MONTRÉAL – Chaque année, le Lightning de Tampa Bay rafraîchit son effectif en y incorporant un ou deux jeunes qui sont issus de son réseau de filiales et qui parviennent à faire leur place au camp d’entraînement.

En 2014, c’est Cédric Paquette qui était sorti de nulle part pour gagner son poste au sein de la formation de Jon Cooper. À 21 ans, le Gaspésien avait joué 64 matchs de saison régulière et 24 autres en séries. Il avait marqué deux buts, dont un gagnant, en finale de la Coupe Stanley.

Deux ans plus tard, une recrue de 20 ans généreusement répertoriée à 165 livres forçait la main de la direction et s’offrait une entrée précoce chez les pros. L’année suivante, un ancien de la Ligue East Coast, jamais repêché dans la LNH, réalisait le même exploit. Brayden Point et Yanni Gourde ont respectivement amassé 66 et 64 points la saison dernière et sont désormais solidement ancrés dans la culture du Lightning.

Cet automne, ce kid qui menace d’abattre les barrières et devancer les attentes est Mathieu Joseph.

Le jeune homme de Chambly progresse aussi vite qu’il patine depuis que le Lightning en a fait l’un de ses choix de quatrième ronde au repêchage de 2015. Il a mérité une place au sein d’Équipe Canada junior à 19 ans, a été le meilleur pointeur des Sea Dogs de Saint John dans leur conquête de la Coupe Memorial en 2017 et l’an dernier, il a terminé sa première saison chez les professionnels en tête du classement des marqueurs du Crunch de Syracuse, le club-école du Lightning.

Mardi soir, Joseph était mis en vitrine pour la quatrième fois depuis l’ouverture du calendrier préparatoire du Lightning. Pour un deuxième match de suite, Cooper l’avait jumelé à son ami Anthony Cirelli, un joueur de centre qui a passé 35 matchs dans la Ligue nationale la saison dernière et qui postule lui aussi pour un job avec le grand club. Il a récolté une mention d’aide, son quatrième point du mois de septembre, dans une défaite de 3-2.

Depuis le début du camp, la lecture des statistiques de Joseph laisse une impression familière à ceux qui ont suivi le début de sa jeune carrière. Utilisé sur les deux phases d’unités spéciales, l’attaquant de 21 ans bloque autant de lancers qu’il en décoche, sert sa dose de mises en échec et fait son apparition régulière dans la colonne des points.

 « Je ne veux pas me donner trop d’attentes. J’essaie de garder ma motivation et rester conscient qu’il faut que je travaille chaque jour,  avançait prudemment Joseph lorsque RDS l’a joint dans sa chambre d’hôtel à la veille de son plus récent test. Je pense que je suis capable de jouer à ce niveau-là, mais il faut aussi que je sois réaliste dans mes attentes. Ils ont une bonne équipe ici. Je ne veux pas comparer avec ce qui se passe ailleurs, mais c’est un endroit où il y a beaucoup de profondeur. Il y a quatre solides lignes déjà, peu importe qui va commencer dans le groupe des 12 attaquants au premier match de la saison. Je travaille dur et je ne veux pas trop penser au reste. »

Mais ne pas vouloir « penser au reste » et bloquer efficacement les distractions sont deux choses bien distinctes. Son entraîneur a récemment dit à son sujet qu’il avait tout ce qu’il fallait pour réussir dans la LNH. Un média de Tampa lui a offert une tribune pour publier son journal de bord pour la durée du camp. Mardi, c’est son visage qui était à la Une du site internet de l’équipe à l’approche du match contre les Panthers.

Joseph n’est pas sourd. À cause de toute l’attention qu’il reçoit, il réalise que l’enjeu est amplifié pour lui en ce moment.

« Tout ce que j’entends à gauche et à droite, je pense que c’est juste une motivation de plus pour moi, réagit-il. Ce n’est pas quelque chose qui me dérange, honnêtement. C’est le fun pis toute, mais le reste, ce n’est pas moi qui contrôle ça, zéro. Je fais mon possible pour faire l’équipe, mais ce n’est pas moi qui vais prendre la décision. Je ne m’en fais donc pas trop avec ce qui se dit autour. J’essaie juste de jouer ma game. »

Plus lourd et plus rapide?

Pour un deuxième été consécutif, Joseph s’est entraîné sous la supervision de Mark Lambert, un Québécois embauché à titre de spécialiste du conditionnement physique par le Lightning. Pendant les trois mois estivaux, les deux hommes ont travaillé ensemble à Châteauguay avec quelques autres joueurs de la Ligue nationale.

Joseph a abordé sa saison morte avec l’objectif d’augmenter sa masse musculaire. Résultat : il est retourné en Floride plus lourd d’une quinzaine de livres.

« J’ai eu une rencontre avec [Steve] Yzerman, qui m’a dit de m’entraîner fort cet été. Il voulait que je sois plus fort physiquement et c’est quelque chose que j’ai voulu améliorer. Mais mon but n’était pas de prendre 20-25 livres. Je voulais prendre la force et en m’entraînant 12 à 13 semaines cet été, ça m’a permis d’être plus lourd. »

La décision peut sembler étonnante quand on sait qu’une grande partie de l’identité de Joseph est basée sur son coup de patin exceptionnel. À Montréal, Jonathan Drouin confiait récemment au confrère Guillaume Lefrançois qu’il avait décidé de revenir à 193 livres cet été justement parce qu’il s’était senti moins explosif à 203 livres la saison dernière.

Joseph, il faut le noter, était classé à 173 livres la saison dernière. À 6 pieds 1 pouce, il sentait aisément qu’il pouvait ajouter du poids sans hypothéquer sa vitesse.

« Je ne trouve pas que ça a affecté mon coup de patin, je dirais même que ça l’a amélioré, observe-t-il. J’avais beaucoup d’exercices pour les jambes dans mon programme et j’ai aussi été plus sérieux dans mon alimentation. Ça a l’air beaucoup, 15 livres, mais ça s’est fait de façon graduelle et j’ai été capable de m’adapter à mesure que mon poids montait. Au final, je n’ai pas senti la différence dans mon jeu. Je pense juste que ça m’aide à être plus solide sur mes patins et être meilleur en protection de rondelle. »

Un Mathieu Joseph plus rapide donnera assurément des maux de tête aux défensives adverses cette saison. Ne reste plus qu’à savoir dans quelle ligue il faudra distribuer les Advil.