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Supporter les supporteurs, le devoir de mémoire de Laurent Courtois

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MONTRÉAL – La soirée avait été éprouvante. Frustration, exaspération, incompréhension, tout ça était dans l'air. Tony Martino, qui gère les réseaux sociaux du groupe de supporteurs 1642MTL, s'est dit qu'il fallait que ça sorte.

Alors que s'écoulaient péniblement les dernières minutes du match entre le CF Montréal et le Toronto FC, il a commencé à préparer un message. À 21 h 26, il l'a envoyé sur les comptes « X » et Facebook des propriétaires de l'Étoile du Nord.

À son réveil, le lendemain matin, Martino a constaté qu'il avait du courrier dans sa messagerie. Au beau milieu de la nuit, Laurent Courtois avait pris le temps de répondre, en privé, au cri du cœur qu'il avait poussé au nom de son groupe. Les deux hommes ont échangé quelque peu, puis Martino a publié un autre « tweet » pour résumer son interaction avec Courtois. « Je vais tout donner », lui aurait notamment promis le coach.

Les « 1642 » ont pris l'habitude, dans les dernières années, d'établir une correspondance avec des acteurs importants du club. Certains acceptent de jouer le jeu plus que d'autres. L'année dernière, par exemple, Hernán Losada était allé les rencontrer autour d'une bière.  

« Il s'agit pour nous de canaux de communication qui valent de l'or », dit Martino.

Jamais auparavant un entraîneur n'avait pris l'initiative de contacter directement le groupe comme l'a fait Courtois en fin de semaine. Mais Martino dit ne pas avoir été surpris de voir le nom du coach en caractères gras dans son courrier. Peut-être parce qu'il savait le Français actif sur les réseaux. Peut-être aussi parce que le geste cadre avec l'image qu'il projette depuis son arrivée.

« Un peu comme on le voit quand il fait ses entrevues, pour moi c'était sincère, estime le partisan. C'est sa job de faire croire à tout le monde que tout va bien, mais j'ai senti une sincérité. Il a à cœur les préoccupations des supporteurs. »

Mardi matin, à sa première apparition publique depuis l'après-match à Toronto, Courtois s'est ouvert sur son rapport à ceux qui vouent un amour presque inconditionnel à leur club.

« Je dis ça à mes joueurs depuis le Jour 1 : à part le fait de tous vouloir connaître du succès dans nos métiers, dans nos départements, tout ça, on veut tous aussi rendre la pareille à ce que nos parents nous ont donné. Et je veux aussi donner un message à mes enfants. Je me rappelle, petit, quand mon père m'amenait au stade, ce que ça voulait dire pour lui et les sacrifices qu'il a faits. Ce par quoi on a fait passer les fans ce week-end, pour moi c'était quelque chose de très dur, comme pour beaucoup de joueurs aussi. On ne veut plus que ça se reproduise parce que ça veut dire quelque chose de très important pour nous. »

Comprendre et relativiser

Courtois, on le mentionnait plus tôt, est actif sur les médias sociaux. Son compte « X » est suivi par près de 6500 abonnés. Il l'utilise le plus souvent pour republier du contenu généré par le CF Montréal, mais aussi pour passer ses messages personnels. Dans la foulée de ses échanges avec les « 1642 », il a écrit « We owe you » (on vous en doit une), puis « On va revenir plus fort ». Chaque fois, ses mots étaient accompagnés du dessin d'un sablier.

Il lui arrive même de donner de la visibilité à des articles écrits à son sujet. L'homme de 45 ans est d'ailleurs abonné aux comptes de plusieurs journalistes affectés à la couverture de l'équipe et suit aussi des partisans du club.

« J'aime bien les réseaux, avoue-t-il. Des fois je suis dessus, je lis tout et des fois je coupe pendant des mois. Mais quand je regarde, je regarde tout. De temps en temps, j'aime bien partager. C'est quand je suis discret que je regarde le plus en fait. Quand je partage, je ne les suis pas. »

Au sujet de sa récente interaction avec les « 1642 », il reste discret : « J'avais envie de partager ça avec eux », se contente-t-il de dire.

De manière plus générale, dans l'écoeurement des derniers jours, on sent chez Courtois le besoin d'exprimer un dégoût authentique, de valider les émotions des partisans, tout en appelant au calme.

« Je répète, on parle de rivalité et de derby, j'ai très bien connu ça. Mais on a un rôle. On est aussi des éducateurs, on est des parents. Moi je suis fier que nos partisans étaient là et qu'il n'y a pas eu de mauvaises scènes. Qu'on envoie des messages à nos fans et nos enfants de la bonne manière. »

« [Moi aussi] j'ai envie de casser les murs, mais ça reste du foot. On ne va pas attiser la haine et faire comme s'il y avait mort d'hommes, hein? Regardons ce qui se passe autour de nous. Mais comment on peut trouver un moyen pour quand même faire passer le message que c'est vraiment un match qui a fait mal? Pas tant de perdre, mais on aurait voulu un peu plus de révolte, d'abnégation et de résilience. Mais voilà, on garde le cap. On ne se cache derrière aucune excuse. On se dit les choses en interne et on continue de travailler. »