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CF Montréal : une promotion inopinée qui n'effraie pas Patrick Viollat

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MONTRÉAL – Pendant la pandémie, Patrick Viollat a perdu un enfant. Ce que sa femme et lui pensaient à la base être une simple infection cachait en fait la présence d'une bactérie qui menaçait la vie de leur petit garçon. « On a vu un médecin avec les scaphandres et tout, on s'est fait dire que tout allait bien, que c'était juste une otite. On nous a dit d'aller à l'hôpital si on voyait quelque chose de particulier. C'est ce qui est arrivé. Là, on nous a dit que c'était grave. Deux jours plus tard, c'était fini. »  

Viollat a encaissé, a pardonné, a avancé. Il accepte de raconter cette partie de son histoire afin qu'on comprenne bien qu'il ne parle pas à travers son chapeau quand il dit qu'il a vécu « des choses beaucoup plus graves » que les circonstances qui l'ont parachuté au poste d'entraîneur-chef de l'équipe réserve du CF Montréal.

Le formateur a été embauché le 9 janvier comme adjoint à Sandro Grande. Après ce qu'il décrit comme un « 24 heures de folie », il s'est retrouvé gardien du plus haut palier de l'Académie du club. Cette promotion inopinée ne l'a pas effrayé, au contraire.

« La manière dont Marinos [Papageorgopoulos, le directeur de l'Académie] nous a recrutés et dont il l'a présenté aux joueurs, c'est qu'il voulait deux entraîneurs d'expérience avec de la compétence. Comme s'il était allé chercher deux entraîneurs-chefs, si je peux le caricaturer comme ça. Donc il savait que j'avais les compétences et moi j'étais très confiant par rapport à ce rôle. À la fin de la journée, ça reste du foot, hein? »

À 43 ans, Viollat intègre pour la première fois une structure professionnelle après avoir passé près de 15 ans au niveau amateur avec l'Association Régionale de Soccer (ARS) Concordia et l'ARS du Lac St-Louis. Contrairement à son « prédécesseur » ou à Hernan Losada, son homologue en charge de la première équipe, il n'a ni joué, ni dirigé au plus haut niveau.

« Je me suis rendu dans l'équivalent de la quatrième division en France. Je n'ai jamais eu de contrat pro. J'ai déjà gagné de l'argent grâce au foot, mais je n'étais pas un joueur sérieux. Il y avait trop de choses que j'aimais dans la vie. Aujourd'hui, je pense que mon expérience peut être un bon exemple pour ceux qui sont vraiment dévoués à devenir pro. Je suis bien placé pour leur dire qu'on fait certains choix dans la vie et que ce ne sont pas toujours les bons. Moi j'avais d'autres préoccupations et je ne me suis pas donné à 100% dans mon sport. »

C'est éventuellement son passage sur les bancs d'école qui l'a aidé à trouver sa vocation. Au début de la vingtaine, il a obtenu une maîtrise en Activité physique sportive à l'Université de Grenoble tout en entamant, en parallèle de son parcours académique, une formation d'entraîneur. Celui qui a « toujours travaillé à encadrer des jeunes » a vite su qu'il voudrait en faire un métier.

Mais, rebuté par l'aspect coupe-gorge du football européen, il s'est mis à la recherche d'un milieu de vie qui cadrait mieux avec son profil de pédagogue.

« En venant au Canada, je voulais travailler dans le soccer, mais je voulais aussi fuir le milieu qui est un peu selon moi entaché par le business autour du sport. C'est pour ça que je me suis trouvé dans le milieu amateur pendant toutes ces années. »

Des rencontres successives avec Rudy Doliscat, Robert Millien et Dominique Moyses lui ont rapidement permis de profiter d'une ouverture à l'ARS Concordia. Impressionné par son CV, son éventuel patron lui a demandé de faire ses preuves sur le terrain.

« Il voulait voir si j'étais capable de diriger une séance. Au bout de 20 minutes, il m'a arrêté et m'a proposé un job. »

Dans ses fonctions d'adjoint au directeur technique, Viollat a dirigé les sélections régionales et les équipes du programme sport-études de l'Association en plus de s'impliquer dans la formation des entraîneurs. Sur un autre tableau, il a donné un coup de main aux équipes masculine et féminine de l'Université McGill.

