BUFFALO – Shane Wright s’est payé la traite cette semaine lors de son souper au restaurant avec l’état-major du Canadien. En scrutant une première fois le menu, celui qui est considéré par plusieurs comme le favori pour être sélectionné au tout premier rang au prochain repêchage de la Ligue nationale a d’abord pensé y aller de façon conservatrice avant de finalement opter pour une attirante, mais dispendieuse pièce de viande.

« Je leur ai dit que je penchais vers le steak, mais que c’était pas mal cher, genre 60$. Ils m’ont répondu d’y aller, de ne pas me gêner. Je me sentais un peu mal au début, mais une fois que j’ai eu leur accord, tout était beau! », a blagué le représentant des Frontenacs de Kingston vendredi.

Juraj Slafkovsky n’a pas eu cette chance. La jeune sensation slovaque n’a pas été invité à casser la croûte avec Kent Hughes et sa bande lors de son séjour à Buffalo. Mais comme le révélait plus tôt cette semaine le collègue Guillaume Lefrançois, de La Presse, il a en revanche été convié non pas à une, mais deux entrevues avec les décideurs du CH. Et visiblement, il a aimé ce qui en est ressorti.

« Ils m’ont paru intéressés, a-t-il révélé à son tour devant les caméras. Je n’ai peut-être pas eu de souper, mais pour moi, la conversation qu’on a eue avait bien meilleur goût qu’un souper! »

« Mon entrevue avec le CH était plus succulente qu'un souper »

Un calme et une assurance indéniables se sont dégagés du discours du grand attaquant à son premier grand bain médiatique nord-américain. Malgré l’obstacle que pouvait constituer la barrière de la langue, l’adolescent a charmé la salle avec un sens de l’humour bien mesuré et une honnêteté tranchante.

Slafkovsky a déjà démontré, avec d’extraordinaires performances au cours de la dernière année, qu’il n’était pas du genre à vouloir partager les projecteurs. Ses onze points en six matchs au Mondial des moins de 18 ans ont été suivis par la grande éclosion : sept buts en autant de matchs, contre des hommes, au tournoi olympique. Il a quitté Pékin avec les voiles en poupe et une nouvelle réputation à soigner, ce qu’il a fait de brillante façon au dernier Championnat du monde en fournissant neuf points en huit parties.

D’une compétition à l’autre, un jeune homme qui se savait talentueux s’est mis à gagner en confiance. Ses exploits individuels sont devenus viraux et son nom, rapidement, est devenu familier.

Aujourd’hui, il se croit digne du titre de prince de sa cuvée et dans ses rêves, il se voit enfiler l’uniforme de l’équipe locale au repêchage qui se tiendra à Montréal en juillet.

Quand on lui rapporte les propos de Wright, qui prétend à qui veut l’entendre que sa feuille de route est celle d’un premier de classe et qu’il mérite d’être le choix du Canadien, Slafkovsky esquisse un sourire assez grand pour laisser entrevoir son appareil orthodontique.

« C’est ce qu’il pense, rétorque-t-il. J’ai une autre idée là-dessus, mais ok! »

Il en ajoutera une couche un peu plus tard : « C’est un joueur de centre, un bon marqueur et un bon passeur. Mais ce n’est rien que je ne peux pas faire moi aussi. Un de mes coéquipiers slovaques a joué avec lui à Kingston. J’ai entendu des choses à son sujet, mais en même temps, je ne suis pas du genre à toujours poser des questions là-dessus. »

Quand on lui demande pourquoi ses chiffres en Liiga, la première ligue en importance en Finlande, n’arrivent pas à la cheville de ses accomplissements sur la scène internationale, il ne mâche pas ses mots.

Slafkovsky : « Je me vois comme Mikko Rantanen »

« Je crois que ça a tout à voir avec la confiance et la liberté que me donnent l’entraîneur de l’équipe nationale et celui à Turku. Ce n’est pas non plus étranger au style de jeu qui se pratique aux deux endroits. Si vous regardez nos matchs au TPS, on défend beaucoup, c’en est plate à regarder. Ce n’est pas une excuse, je devrais quand même marquer plus. Mais au final, je suis à l’aise avec la façon dont j’ai terminé ma saison là-bas. Je pourrai bâtir là-dessus pour devenir un solide joueur de hockey. »

Slafkovsky, qui a quitté la Slovaquie à un jeune âge pour poursuivre sa croissance en Finlande, croit que son parcours lui procure un avantage autant sur Wright que sur Logan Cooley, l’autre nom qui revient le plus souvent dans la conversation entourant l’identité de l’élu tricolore.

« J’ai joué avec des hommes l’an passé tandis que la plupart des autres gars ont joué au niveau junior. Jouer contre des hommes, c’est une meilleure préparation et je l’ai fait à deux niveaux. Je me sens prêt à faire le saut. »

Dan Marr, le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH, l’a déjà entendue celle-là. « Je crois que la plupart des joueurs se font dire de dire ça par leur agent », minimise l’évaluateur d’expérience. Mais selon lui, Wright et Slafkovsky sont les deux joueurs de la cuvée 2022 qui peuvent aspirer à graduer à temps plein dans la LNH dès l’an prochain.

Reste à voir dans quelles couleurs les deux surdoués tenteront leur chance. Elle est là, pour l’instant, la question la plus intéressante.