MONTRÉAL- Bien que la LNH ne l’ait pas encore officialisée, la décision de tenir un repêchage anticipé dès le mois de juin prochain continue de s’imposer dans les plans du commissaire Gary Bettman.

L’importance de renouer avec les amateurs privés de hockey en direct depuis le 12 mars est la pierre d’assise de ce scénario. Mais à la lumière de plusieurs réactions de directeurs généraux, ce scénario est loin de faire l’unanimité.

De fait, plusieurs formations se braquent carrément contre l’idée de tenir un repêchage alors que la Ligue envisage pourtant non seulement disputer des séries éliminatoires afin de couronner d’éventuels champions de la coupe Stanley, mais même compléter la saison régulière. Que ce soit en juillet, en août, voire en septembre et peut-être même en octobre puisque la crainte de jouer devant des gradins vides pourrait retarder le début de la saison 2020-2021 jusqu’en décembre.

Un échéancier qui laisserait amplement de temps pour tenir un repêchage entre la remise de la coupe Stanley et le début de la prochaine saison.

L’importance d’offrir un peu d’espoir aux amateurs par le biais d’un repêchage anticipé et d’obtenir un brin ou deux de couverture médiatique militent bien sûr en faveur du plan de Garry Bettman.

Mais cet avantage est loin de faire contrepoids, du moins à mes yeux, aux inconvénients associés à ce scénario. Surtout que pour le mener à bien, ce scénario oblige, entre autres problèmes, de mettre le système de loterie actuel de côté pour lui préférer le système précédent que la LNH a mis de côté en 2012… parce qu’il n’était pas optimal!

Gary Bettman n’a pas besoin d’obtenir l’aval des 31 clubs ou de l’Association des joueurs (NHLPA) pour aller de l’avant avec son idée. Le commissaire a toutefois discuté avec les 31 gouverneurs du circuit lundi. Ce sera au tour des directeurs généraux de faire valoir leurs doléances mardi. On s’attend toutefois à ce qu’une annonce soit faite d’ici la fin de semaine quant à la date choisie – début juin – pour effectuer virtuellement le repêchage qui devait se tenir les 26 et 27 juin prochain au Centre Bell.

«Il semble acquis que la LNH va aller de l’avant avec son idée. J’espère qu’on réussira au moins à obtenir quelques ajustements parce que le scénario actuel est loin d’être avantageux pour nous et plusieurs autres clubs», a indiqué un dirigeant lundi.

Par le biais d’un courriel, Bill Daly, le bras droit de Gary Bettman a indiqué «le commissaire respecte les directives du bureau des gouverneurs qui ne vont pas toujours dans le même sens que les volontés des directeurs généraux. Aucune décision finale n’a encore été prise.»

Un cadeau aux Red Wings

Selon les plans établis par Bettman, la LNH reviendrait donc au système de loterie qui prévalait jusqu’en 2012. Les 15 clubs écartés des séries – le classement serait établi en fonction du pourcentage d’efficacité en date du 12 mars dernier – ne pourraient donc pas faire un bond de plus de quatre rangs dans le cadre de cette loterie. Inversement, ils ne pourraient glisser de plus d’un rang.

Ce système assurerait donc les Red Wings de Detroit de l’une ou l’autre des deux premières sélections. Ce qui représente un cadeau puisque dans le cadre d’un scénario normal, les Sénateurs d’Ottawa, en raison de leur 30e place au classement général et de la 29e des Sharks dont ils détiennent le premier choix – compensations acquises dans le cadre de la transaction qui a envoyé Erik Karlsson à San Jose en début de saison 2018-2019 – auraient eu plus de chances mathématiques de gagner la loterie que les Wings. Non seulement auraient-ils eu de meilleures chances de mettre la main sur Alexis Lafrenière, mais les Sénateurs auraient aussi pu «gagner» les deux premières sélections puisque les trois premiers choix sont accordés dans le cadre d’un tirage. Du moins dans la forme de repêchage revue et corrigée en 2013.

Montréal ne grimpera pas plus haut qu’au 4e rang

À l’autre bout de l’autoroute 417, le Canadien perdra également au change dans le cadre d’un repêchage anticipé.

De fait, il perdra sur plusieurs fronts :

Au huitième rang des 15 clubs écartés des séries, le Canadien ne pourra donc pas grimper plus haut qu’au quatrième rang alors que dans le système actuel il pourrait se hisser au sein des trois premières places. Vrai que ses chances de mettre la main sur Lafrenière seraient minces, mais elles seraient quand même bien réelles.

C’est d’ailleurs par le biais d’une victoire à la loterie de 2018 que le Canadien a pu améliorer d’une place son rang de sélection pour repêcher Jesperi Kotkaniemi derrière Rasmus Dahlin (Buffalo) et Andrei Svechnikov (Caroline). Les Hurricanes, avec 3,3 % des chances de gagner la loterie pour la deuxième place, avaient malgré tout effectué un bond de neuf rangs de sélection passant du 11e au 2e rang. Un bond qu’il sera impossible d’effectuer cette année.

