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RÉSULTATS

La main de Diego

Argentine Ces partisans argentins célèbrent la conquête de la Coupe du monde. - Getty
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DOHA, Qatar – La question n'est pas de savoir si vous croyez en ce genre de chose, mais plutôt comment vous décidez de l'interpréter.

 

Les plus pragmatiques d'entre nous se contentent habituellement d'appeler ça de la chance. D'autres, un peu plus rêveurs, n'hésiteront pas à parler de destin. Mais les vrais romantiques, et Dieu sait qu'ils s'ont nombreux dans les stades de foot, n'accepteront aucune autre explication que celle de l'intervention divine.

 

À quel camp vous rapportez-vous après avoir vu Lionel Messi soulever le globe doré qui lui avait pendant si longtemps échappé?

 

On a plusieurs fois eu l'impression qu'une force céleste s'acharnait sur le prodige de Rosario dans cette finale contre les champions en titre. Que cette cruauté dont seul le sport peut avoir le secret en ferait une fois de plus sa victime.

 

Voir s'envoler la chance d'être champion du monde provoque une douleur à laquelle Messi n'était pas étranger. Revivre les mêmes souffrances à la toute fin du tournoi de la dernière chance, après s'être cru à un quart d'heure d'un triomphe assuré? Se faire fermer les portes de la délivrance par un surdoué qui prétendait déjà à une deuxième parade – quel toupet! – quelques jours seulement avant son 24e anniversaire?

 

À la fin du temps réglementaire, le vent bombait les voiles du navire de l'équipe de France. Un long hiver d'insomnie semblait attendre le capitaine de l'Albiceleste.
 

Puis soudain, un second souffle.

 

Un hors-jeu évité par un cheveu à la 108e minute, menant directement au deuxième but du match de Messi. Le pied miraculeux du gardien Emiliano Martinez étiré à l'extrême pour toucher le tir à bout portant de Randal Kolo Muani. Les échecs français dans les tirs de barrage.

 

Vraiment, vous n'attribuerez rien de tout ça à la possibilité que Maradona, 36 ans après la Main de Dieu et sa consécration à l'Azteca, ait étiré le bras de tout là-haut pour dégager l'accès au paradis à son successeur?

 

Avant le début de cette Coupe du monde, peu de temps après notre arrivée à Doha, un Argentin nous avait sorti de nos rêveries dans un wagon de métro autrement désert. Déambulant en solitaire, le jeune touriste avait entonné un chant dont on n'avait alors capté que quelques bribes, mais qui allait devenir un air familier dans les semaines suivantes. Ses compatriotes seraient nombreux à le rejoindre et d'une seule voix ils en feraient leur hymne.

 

En Argentina nací, tierra de Diego y Lionel
de los pibes de Malvinas que jamás olvidaré
No te lo puedo explicar, porque no vas a entender
Las finales que perdimos cuántos años las lloré
Pero eso se terminó, porque en el Maracaná,
la final con los brazucas, la volvió a ganar papá

 

Les Argentins ont clairement choisi leur camp. La chance? Un peu de sérieux. Destin? Le mot est encore trop faible.

 

« Je savais que Dieu allait me donner une Coupe, j'en étais sûr », a dit Messi après la plus importante victoire de sa carrière.

 

Dans les gradins du stade Lusail, des amis, des collègues, des voisins essuyaient leurs larmes. Ils s'étreignaient, dansaient, chantaient. Plusieurs ont pris un moment pour passer un coup de fil à la maison. Parce que même quand les vraies célébrations se déroulent directement sous nos yeux, avec qui d'autres voudriez-vous vivre ces moments?

Muchachos, ahora nos volvimos a ilusionar!
Quiero ganar la tercera, quiero ser campeón mundial
Y al Diego, en el cielo lo podemos ver,
con Don Diego y con La Tota,
alentándolo a Lionel

Les Argentins ont compris. À quoi bon aimer le sport si on ne le laisse pas nous faire croire à l'impossible?