Une familiarité naturelle

Son expérience chez les pros a beau être limitée, Viollat n'arrive pas en terrain inconnu au CF Montréal. James Pantemis et Rida Zouhir, entre autres, ont déjà joué sous ses ordres. Ses anciennes fonctions lui ont permis de suivre de tout près le cheminement de Samuel Piette et Sebastian Brezza ou d'académiciens de première génération comme Zakaria Messoudi et Anthony Jackson-Hamel.

« J'ai la chance d'avoir touché pas mal de joueurs qui sont déjà à l'Académie, qui sont avec les pros ou qui sont passés avec les pros et qui ne sont plus là maintenant, affirme-t-il. Donc j'ai aussi cette expérience en termes d'identification, de reconnaissance de talent. Je pense que c'est même une de mes forces dans mon bagage, d'être capable d'identifier le talent et le potentiel chez les jeunes joueurs. »

Patrick ViollatDerrière sa voix posée et ses traits doux, Viollat se définit comme un entraîneur « quand même exigeant. »

« Je dois travailler sur le renforcement positif, dévoile-t-il avec une belle franchise. Je crois que la nature humaine est comme ça – on voit ce qui ne fonctionne pas, on veut réparer ce qui ne fonctionne pas, mais on ne parle peut-être pas assez de ce qui va bien. Je travaille là-dessus. »

« Mais je pense que je suis capable d'aller chercher de la crédibilité auprès des joueurs, ajoute-t-il. L'histoire m'a montré que certains joueurs avec qui je croyais avoir été trop sévère revenaient me dire bonjour des années plus tard en me disant comprendre pourquoi j'avais été sur leur cas. »

Liberté relative

Viollat qualifie déjà de « très bonne » la communication entre le staff de l'équipe première et celui de la réserve. Depuis son embauche, Hernan Losada a tenu une longue rencontre avec les parties prenantes de l'Académie pour exposer son modèle et ses idées. En amont du match amical entre les deux entités, au début du camp d'entraînement, « on s'est parlé de ce qu'il recherchait, de ses objectifs par rapport à cette première rencontre, et nous on s'est organisé pour leur poser des problèmes. »

Avant que l'équipe première ne quitte pour la Floride, il arrivait que Losada s'arrête dans le bureau de Viollat pour discuter d'un jeune qui s'entraînait avec les pros. « On ne veut pas les déranger, mais on a eu plusieurs rencontres informelles. »

Losada est arrivé à Montréal avec des idées de jeu claires. Viollat affirme toutefois que le stratège argentin, conscient du caractère éphémère de son titre, ne lui a imposé aucune restriction quant aux grandes orientations qu'il désire inculquer à son groupe. C'est une liberté que le coach de la réserve apprécie, mais qu'il sait relative.  

« À l'Académie, on est conscient que notre job, c'est que des joueurs se fassent signer avec les pros. Quand ils ont la chance de toucher le terrain avec les pros, ils doivent être capables de vite comprendre ce qu'on attend d'eux, de le mettre en pratique et d'être performants par rapport à ça. Donc on ne peut pas ne pas prendre en compte ce qui passe au-dessus, pour ces raisons qui sont l'essence même des objectifs de l'Académie. À partir de là, on doit essayer – et c'est ça qui est le plus difficile –de faire ressortir le plein potentiel individuel d'un joueur à travers des idées collectives qui vont fonctionner dans un groupe, mais qui sont transférables avec les pros. C'est ça mon job! »

Dans l'implantation de ses principes, Viollat devra aussi prendre en considération l'opposition à laquelle se frotteront ses protégés cet été. La Première Ligue de Soccer du Québec (PLSQ), un circuit semi-pro à propos duquel il avoue « avoir des devoirs à faire », est composé d'hommes matures et expérimentés qui peuvent faire la vie dure à un jeune qui tente d'épater la galerie.

« Le foot que j'aime, c'est un foot où on est en maîtrise du ballon, où on essaie de dicter le rythme du jeu. Mais je suis quand même quelqu'un de pragmatique. On va jouer dans une ligue où on va être très jeune et donc on ne va pas être capable de faire tout ce que j'aime. Un de mes défis, ça va être de présenter une équipe capable de s'adapter assez vites aux situations et de comprendre le jeu. »

« À partir du moment où nos joueurs vont être capables de comprendre ce qui se passe et de donner la bonne réponse en contrepartie, je pense qu'on va les aider à performer au niveau supérieur. »