C’est en 1972 que le Canadien a repêché pour la dernière fois un espoir avec la quatrième sélection en première ronde. Il avait mis la main sur Steve Shutt.

Depuis, le Canadien a repêché Carey Price (2005) et Peter Svoboda (1984) avec des cinquièmes sélections sans oublier Alex Galchenyuk (2012) et Jesperi Kotkaniemi (2018) avec des troisièmes sélections.

Perte de munitions

Le Canadien perdra aussi la possibilité de monnayer l’un ou l’autre des 14 choix au repêchage à sa disposition.

Marc Bergevin nous a habitués à conclure des transactions importantes un peu avant – Jonathan Drouin et Max Domi par exemple – ou un peu après – Shea Weber en retour de P.K. Subban – le repêchage.

Bien que sa philosophie soit ancrée sur l’importance de profiter des choix au repêchage, Marc Bergevin, avec 14 sélections à sa disposition cette année et les 21 accumulées lors des deux dernières années – 10 en 2019, 11 en 2018 – pourrait se retrouver avec 35 espoirs sous la main.

C’est énorme. C’est même trop.

D’où la possibilité de mettre dans l’équation des choix déjà effectués au cours des dernières années, d’autres disponibles cette année en plus d’un ou de joueurs déjà sous contrat pour conclure une transaction majeure dans le cadre du repêchage. Une transaction qui lui permettrait de vraiment améliorer son équipe dès l’an prochain.

Après trois éliminations consécutives des séries et quatre exclusions lors des cinq dernières années, Bergevin a besoin de solidifier la reconstruction de son équipe. Il a besoin de fournir à son entraîneur-chef un club vraiment en mesure de viser une place en séries et non de se contenter d’y espérer.

Tout ça est bien beau. Mais avec une saison à terminer et des séries qui suivront, les directeurs généraux susceptibles d’écouter les offres du Canadien feront la sourde oreille puisqu’ils seraient bien mal avisés de se défaire d’un joueur d’impact alors qu’ils visent les grands honneurs.

Bon! La LNH pourrait offrir aux équipes la possibilité de conclure des transactions à être confirmées plus tard. Un peu comme l’ont fait les Penguins de Pittsburgh et les Golden Knights de Las Vegas qui s’étaient entendus sur les paramètres d’une transaction impliquant Marc-André Fleury et qui a été confirmée seulement après que le gardien sorelois eut contribué à sa troisième conquête de la coupe Stanley.

Cette possibilité est bien réelle.

Mais dans le cas du Canadien, Marc Bergevin perdrait l’avantage de mousser la valeur du ou des joueurs qu’il serait prêt à sacrifier parce que ses homologues n’auraient pas amorcé les bilans suivant leur élimination et commencé à jongler avec les contraintes du plafond salarial à respecter en vue de la saison suivante.

Des facteurs qui compliqueraient le travail du directeur général du Canadien puisqu’il pourrait difficilement créer une surenchère autour de la LNH.

Marc Bergevin et ses dépisteurs amateurs sont, depuis lundi, en pleine séance d’analyses de tous les espoirs qu’ils ont en mire en vue du prochain repêchage. La réunion qui se déroule en vidéoconférence se poursuivra mardi. Elle pourrait même s’étendre jusqu’à mercredi.

Le directeur général du Tricolore n’a pu être joint pour obtenir ses commentaires à l’égard du scénario qui désavantage nettement son équipe.

Une fois la conférence présidée par Gary Bettman terminée, les demandes d’entrevue avec le propriétaire du Canadien et membre du comité exécutif de la LNH Geoff Molson ont été poliment écartées prétextant une directive émise par le commissaire.

Transactions à compléter

Autres scénarios compliquant la tenue d’un repêchage hâtif : les compléments de transaction associés au classement final en saison régulière et aux performances en séries éliminatoires.

Plusieurs exemples sont offerts par nos collègues de CapFriendly.com dans sa section sur le prochain repêchage.

À titre d’exemple, les Rangers de New York ont acquis un choix conditionnel de première ronde en vue du prochain repêchage des Hurricanes de la Caroline à qui ils ont cédé le défenseur Brady Skjei à la date limite des transactions en février dernier.

Ce choix conditionnel deviendra le choix de première ronde des Canes ou des Maple Leafs – acquis par la Caroline dans le cadre de la transaction impliquant Patrick Marleau – selon qu’il sera plus élevé une fois le classement final déterminé.

Comment diable les Rangers pourront obtenir une décision finale si les Leafs ou les Canes sont toujours actifs et qu’il est donc impossible de déterminer leur rang de sélection?

Toutes ces questions lancées en rafales par les directeurs généraux insatisfaits du scénario que semble favoriser la LNH pourront être relancées mardi dans le cadre d’une conférence téléphonique avec Gary Bettman.

Il sera intéressant de voir si les D.-G. mécontents seront écoutés et que des ajustements orchestrés par la LNH découleront de leurs doléances ou s’ils seront simplement entendus.

Une situation difficile pour Bergevin
Du positif et du négatif pour Ottawa