'avoir suggéré Soulière à Gadowsky à l'automne 2018.

« Le coach a dit : "OK, on va voir ça, merci pour l'appel". Rien de plus. »

Ce n'était pas un non. La porte était entrouverte et Soulière s'est aussitôt permis de rêver. Sur YouTube, il a visionné un après l'autre les vidéos de la série This is Hockey Valley, une incursion dans le quotidien des joueurs de hockey séjournant à Happy Valley, le surnom donné à la région où se situe l'Université Penn State.   

« Il doit y avoir 80 vidéos. Je peux dire que ça m'a pris une semaine à regarder les 80 vidéos.

« C'est comme quand un enfant veut un jouet, il va en parler à tous les jours. Je n'en parlais pas à tous les jours, mais dans ma tête, c'est la seule affaire à laquelle je pensais. »

Quand des membres du personnel d'entraîneurs de Penn State se sont pointés à Brockville, Soulière avait jumelé l'audace de son appel à un départ canon. Au terme du premier mois du calendrier, il montrait un taux d'efficacité surréel de 0,964 et une moyenne de buts alloués tout aussi hallucinante de 0,99 en sept matchs. Au moment de sa visite officielle sur le campus de la Pennsylvanie, sa fiche était de 12-0-0-0, son taux d'arrêt s'élevait à ,951 et sa moyenne à 1,40. Cinq mois plus tard, il était nommé gardien de l'année dans la CCHL.

« Avec le départ que j'ai eu à Brockville, j'ai eu de l'intérêt d'autres équipes, mais Penn State était ma deuxième offre. Je l'ai pris sur le spot », raconte Soulière, qui affirme avoir été également courtisé par l'Université Lake Superior State.

« J'ai pris celle qui m'intéressait le plus dès le départ. »

***

Dans le Big Ten, la conférence dans laquelle luttent les Nittany Lions, Soulière a l'occasion depuis trois saisons de se mesurer avec régularité à ce que le hockey de la NCAA a de mieux à offrir. Les Wolverines de Michigan, les Gophers de Minnesota, les Buckeyes d'Ohio State, les Fighting Irish de Notre-Dame, les Badgers de Wisconsin... Mais aussi de futurs joyaux de la LNH.

« À ma première année, il y avait Cole Caufield et j'ai joué contre lui », cite-t-il en exemple.

C'était à son deuxième départ en carrière dans la NCAA, en 2020-2021, alors que la jeune vedette du Canadien avait réussi un tour du chapeau dans une victoire de 7-3 des Badgers. « Le troisième [but], c'était dans un filet désert », s'empresse de noter Soulière, amusé.

« Je vais aller dans ma tombe avec ça. Il en a juste scoré deux contre moi. »

Cette année, ce sont les lancers d'Adam Fantilli, le principal rival de Connor Bedard en vue du repêchage de la LNH, de Luke Hughes et de Logan Cooley, deux choix de première ronde, que Soulière a entre autres le mandat de repousser. Et il le fait avec efficacité et brio.

Sa moyenne de buts alloués de 1,81 en 10 départs est la meilleure du Big Ten, alors que son taux d'efficacité de ,932 le place au deuxième rang d'une des conférences les plus compétitives de la NCAA. Entre le 28 octobre et le 5 novembre, il a connu une séquence de 184:55 minutes sans accorder de but, signant notamment un jeu blanc de 3-0 contre Fantilli et Hughes des Wolverines de l'Université Michigan, alors classés no 1 au pays.

Liam Soulière

Le lendemain, Penn State a comblé un déficit de 0-3 en 3e période contre ces mêmes Wolverines, avant que Fantilli ne leur inflige leur premier revers de la saison en marquant en prolongation.

« Il y avait eu beaucoup de murmures à l'effet qu'on n'avait pas encore joué contre de grosses équipes. [...] Mais juste de battre l'équipe no 1, et de la façon qu'on l'a fait, ç'a vraiment donné beaucoup d'espoir aux étudiants et aux fans. »

Cinq jours à peine après la conclusion de cette série de deux matchs contre Michigan, Penn State a remis ça la semaine dernière. Alors classés no 8 au pays après avoir amorcé la saison à l'extérieur des premiers classements nationaux compilés par USCHO et USA Today, les Nittany Lions ont partagé les honneurs d'une série de deux matchs contre les nouveaux détenteurs du premier rang, les Gophers de l'Université Minnesota.

« Ce qui est le fun avec le Big Ten, c'est qu'à chaque fin de semaine, peu importe l'équipe, ce n'est pas facile », apprécie Soulière, dont l'équipe a grimpé au 6e rang dans la plus récente mise à jour des classements.

« Tout le monde est capable de battre tout le monde avec le niveau de talent qu'il y a dans la conférence. [...] Ce que j'aime le plus de jouer dans le Big Ten, c'est que chaque match, c'est dur. Chaque match, c'est un nouveau challenge. La façon dont je me suis challengé à travers mon parcours dans le hockey mineur, je pense que c'est ça qui m'a aidé à m'amener à une place comme Penn State. »

***

Né à Brampton en Ontario, Soulière déménage à Blainville à l'âge de cinq ans. C'est dans les Basses-Laurentides qu'il joue tout son hockey mineur. Laissé sans protection par les Phénix du Collège Esther-Blondin une fois d'âge Midget AAA, Soulière se présente au camp des Forestiers d'Amos, où il perce la formation et joue deux saisons.

