MONTRÉAL – « As-tu l’impression qu’on t’a donné une réelle occasion de te tailler une place au sein de cette équipe? » Djordje Mihailovic considère longuement la question. Ses mots s’arrêtent un instant au bord de ses lèvres, en attente du feu vert, son hésitation semblant trahir un désir de camoufler le réel fond de sa pensée.

« Je pense avoir eu une chance équitable, finit-il par lâcher. Ils ont évalué tout le monde. Au final, ils ont bâti l’équipe qu’ils jugeaient être la meilleure pour la suite des qualifications, celle qui cadrait le mieux avec le plan de match. »

Le milieu de terrain du CF Montréal l’admet candidement : son exclusion de la sélection américaine pour l’avant-dernière fenêtre des qualifications en vue de la Coupe du Monde a fait mal. Pendant deux semaines en janvier, il avait participé à un camp d’entraînement sous les couleurs de son pays. C’était la première fois qu’il était convoqué par l’équipe senior en plus d’un an. L’attente avait été longue et frustrante. Mihailovic avait ouvertement exprimé son incompréhension sur la question vers la fin de sa première saison à Montréal, la meilleure de sa jeune carrière en MLS.

Ce récent appel de la patrie, même pour une audition ratée, l’a apaisé. Mais il ne l’a pas satisfait.

« Je pense que je méritais cette invitation, surtout avec mes performances de la saison dernière, s’explique Mihailovic en entrevue à RDS. Ça a occupé mon esprit pendant toute l’année. J’ai eu une année complète pour mériter une chance, mériter un autre appel, et je suis content qu’il soit venu. »

« Au camp, je me sentais à ma place, je me sentais comme un tout autre joueur que celui que j’étais à mon précédent séjour en équipe nationale. C’est le but, dans le fond. Le fait d’avoir été laissé de côté à la toute fin a été dur à accepter, mais je n’ai de contrôle que sur ma façon de jouer et je suis satisfait de ce que j’ai montré. »

C’est donc avec ses coéquipiers et entraîneurs du CF Montréal que Mihailovic, qui a déjà participé au processus de qualification olympique avec la sélection U23 et représenté son pays à la Gold Cup en 2019, a regardé le match entre les États-Unis et le Canada dimanche après-midi. Il a été la cible de railleries avant, pendant et après la victoire de 2-0 des représentants canadiens. James Pantemis, dit-il, a été son pire bourreau.

« Il ne m’a pas lâché du match. Toutes les occasions étaient bonnes pour qu’il soit sur mon dos », se plaint-il de bon cœur.

Après la rencontre, le sélectionneur américain Greg Berhalter a enflammé la toile en affirmant qu’il n’avait pas souvenir d’une équipe ayant offert « une performance aussi dominante sur un terrain adverse sans en soutirer de résultat. » Ses commentaires lui ont valu d’être pris en grippe par un nombre considérable de partisans américains et plusieurs membres des médias spécialisés. Preuve qu’il n’est pas rancunier, Mihailovic avait plutôt tendance à être d’accord avec lui.

« Si vous regardez la possession, si vous regardez les tirs au but, il a raison. Si vous regardez le pointage final, non. Je crois que les États-Unis ont gagné plus de duels, ils ont contrôlé le jeu. Mais au bout du compte, ça n’a aucune importance si vous ne marquez pas de but. Ce qui compte, c’est de gagner, pas de dominer. »

Heureux à Montréal

Mihailovic ne manque pas de motivation à l’aube de sa deuxième saison avec le CF Montréal. L’année dernière, le natif de Chicago s’est annoncé comme l’une des jeunes vedettes montantes de la MLS. Ses 16 passes décisives l’ont positionné au deuxième rang à ce chapitre à l’échelle du circuit tout juste derrière le joueur désigné du Revolution de la Nouvelle-Angleterre Carles Gil. Ses quatre buts l’ont placé au troisième rang au sein du Club de Foot, à égalité avec Sunusi Ibrahim et Joaquin Torres. Au final, son rendement lui a valu le titre de joueur par excellence de l’équipe selon un vote mené auprès des détenteurs d’abonnements au Stade Saputo.

Dans l’entre-saison, son agent a eu des discussions avec quelques clubs étrangers, avance le dynamique distributeur, mais rien de sérieux.

« Et je suis parfaitement en paix avec ça parce que je suis heureux où je suis, précise-t-il du même souffle. Je savais qu’un retour était l’option la plus probable et c’est vraiment ce que je désirais. À moins qu’une offre hors de l’ordinaire, quelque chose qui sort du champ gauche pour moi et pour le club ne survienne, ça a toujours été mon souhait. »

Entouré du même groupe qui a pris la MLS par surprise l’an dernier en flirtant avec une place en éliminatoires – le défenseur Alistair Johnston est la seule acquisition significative faite par le directeur sportif Olivier Renard – Mihailovic sent que les conditions sont réunies pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés pour 2022.

Sur le plan individuel, Mihailovic souhaite que les statistiques qu’il a accumulées la saison dernière devienne pour lui la norme. « Le travail ne s’arrête pas une fois que ces chiffres se retrouvent à ma fiche. Maintenant, il faut les remettre à chaque année. Le but est de maintenir ce niveau de jeu pour les cinq, dix prochaines années », clame l’ambitieux numéro 8.

Et au collectif, il souhaite de peaufiner sa capacité à s’ajuster aux imprévus d’un match et, surtout, à trouver la constance qui lui a fait défaut la saison dernière.

« L’an dernier, on a connu un bon départ en Floride, puis on a quelque peu piqué du nez en milieu de saison. Vers la fin, on n’a pas survécu à un calendrier difficile. Si on reste constants dans nos résultats et dans l’énergie qu’on déploie, vous devriez nous voir en playoffs. C’est l’objectif, il n’y a plus d’excuses. »