Plus de 24 heures après l’annonce de la nouvelle stupéfiante du décès de Pierre Lacroix, je ressens toujours cette boule oppressante sur l’estomac qui ne semble pas vouloir se résorber. Comme si j’avais reçu une puissante claque au plexus que je n’avais pas vu venir.

 

J’ai connu Pierre dans le bureau de Jacques Beauchamp, alors directeur de la section sportive du Journal de Montréal, il y a 50 ans. Nous sommes devenus des amis avec le temps. Nos familles se sont côtoyées. Pour mes jeunes enfants, il était Oncle Pierre.

 

Un jour, il a fait cadeau d’un toutou à ma fille. « Comment s’appelle-t-il », lui a-t-elle demandé.

 

« Il s’appelle Ours », a-t-il répondu avec sa bonhommie habituelle.

 

Trente ans plus tard, le toutou est toujours là parmi les choses dont on ne peut pas se défaire. Et il s’appelle toujours Ours.

Depuis que Pierre a succombé à un malaise cardiaque attribuable au coronavirus, les commentaires qui affluent confirment à quel point il a marqué les gens par son approche sensible et humaine. Les jeunes, comme les moins jeunes, comme les enfants.

 

Il a toujours tenté de créer une ambiance familiale parmi les athlètes qu’il représentait. Quand certains d’entre eux étaient de passage dans son secteur, à Laval, ils avaient accès à sa résidence jour et nuit. Ils avaient tous la clef de la maison. Quand ils étaient nombreux, on étendait des sacs de couchage dans le salon et c’était la fête. Plus tard, il a affectueusement couvé ses joueurs dans le rôle de directeur général des Nordiques et de l’Avalanche. On comprend plus aisément les merveilleux souvenirs qu’il laisse à un peu tout le monde.

 

On n’a pas de mal à imaginer toute la dimension du chagrin que ressentent Colombe, ses grands gars Martin et Éric et les trois petits-enfants pour lesquels Pierre a été un merveilleux grand-papa gâteau. La douleur est si vive chez celle qui l’a accompagné durant ce brillant parcours sportif qu’elle a dû être hospitalisée d’urgence il y a quelques heures afin de contrôler une pression artérielle en folie. Coco, la femme de sa vie, est atteinte de la COVID-19 elle aussi, ce qui rend encore plus difficile à traverser cette cruelle épreuve.

 

Sa dernière conversation avec Pierre s’est faite sur l’écran de leurs ordinateurs, la veille de sa mort. Il était très souffrant. Ils avaient mal tous les deux. À 6 h 30 du matin, on a appelé la famille pour lui apprendre que son coeur avait lâché.

 

Depuis, les messages de réconfort déferlent sur eux. Ils apprennent à quel point il était respecté dans tous les recoins du hockey. Son décès met une fois de plus en lumière son formidable talent de négociateur, son imagination fertile en matière de transactions et ses efforts acharnés pour bâtir des équipes gagnantes. Il voyait loin devant, ce qui lui permettait parfois de battre la concurrence avec une facilité relative. Ses neuf championnats de division consécutifs et ses deux coupes Stanley pourraient bien lui ouvrir les portes du Panthéon un jour.

Lacroix était destiné, semble-t-il, à accomplir de grandes choses. À 20 ans, il était beaucoup plus qu’un employé recrue dans un magasin d’articles de sport de Laval. Il avait plein d’idées. Ses plans détonaient déjà. Il avait notamment loué une salle de la Place des Arts, retenu les services d’une animatrice vedette, Lise Payette, et organisé avec l’aide de Lise Richard, l’épouse du Pocket Rocket, un défilé de mode impliquant les femmes des joueurs du Canadien. Rien de moins.

 

« Pierre a été instrumental dans mes succès. »

Même Jacques Beauchamp, qui en avait vu bien d’autres avant lui, était impressionné par son audace. Ainsi, quand Pierre lui a appris qu’il avait le choix entre conserver son boulot dans la boutique de sport où il était à l’aise comme un poisson dans l’eau et une offre tentante de la Brasserie O’Keefe, il a reçu la bénédiction de ce journaliste pour lequel il avait le plus grand respect. Beauchamp lui a simplement dit qu’il était mûr pour accepter des mandats plus importants.

 

Il n’a plus jamais regardé derrière lui. Devenir agent d’athlètes n’était pas dans ses cartons. Pourtant, il en a fait un tel succès qu’il en a inspiré d’autres à le devenir. Personne ne l’a vu venir quand il est devenu  directeur général. Il a finalement réussi là où des dizaines de prédécesseurs dans le hockey ont échoué en remportant la coupe Stanley. Deux fois plutôt qu’une.

 

C’est à son plus grand chum, René Angelil, qu’il doit d’être devenu le grand patron des défunts Nordiques. Dans le cadre d’une réception, Angelil avait fait remarquer à Marcel Aubut qu’il n’allait nulle part avec ses Nordiques et que Pierre Lacroix était la solution à ses problèmes. Des solutions il en a beaucoup trouvées à Québec et au Colorado.

 

Il a eu du cran. Il a osé des transactions qui laissaient des collègues morts de peur. On l’a parfois privé du crédit qu’il méritait en lui reprochant d’avoir hérité d’une très bonne équipe à Québec qui lui a permis de gagner au Colorado. Il n’a jamais nié qu’on lui avait laissé du très bon matériel, mais s’il a gagné par la suite, c’est aussi parce qu’il a utilisé une bonne partie de ces atouts pour aller plus loin encore.

 

« Je n’ai jamais cru que je devais répondre à ce genre de commentaires, m’a-t-il déjà raconté. J’ai pourtant obtenu les joueurs et les choix au repêchage qu’ils possédaient déjà. »

« Pierre Lacroix en imposait »
Anecdotes au sujet de Pierre Lacroix

Pierre Lacroix a permis à ses équipes de connaître le succès parce qu’il était un gagnant né. C’est de cela dont il faudra se souvenir.

Pierre Lacroix : Bob Hartley garde de bons souvenirs
ContentId(3.1378852):Pierre Lacroix, architecte de deux coupes Stanley
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