Au terme de sa première campagne en Abitibi, Soulière espère être repêché dans la LHJMQ, ou à tout le moins obtenir une chance et « s'essayer », mais il est ignoré. La route des universités américaines, longtemps vantée par son père, s'ouvre alors toute grande.

« Quand je ne me suis pas fait repêcher, ç'a vraiment rendu la décision facile pour moi de prendre ce chemin-là. Sans niaiser, c'est peut-être une bonne affaire que je ne me suis pas fait repêché junior majeur. »

Il décide alors de se joindre au Boomerang du Cégep André-Laurendeau, une équipe collégiale de division 1. Après une saison régulière amorcée au poste de gardien no 2 et perturbée par une commotion cérébrale, il casse tout en séries. Le Boomerang est couronné champion et Soulière, fort de sa moyenne de 1,60 et de son taux d'efficacité de ,939 en 10 matchs, est nommé joueur par excellence des éliminatoires 2017.

« Ç'a vraiment été l'année où j'ai grandi le plus. [...] Ça m'a permis de prendre confiance et de prendre conscience de quel genre de joueur je voulais être. »

Afin de « mettre [son] nom sur la mappe » et attirer les regards des universités américaines, Soulière fait ensuite le saut dans les rangs juniors avec les Raiders de Nepean dans la CCHL. Avant le début du calendrier régulier suivant, il est échangé des Raiders aux Braves de Brockville, qui l'introduisent aussitôt comme un joueur d'une classe à part. « On a le joueur qu'on voulait », commentait à l'époque l'un des copropriétaires du club.

Il avait raison. Les Braves enchaînent les victoires, et Soulière, les arrêts. Au point où il convainc Penn State de faire de lui l'un de ses gardiens d'avenir. À la suggestion de l'université, il joue sa dernière saison junior avec les Grizzlies de Victoria dans la British-Columbia Hockey League (BCHL), une ligue où évoluent bon nombre de futures recrues de la NCAA.

C'est finalement en 2020-2021 que Soulière pose ses jambières à Happy Valley pour sa saison « freshman ». Au cours de celle-ci, jouée à titre de no 2, il n'obtient que quatre départs et participent à cinq matchs, concluant l'année avec une moyenne de 4,60 et un taux d'efficacité de ,844.

« Ç'a vraiment été une année dure, une année d'apprentissage », résume-t-il. « Ne performant pas quand les opportunités se présentaient et ne sachant pas s'il y en aurait une autre ou si ce ne serait que dans une couple de mois, il fallait que j'apprenne à construire ma confiance dans les pratiques et dans les choses que je faisais au quotidien. »

À sa deuxième saison à Penn State l'an dernier, Soulière amorce à nouveau le calendrier comme réserviste au Finlandais Oskar Autio, jusqu'à ce que l'entraîneur-chef Guy Gadowsky instaure une lutte pour les fonctions de gardien titulaire au retour du congé des fêtes. Lors du dernier week-end de la campagne, Soulière joue deux matchs dans une même fin de semaine pour la toute première fois, signe qu'il est l'homme de confiance pour le début du tournoi du Big Ten.

Soulière consolide son statut en aidant les siens à surprendre Ohio State en première ronde dans une série de trois matchs jouée sur la route, une première dans l'histoire du Big Ten. Au tour suivant, Soulière est encore partant dans une demi-finale à élimination directe perdue contre Minnesota.

Il n'y a plus de doute, le gardien no 1 de Penn State, c'est lui. À l'aube de sa dernière année d'admissibilité dans la NCAA, Autio décide donc de transférer son équipement dans le vestiaire des Catamounts de l'Université Vermont, cédant ainsi officiellement la propriété du demi-cercle à Soulière en vue de la saison 2022-2023.

« Le chemin de gravel par lequel j'ai passé pendant mes deux premières années, je pense que ç'a préparé ma route pour le reste afin d'être plus solide en général. [...] Quand ton opportunité arrive, il faut juste la prendre. Je pense que je l'ai pris comme il faut. »

***

Ce soir et demain, les Nittany Lions accueilleront les Spartans de Michigan State dans leur bruyant Pegula Ice Arena, qui est réputé comme l'un des amphithéâtres les plus intimidants de la NCAA pour la visite, notamment en raison de sa section étudiante située à une extrémité de la patinoire et baptisée « The Roar Zone ».

« C'est un peu comme si tu prenais une section de spectateurs du stade de football [de Penn State] et que tu mettais ça dans un aréna. Ils ont de bons cris et ils sont vraiment animés pendant tout le match. C'est incroyable », jure Soulière.

Des joueurs de Penn State saluant les partisans entassés dans « The Roar Zone ».

C'est pour ce type d'atmosphère, mais aussi pour se mettre au défi que l'athlète aujourd'hui âgé de 23 ans s'est joint à Penn State. Contre les Spartans, il affrontera bien quelques espoirs de la LNH, mais pas de la trempe des Fantilli, Hughes et Cooley. Mais ce n'est qu'une question de temps avant que ceux-ci n'attaquent de nouveau son filet. À la fin janvier, les Nittany Lions se déplaceront à Ann Arbor pour y jouer deux rencontres contre les Wolverines. Deux semaines plus tard, ce sera au tour des Gophers de se faire souhaiter la bienvenue par « The Roar Zone ».

« Je trouve ça vraiment cool. C'est excitant pour un gars comme moi qui vient du Québec de jouer pour un grand programme aux États-Unis et de me ramasser à affronter des gars comme eux. [...] Ça augmente la confiance en général juste de savoir que j'ai ma place sur la glace avec des gars comme ça. »