TOKYO - De toute la délégation canadienne des Jeux olympiques de Tokyo, les cyclistes Guillaume Boivin et Hugo Houle sont possiblement les seuls à savoir qu'ils ne se battront pas pour une médaille. Et ils en sont fiers.

Les deux Québécois auront pour mission de tirer l'Ottavien Michael Woods, meneur de l'équipe canadienne de cyclisme sur route, jusqu'au podium de la course de 234 kilomètres, disputée samedi.

« Nous sommes plutôt habitués. Je suis coéquipier de Mike pendant toute la saison (chez Israel Start-Up Nation), c'est donc la continuité de cette saison qu'on vit ici, a d'abord indiqué Boivin, qui participe à ses premiers Olympiques. C'est un sport particulier: c'est un sport d'équipe, mais il n'y a qu'un gars qui monte sur le podium. Pour moi, c'est un honneur d'être ici et d'aider un gars comme Mike, qui a une vraie chance de médaille. D'avoir un leader comme Mike, ça nous tire vers le haut. J'ai vraiment hâte. »

« Il faut connaître sa place en cyclisme, et je sais très bien que je ne gagnerai pas les Jeux olympiques sur un tel parcours, a ajouté Houle, qui était de l'aventure à Rio de Janeiro. De contribuer aux succès de quelqu'un d'autre, c'est comme ça qu'on trouve notre satisfaction. On est habitué par notre rôle dans nos équipes professionnelles et nous sommes reconnus pour nos qualités de coureur de soutien. Il y a des coureurs qui ne sont pas capables de faire ce travail, qui est bien vu dans notre milieu. C'est valorisant. »

« Et si Mike gagne une médaille, on la coupe en trois et on part chacun avec notre morceau! », a lancé à la blague Boivin.

Boivin, de Montréal, et Houle, de Sainte-Perpétue, devront avoir l'?il sur tous les coureurs autour d'eux afin d'amener Woods dans les meilleures conditions possibles vers l'ascension finale, au mont Fuji. Mais tout au long de la course, il y aura des moments clés que les deux hommes devront identifier afin de ne pas se faire larguer.

« C'est clair que le départ sera un moment crucial. Il n'y a pas nécessairement beaucoup de pays qui ont un leader aussi costaud que le nôtre pour la montée finale; il y en a donc beaucoup qui vont mettre la pression très tôt pour se bâtir une avance, a expliqué Houle. Notre rôle sera de filtrer qui va partir en force afin qu'on n'ait pas trop de coureurs costauds à l'avant et qu'on ne soit pas dans le trouble.

« S'il y a un groupe très fort qui s'échappe, il faut s'assurer d'y être. Si c'est un groupe qui ne vaut peut-être pas la peine d'être poursuivi, on restera en retrait pour protéger Mike jusqu'à l'ascension finale, la portion la plus importante. Il faudra qu'on reste dans le groupe jusque-là si on veut que Mike ait une chance. Une fois en haut, il ne restera que les meilleurs. (...) Au haut de la bosse, ce sera à Mike de jouer au niveau tactique. Il faut garder Mike confortable toute la journée. »

Ce sera davantage le rôle de Boivin de pourvoir au confort de ses coéquipiers, alors qu'on prévoit une chaleur accablante sur la mégapole nippone.

« Ça durera environ six heures et demie et il fera vraiment chaud. Il faut donc que Mike arrive le plus frais qu'il puisse être après une telle distance pour la dernière ascension.

« Il faudra aussi rester bien hydraté et garder notre chaleur corporelle à la bonne température, a poursuivi le vétéran de 32 ans. Ce sera mon travail d'aller à la voiture chercher des bidons et des sacs de glace qu'on pourra se mettre dans le cou. On devra consommer près d'un litre et demi de liquides à l'heure et on a que deux places pour mettre nos bouteilles sur le vélo. Je devrai aller au ravitaillement souvent. Je vais m'assurer qu'Hugo et Mike soient top shape!

« Si on peut passer le mont Fuji, on aura fait une belle course et on aura amené Mike à la dernière portion dans les meilleures conditions possibles. »

Concentré sur la course sur route

Houle participera également au contre-la-montre individuel, mercredi. Mais le cycliste de 30 ans n'a pas accordé trop d'attention à cette épreuve depuis son arrivée à Tokyo.

« À date, j'ai vu le parcours, mais je n'ai pas mis de temps dans la reconnaissance encore, a dit celui qui a terminé 21e de cette épreuve à Rio de Janeiro, en 2016. Je vais attendre après la course sur route. Je serai seul et j'aurai en masse de temps pour ça. »

Houle espère toutefois améliorer son résultat sur ce parcours qui lui sied bien, surtout en raison des ascensions moins ardues.

« Il faudra quand même faire une bonne gestion de l'effort. Je pense être assez habile là-dessus, ce qui pourrait m'avantager face à de gros coureurs plus costauds. C'est un beau parcours, mais très long. Au Tour de France, les contre-la-montre étaient longs, mais c'était autre chose. ( Tokyo), ce seront des efforts déployés davantage sur une heure que sur 30 minutes, comme nous sommes habitués. Ça change aussi la perception. Il y aura une bonne portion qui sera très difficile mentalement vers la fin du tracé. (...) J'espère qu'avec encore plus de récupération par rapport à la course sur route, je serai capable de faire un chrono intéressant. »

Une chose est certaine, les deux hommes éprouvent du plaisir à se retrouver ensemble aux JO.

« On se disait justement que ça faisait des années qu'on n'avait pas été cochambreurs ensemble, depuis nos années chez Spydertech, a raconté Boivin. Depuis qu'on a 15 ans qu'on fait des courses ensemble, c'est le fun de se retrouver ici et d'avoir un autre Québécois dans l'équipe. C'est un peu comme être à la maison. Nous sommes de bons 'chums': c'est le fun de vivre ça ensemble. »

Boivin a aussi noté à quel point il avait été heureux de se retrouver en compagnie d'Houle sur les Champs-Élysées à la fin du Tour de France, même s'ils sont des rivaux sur le circuit professionnel de l'UCI, Houle évoluant chez Astana-Premier Tech.

« C'était un beau feeling de voir deux 'ti-culs' du Québec qui finissent le Tour de France ensemble. Ce n'était jamais arrivé, deux Québécois sur les Champs-Élysées. »

Boivin et Houle ont terminé respectivement en 66e et 105e places de la Grande Boucle. Ils prendront le départ de la course sur route des Jeux olympiques de Tokyo à 22 h, vendredi, heure de Montréal.