EDMONTON – C’est en faisant un détour en Europe, via un hockeyeur québécois, qu’on a déniché une histoire sur Dave Cameron, l’entraîneur d’Équipe Canada junior, qui a sauvé des vies alors qu’il travaillait en réinsertion sociale à l’Île-du-Prince-Édouard. 

Ce récit fabuleux s’est produit en 1992 et 1993 alors que les ressources sociales n’étaient pas nombreuses, à cette époque, sur cet îlot canadien. 

Après un grand pan de sa carrière de joueur et avant d’entamer celle d’entraîneur, Cameron a choisi de retourner à la maison pour œuvrer en réinsertion sociale. Une décision qui a, littéralement, sauvé la vie de Paul Clements.

Les deux hommes n’ont pas fait connaissance sur une patinoire ou dans un vestiaire de hockey. Ce coup du destin est plutôt survenu car Clements était un jeune homme troublé ayant été victime de différents traumatismes et abus. 

« Je devais composer avec plusieurs problèmes, mais l’aide n’était pas très présente, à cette époque, sur notre île. Dave est arrivé et il a, pour ainsi dire, sauvé ma vie », a confié Clements au RDS.ca. 

Évoluant lui-même dans le milieu social aujourd’hui, Clements n’utilise pas de tels mots à la légère. Il avait séjourné dans un centre de détention jeunesse et en prison avant de relancer son existence dans la bonne direction grâce au support de Cameron.  

« Il est, en quelque sorte, le seul qui est parvenu à m’atteindre et m’aider à naviguer à travers mes épreuves. Il a eu un immense impact sur ma vie », a exprimé Clements qui a fondé des foyers pour des sans-abris et un centre pour aider les gens avec des ennuis de consommation à Moncton. 

Le témoignage de Clements fascine – et étonne même - étant donné que Cameron est connu pour son travail derrière un banc depuis plus de 30 ans. Cela dit, il suffit parfois d’un seul contact professionnel avec celui-ci pour constater tout le respect qu’il affiche envers les autres. Son sens de l’écoute se ressent facilement. 

« Il a utilisé une approche relationnelle avec moi. Pour les autres intervenants, je n’étais qu’un numéro ou un client. Tu n’as que 30 minutes et c’est tout. Il a pris le temps de me connaître et découvrir ce que je vivais. C’était la première fois que ça m’arrivait et, tristement, je n’ai pas revu ça souvent par la suite. Il possède ce don que les gens se sentent bien autour de lui, tu deviens la personne la plus importante », a vanté Clements. 

Une fois que Clements a cessé d’avoir le mal de vivre, il a redonné un sens à son existence, mais il a également perdu contact avec Cameron quand celui-ci a quitté la région. Ce n’est que, quelques années plus tard, qu’il a su que Cameron était devenu un entraîneur réputé. 

« Ça ne m’a pas surpris puisque j’étais persuadé qu’il poursuivrait dans une voie lui permettant d’avoir une telle influence positive sur les jeunes. C’est une personne autour de laquelle les gens veulent graviter. Tout le monde a besoin de personnes comme lui dans sa vie », a exposé Clements. 

« Ma petite histoire est très petite en comparaison avec le grand impact qu’il a eu sur ma vie. Je ne le dis pas parce que c’est lui (une personnalité publique), mais je ne crois pas que je serais ici sans Dave », a insisté Clements. 

Une rigueur bénéfique pour Dorion et ses coéquipiers

Lançons l’ancre un instant, au large de l’Île-du-Prince-Édouard, pour comprendre ce qui a mené à cette découverte. On avait pourtant commencé nos démarches en contactant Marc-André Dorion, un défenseur québécois, qui a joué neuf ans en Autriche dont deux sous les ordres de Cameron. 

Le passage de Cameron à Vienne semblait idéal pour mieux le connaître. Tout bonnement, à la fin d’une réponse sur son approche humaine, Dorion nous a dévoilé la précédente carrière de l’ancien entraîneur des Sénateurs d’Ottawa et grand ami d’André Tourigny. 

