MONTRÉAL – Au début des années 2000, lorsque Louis Robitaille jouait pour le Rocket de Montréal, dans la LHJMQ, son entraîneur Gaston Therrien le faisait fâcher en lui disant qu’il serait un meilleur entraîneur qu’un joueur. 

Une vingtaine d’années plus tard, à seulement 39 ans, Robitaille a été choisi parmi la prestigieuse cohorte d’entraîneurs d’Équipe Canada junior. Il est l’un des adjoints du vétéran Dave Cameron en vue du tournoi qui prendra son envol, le 26 décembre, à Edmonton et Red Deer. 

Cet accomplissement lui fait ressentir une grande fierté. Mais, avant de célébrer son 20e anniversaire, il rêvait de se tailler une place, comme joueur, dans la LNH, et il ne voulait pas entendre ces mots. 

Therrien le savait bien et cette pointe avait pour but d’« allumer » Robitaille qui, de son propre aveu, se débrouillait moins bien quand ses entraîneurs étaient trop gentils avec lui. 

Puisque si Robitaille a connu une ascension rapide derrière un banc – il est passé d’entraîneur dans le Junior AAA à ÉCJ en 10 ans – c’était tout le contraire sur la patinoire. Il devait bûcher pour chaque occasion tout en acceptant les indésirables bagarres qui venaient avec son rôle d’agitateur. 

Fabien Laniel, qui a été son coéquipier avec le Rocket et garçon d’honneur à son mariage, se souvient que ça ne l’enchantait guère de devoir jeter les gants. 

« Je voyageais avec lui en auto et, quand il savait que ça arriverait dans quelques heures, il me disait souvent ‘Ah non, ça ne me tente pas’. Sauf que dès que quelque chose arrivait sur la glace, il était le premier à venir aider. Tous ceux qui ont porté le même chandail que lui ont eu la chance de se faire protéger par Louis à un moment ou un autre. Mais il ne le faisait jamais pour son bien ou parce qu’il aimait ça », a raconté Laniel qui était un joueur offensif. 

« Louis, c’est un gars attachant, c’est facile de s’amuser avec lui et il est très protecteur aussi. J’ai vite compris que j’aurais un bon allié avec moi », a ajouté Laniel qui a été notre source pour la remarque de Therrien. 

Cette auto, une petite Cavalier grise, ne s’effacera pas de sitôt des souvenirs de Laniel. Lui et Robitaille s’assuraient d’y maintenir une petite garde-robe pour s’esquiver une heure ou deux dans un bar quand c’était possible. Ils y ont même dormi à quelques reprises au lieu de retourner à la maison. 

« Les gens comme Louis, tu leur souhaites du succès »

« C’est sûr que tout le monde tombait ami avec Louis et que tous ses anciens coéquipiers se souviennent de lui. Disons qu’il était assez volubile dans le temps », a convenu Michaël Lambert, un autre de ses bons amis datant de l’époque du Rocket. 

Sur la patinoire, il exploitait son talent de communicateur jusqu’à sa dernière particule de salive. Frédéric Cassivi a puisé l’exemple le plus révélateur de leur parcours éliminatoire menant à la conquête de la coupe Calder (LAH) avec les Bears de Hershey au printemps 2006.  

« Notre première ronde était contre Norfolk et leur homme fort était Shawn Thornton. Avant le début des parties, les partisans de Norfolk et leurs joueurs pensaient plus à Louis qu’au reste de notre équipe. Il avait tellement écoeuré l’autre équipe que Thornton a fini par sauter sur Louis et on a profité de cet avantage numérique pour compter, ce fut un moment déterminant de la série. En deuxième ronde, il s’est passé la même chose avec Dennis Bonvie de Wilkes-Barre », a confié Cassivi qui est devenu l’un de ses bons copains. 

Leur amitié est si solide que Cassivi ne se gêne pas pour ajouter ceci.  

« Parfois, il était même agitateur au sein de notre équipe. Ça arrivait qu’on doive le retenir un peu et c’était mon rôle en tant que vétéran. Il prenait de la place et parlait beaucoup donc je devais lui dire de se calmer pour laisser les gars relaxer », a poursuivi Cassivi en souriant. 

Louis RobitailleCe rôle était devenu une deuxième nature pour Robitaille. Il le jouait si bien qu’il est parvenu à jouer deux matchs, avec les Capitals de Washington, en 2006. 

« Louis n’était pas le plus talentueux, mais il a fait sa place dans la LHJMQ, dans la Ligue américaine et il a même accédé à la LNH. C’est assez surprenant pour un gars pour lequel ce n’était pas prédestiné. C’est grâce à son travail et parce qu’il connaissait son rôle », a vanté Lambert. 

