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Le show van Gaal

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Tableau de la Coupe du monde

AL RAYYAN, Qatar – On apprend somme toute bien peu de choses dans une conférence de presse d'avant-match à la Coupe du monde.

À la veille d'un match sans lendemain contre les Pays-Bas, les Argentins ont travaillé fort jeudi pour tenter d'obtenir du croquant sur l'état de santé de quelques joueurs de l'Albiceleste. Ils n'ont rien pu soutirer au sélectionneur Lionel Scaloni.

Tite, son homologue brésilien, s'est fait demander s'il n'était pas irrespectueux de la part de ses joueurs de célébrer leurs buts en dansant comme ils l'ont fait dans leur victoire contre la Corée du Sud en huitièmes de finale. Zlatko Dalic, l'entraîneur croate, a dû mettre quelque chose au clair avant de prendre sa première question : il n'avait voulu froisser personne en affirmant récemment que le soccer « n'est pas du patinage artistique » et s'est excusé pour son insensibilité.

C'est aussi ça, parfois, le soccer de haut niveau.

Par chance, il y a Louis van Gaal. L'entraîneur néerlandais est une vedette de sa profession, sans doute la plus grande parmi les 32 stratèges qui ont qualifié leur équipe pour le Mondial.

Sur le terrain, sa feuille de route est incomparable. Vingt et un des joueurs qu'il a sélectionnés pour l'accompagner au Qatar n'étaient pas nés lorsqu'il a pris en charge l'Ajax d'Amsterdam au début des années 1990. Il a remporté quatre championnats aux Pays-Bas, deux en Liga et un autre en Bundesliga. Il a fait trois finales de la Ligue des champions, en a remporté une. Il a signé une troisième place à la Coupe du monde. Il a dirigé les plus grands clubs d'Europe, plus récemment Manchester United.

Partout où il est passé, deux constantes : il a gagné et n'a laissé personne indifférent.

Devant les caméras, van Gaal est un intervenant aussi spectaculaire que le sont ses réussites sportives. Plus tôt cette année, le quotidien britannique The Mirror le décrivait comme « l'une des voix les plus charismatiques, drôles et honnêtes » dans le monde du football. L'homme de 71 ans dit ce qu'il pense sans égard aux malaises qu'il peut provoquer ou aux égos qu'il peut écorcher. On devine même que son plaisir est proportionnel à la fréquence de ces occurrences.  

Il a été à la hauteur de cette réputation jeudi quand les entraîneurs des quatre premiers quart-de-finalistes ont rencontré la presse.

Pour un intéressé de la chose médiatique, la perspective d'assister à une conférence de presse de van Gaal peut s'avérer aussi attrayante que celle d'aller voir un match de son équipe. À moins, peut-être, qu'on soit sélectionné pour lui poser une question. Aux collègues habitués à la couverture du CF Montréal, on pourrait dire de van Gaal qu'il fait passer Thierry Henry pour un personnage aussi corrosif que Claude Lafortune ou Gino Chouinard.

À une journaliste qui lui posait la question plus que pertinente sur la façon dont il pensait contrer Lionel Messi, il a répondu : « On ne va quand même pas vous révéler nos tactiques, ça serait pas mal stupide. Mais ce n'est pas difficile d'imaginer la réponse, même vous seriez capable de la trouver. »

À un autre qui lui demandait comment il préparait son équipe pour une éventuelle séance de tirs de barrage – c'est précisément dans ce contexte que son équipe avait été battue par l'Argentine en demi-finale de la Coupe du monde en 2014 : « On ne va quand même pas forcer nos joueurs à tirer dans une certaine direction. Cette question est ridicule, insensée. »

À un chroniqueur néerlandais avec qui il a visiblement un lourd historique : « Ta question, je n'y répondrai pas. Je la trouve extrêmement négative. »

Van Gaal ne manque pas non plus de confiance quand on remet en question ses idées de jeu. « En 2014, j'ai commencé à développer un système plus défensif. Les gens m'ont critiqué pour ça, mais aujourd'hui la moitié de la planète joue ce genre de football », s'est-il vanté avant de se lancer dans une explication généreuse de sa philosophie.

Cet interlocuteur provocateur et sans filtre laisse aussi parfois paraître un côté humain et un humour pince-sans-rire qui semble davantage aligné avec l'homme que ses joueurs côtoient en privé. Quand un intervenant argentin lui a relayé les propos d'Angel Di Maria, qu'il a dirigé à Manchester United et qui l'a récemment identifié comme le pire entraîneur qu'il avait connu, van Gaal s'est lancé dans une mise en contexte pleine d'empathie avant d'affirmer qu'il était dommage qu'un ancien protégé ait tenu de tels propos.

« Les joueurs qui ont dit ça sont plutôt rares. D'habitude c'est même l'inverse », a-t-il lâché avant d'inclure Memphis Depay, son joueur qui était assis à sa gauche, dans son délire.

« Memphis a lui aussi déjà joué pour moi à Manchester. Et regardez-nous aujourd'hui, on s'embrasse... sur la bouche même! »

Van Gaal, qui a récemment annoncé à ses joueurs qu'il était traité pour une forme agressive du cancer de la prostate, en est probablement à son dernier tour de piste avec cette sélection néerlandaise dont il est à la tête pour la troisième fois.

Ses joueurs sont à trois victoires de lui offrir une retraite dorée. Mais avec l'Argentine et possiblement le Brésil à l'horizon, il leur faudra plus que des belles paroles pour y arriver.