En tant qu’entraîneur, Cameron a beau être exigeant jusqu’au bout des ongles et très intense à propos des détails, Dorion ne pouvait que relater à quel point il a eu une influence positive. 

Marc-André Dorion et Dave Cameron« Personnellement, c’est sur la glace, mais surtout à l’extérieur. J’ai beaucoup appris de lui par rapport à la manière de travailler, comment se préparer et comment agir en tant que personne. D’ailleurs, quand je regarde ceux qui étaient nos joueurs les plus jeunes, ils sont presque tous rendus des rouages très importants pour l’équipe ou bien ils ont grimpé dans un meilleur niveau », a noté Dorion. 

« J’en ai parlé avec quelques anciens coéquipiers et on disait tous qu’autant c’était exigeant de jouer pour Dave qu’on se rend compte que c’était bénéfique pour nous », a ajouté celui qui évolue désormais en France. 

Dorion ne cache qu’il avait été surpris d’apprendre que Cameron s’amenait en Autriche en 2019. Lui et ses coéquipiers ont vite compris qu’il n’avait pas traversé l’Atlantique pour se la couler douce. 

« Il n’y a pas de demi-mesure avec lui. Par contre, en voyant d’autres styles d’entraîneurs, je me dis que c’était sévère et rigoureux, mais ça nous donnait la meilleure chance de gagner », a admis l’ancien de l’Université McGill. 

« Je me souviens qu’on avait connu une phase plus difficile et il nous avait dit, sans vouloir se vanter, qu’il n’était pas venu ici pour l’argent ou pour voyager. Il aime être entraîneur pour aider les athlètes à progresser », a poursuivi le papa d’un petit garçon de 15 mois. 

Malgré son parcours éloquent comme entraîneur, c’est arrivé durant son séjour en Autriche que les joueurs se posent des questions sur certaines stratégies. 

« Parfois, en tant que joueur, on se demande pourquoi un entraîneur s’acharne à ce qu’on fasse telle ou telle chose sur le jeu de puissance quand on traverse une séquence de 0 en 20. Mais lui, il avait toujours une réponse parce que son plan et ses exercices ont toujours une raison », a admis Dorion qui vient de compléter son MBA, à distance, avec l’Université Laval. 

Ce côté extrêmement rigoureux de Cameron ne l’empêche pas d’avoir une facette plus drôle et détendue. 

« Quand tu parviens à retirer quelques couches, tu vois davantage son côté humain et son humour. Mais ce n’est pas tout le monde qui aura la chance de le découvrir à l’extérieur du vestiaire », a avoué Casey Cizikas, l’attaquant des Islanders de New York, que Cameron a pris sous son aile durant ses quatre années au niveau junior afin d’ajuster son arsenal pour la LNH. 
 
« Aussitôt que tu enlèves la partie hockey et que tu entres dans son bureau, il devient un autre homme. [...] Je me souviens d’une fois que j’étais resté près de trois heures à discuter avec lui et ses adjoints. Des histoires, il en a plusieurs à raconter. Il a beaucoup de vécu et il aime partager ses expériences simplement pour avoir du plaisir ou pour nous aider en tant que personne », a indiqué Dorion.  

Durant ce saut en Autriche, Cameron a eu à s’ajuster à quelques inconvénients de ce calibre. Que ce soit les arbitres qui n’étaient pas toujours à la hauteur, des autobus en retard ou des repas inappropriés pour des athlètes. 

« Quand Dave te parle et te regarde dans le blanc des yeux, t’es mieux d’écouter », a rigolé Dorion en parlant des prises de bec avec les arbitres. 

Mais Cameron a accepté cette réalité, il ne voulait surtout pas envoyer un mauvais message qui aurait affecté sa troupe. 

« Il n’est pas du genre à se plaindre beaucoup. Il trouve des solutions et ça influence positivement l’atmosphère », a conclu Dorion.