Une qualité qui l'a hypothéqué et aidé

Indiscutablement, son aisance à bavarder lui a valu quelques taloches. Toutefois, elle lui a également ouvert des portes. Ses anciens coéquipiers se souviennent qu’il passait beaucoup de temps à jaser – et parfois argumenter – avec ses entraîneurs que ce soit Therrien avec le Rocket ou Bruce Boudreau à Hershey. 

« À 21 ou 22 ans, je n’aurais peut-être pas dit qu’il deviendrait entraîneur-chef et directeur général, mais ça ne m’aurait pas surpris qu’il reste dans le domaine du hockey », a noté Cassivi. 

« Quand il vient à Hershey l’été, et que les enfants sont couchés, on parle de hockey pendant des heures et des heures », a-t-il précisé. 

Laniel en fournit une autre preuve. 

« Il m’appelait pour me dire ‘Est-ce qu’on va à la pratique des Voltigeurs?’ Même si je ne pouvais pas parce que je travaillais, il y allait et il n’était pas gêné d’aller se présenter aux dirigeants », a exposé Laniel qui savait que le hockey lui coulait dans les veines. 

Son audace a porté fruits puisque Dominic Ricard et Mario Duhamel lui ont accordé sa première chance à Drummondville. Il a ensuite travaillé auprès de Martin Raymond qui a dirigé les Voltigeurs à son retour de Tampa Bay et Syracuse. 

« Au début, il m’a apparu inquiet, il ne me connaissait pas et il ne savait pas si j’allais le garder comme adjoint. Mais on a appris à se connaître et notre relation a tout le temps évolué de meilleure manière », a souligné Raymond que Robitaille voit désormais comme un mentor. 

Raymond ne s’en cache pas, il n’a pas ménagé Robitaille. Ils n’étaient que deux derrière le banc et ils n’étaient pas gâtés puisque les entraînements se tenaient à 8 h du matin. Par conséquent, ils devaient arriver à l’aréna vers 5 h 30 et le travail se finissait souvent tard en soirée. 

« Il a travaillé d’arrache-pied! En plus, il avait de jeunes enfants à la maison. Je lui en ai fait suer un coup », a admis Raymond qui est content de voir que Robitaille campera, avec ÉCJ, un rôle similaire au sien avec Benoît Groulx en 2015. 

Cette expérience à Drummondville l’a ensuite mené avec les Foreurs à Val-d’Or. L’année suivante, les Tigres lui ont confié son premier poste d’entraîneur-chef dans la LHJMQ. Après trois ans à Victo, il a hérité des commandes des Olympiques de Gatineau. 

Un fils à Hershey, un métier qui exige des sacrifices

Au fil des ans, les organisations sportives ont agrandi les groupes d’entraîneurs. Cela dit, ce métier demeure excessivement prenant et il exige des sacrifices au plan familial. C’est d’autant plus vrai pour Robitaille puisque son fils demeure à Hershey avec sa mère. 

« C’est sûr que c’est difficile. Je suis séparé, moi aussi, et mes enfants habitent à Hershey à deux minutes de ma maison. Je n’aurais pas voulu m’éloigner de mes enfants », a noté Cassivi qui lui lève son chapeau pour son dévouement. 

Louis RobitailleDepuis, Robitaille s’est marié à sa nouvelle conjointe et ils ont eu deux filles. 

« C’est exigeant émotivement, mais je pense que sa famille vit bien avec ça. Amélie était au courant de la réalité de son métier. Il avait mis cartes sur table dès le départ. Quand il est présent, il l’est vraiment même si son cellulaire n’est jamais tellement loin, a décrit Laniel en le taquinant. Il s’amuse beaucoup avec ses enfants, c’est un papa aimant à la maison. » 

Évidemment, Robitaille n’a pas agi de la sorte sans viser le sommet. En songeant à sa passion, aux sacrifices investis, aux échelons gravis sans tarder et à sa personnalité, les intervenants consultés considèrent que la LNH est à sa portée. 

Laniel évoque sa prestance incontournable, Cassivi expose son cheminement fascinant, Lambert le voit imiter des entraîneurs québécois comme André Tourigny et laissons le dernier mot à Raymond qui a œuvré dans la LNH. 

« Ça ne fait aucun doute dans mon esprit. Pour moi, c’est un slam dunk! Dans ma tête, c’est clair qu’il sera un atout pour l’organisation qui l’embauchera. C’est simplement une question de temps et de parfaire son expérience et ses connaissances », a conclu Raymond qui dit encore apprendre auprès des entraîneurs du volets Sports-études à l’école secondaire De Mortagne.