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RÉSULTATS

Une nouvelle « French Connection » dans l'État de New York

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UTICA, New York – Depuis qu'elle s'est jointe à sa nouvelle équipe, Chloé Aurard tente d'éradiquer « du coup » de son vocabulaire pour le remplacer par « fait que » et s'exerce à prononcer « ben ouais » comme on le dirait à Lévis ou à Valleyfield. Et comme une immersion québécoise serait incomplète sans quelques jurons bien de chez nous, elle s'assure d'en saupoudrer ses conversations lorsqu'elle sait que des oreilles intéressées risquent de l'entendre.

« Elle va te le dire tout de suite, elle n'a pas de filtre! », avait prévenu Élizabeth Giguère la veille de notre rencontre avec sa coéquipière. Et effectivement, le lendemain matin, la sympathique Française laissait sortir sans se faire prier le fameux mot en « T », celui qui rime avec cognac.

Les Sabres de Buffalo ont eu Gilbert Perreault, Richard Martin et René Robert dans les années 1970. Jason Pominville, Jean-Pierre Dumont, Daniel Brière et Martin Biron ont repris le flambeau dans les années 2000. Une décennie plus tard, Jonathan Marchessault, Yanni Gourde et Jean-Philippe Côté ont fait partie des nombreux Québécois qui sont passés dans le vestiaire du Crunch de Syracuse.

Aujourd'hui, l'État de New York a sa version féminine de la « French Connection ». Dans une trentaine d'années, lorsqu'on se remémorera avec nostalgie la naissance de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), peut-être parlera-t-on encore de la filière francophone de l'équipe qui jouait ses matchs locaux à Long Island.

Giguère est sans doute la plus connue du groupe. Elle a complété quatre saisons à l'Université Clarkson, remportant le championnat de la NCAA et le trophée Patty Kazmaier remis à la meilleure joueuse universitaire aux États-Unis. Après six années passées aux États-Unis, elle s'était engagée avec la Force de Montréal et s'enthousiasmait à l'idée de revenir jouer devant les siens. C'était avant que la défunte Premier Hockey Federation (PHF) ne soit dissoute.

Être repêchée par la formation new-yorkaise de la LPHF, dont l'architecte principal est le Blainvillois Pascal Daoust, était le scénario qui la rapprochait le plus de son souhait. « C'est quasiment comme si on était encore au Québec », ne peut-elle s'empêcher de constater.

À Stamford au Connecticut, où se trouve le complexe d'entraînement de l'équipe, elle est accompagnée par Jade Downie-Landry de St-Jean-sur-Richelieu et Alexandra Labelle de Saint-Louis-de-Gonzague en Montérégie. Les deux anciennes attaquantes de la Force ont loué une maison qu'elles partagent avec le chien de Downie-Landry.

« On est comme des petites filles qui revivent l'université, mais plus vieilles, s'amuse à comparer Labelle, qui a représenté les Carabins de l'Université de Montréal pendant cinq saisons. On fait plein d'activités, on va dans des cafés, on essaie de connaître un peu la place et on s'habitue. Tu sais, on n'est pas habituée de juste jouer au hockey et de pouvoir profiter pleinement de ces moments-là, fait qu'on essaie d'en profiter à 100%. »

Giguère, elle, s'est trouvée un appartement « à cinq minutes de l'aréna ». Elle y habite avec sa conjointe et leur compagnon canin. « J'ai déménagé tout de suite après le repêchage, le 1er novembre. J'avais hâte de m'installer, j'avais hâte que ça commence. C'est quand on commence à se sentir chez nous que ça commence à être le fun. Je te dirais que je me sens chez moi au Connecticut, à New York. »

Giguère sera un élément important de l'effort offensif new-yorkais. Elle a déjà récolté quatre mentions d'aide en trois parties préparatoires au camp d'évaluation de la LPHF qui s'est conclu jeudi à Utica. Downie-Landry a été la meilleure marqueuse de la Force en 2022-2023 et devrait elle aussi faire sa part sur la feuille de pointage. Labelle apportera quant à elle une touche de robustesse au groupe d'attaquantes. « J'aime mettre un peu de bisbille dans la game », dit-elle pour se définir.

Pas peu fier de ces acquisitions, Pascal Daoust ne voudrait pas qu'on croit qu'il a fait une faveur à ses compatriotes en les intégrant à son projet.

« Pour moi, ces filles-là faisaient partie d'une courte liste de personnes avec lesquelles j'avais le goût de travailler. J'avais prévenu mon staff que si elles étaient disponibles au rang où on pensait qu'elles avaient de la valeur, c'était sûr qu'on ne les laissait pas passer. Elles faisaient partie non pas de Québécoises qui s'en venaient avec le groupe, elles faisaient partie des meilleures joueuses au monde à ce moment-là. »

Aurard a bien entendu un parcours un peu différent de celui de ses muses québécoises. Née dans une famille de hockeyeurs établie à Villard-de-Lans, près de Grenoble, elle a très jeune préféré les patins aux skis. Enfant, elle a partagé le vestiaire avec Alexandre Texier, aujourd'hui avec les Blue Jackets de Columbus, et a vite été appelée dans les équipes nationales.

À l'âge de 14 ans, elle a été détectée par des entraîneurs américains pendant une compétition en Allemagne. Elle a traversé l'Atlantique pour s'enrôler dans une école secondaire du Vermont et a éventuellement été recrutée par l'Université Northeastern. Elle y a amassé 204 points en quatre saisons. New York l'a sélectionnée en quatrième ronde, avec le 21e choix au total, au repêchage de la LPHF.

« Chloé est une joueuse acharnée et très douée, décrit son entraîneur Howie Draper. Elle a de la vitesse, des bonnes mains, est capable de mettre la rondelle dans le fond du filet. Ce qu'on lui demande, c'est d'apprendre à mettre ces qualités en lumière avec plus de constance. À son âge, c'est normal et on n'a pas de doute que ça va venir avec le temps. »

Les mêmes mots pourraient s'appliquer à son apprentissage du français qui se parle sur le plateau de l'Antichambre.

« Je commence à mettre les choses ensemble et je vais pouvoir parler le québécois bientôt, j'espère », lance-t-elle avec un sourire espiègle.