COLLABORATION SPÉCIALE

 

Cette semaine, on prend une pause de l’hiver suédois et on s’envole vers l’Espagne. Chaque présaison, Kristianstads DFF utilise une partie de son budget pour financer un camp préparatoire à l’extérieur du pays. C’est une initiative qui a pour but de resserrer les liens entre les joueuses autant sur le terrain qu’en dehors.

 

Cette année, nous allons visiter le soleil de Marbella, où nous aurons l’occasion de jouer deux matchs contre des équipes scandinaves qui en avaient elles aussi assez du froid.

 

Samedi matin, 3 h. Ève et moi trimballons nos valises pleines à craquer dans les rues désertes de Kristianstad. Dans dix heures, nous aurons les deux pieds dans le sable d’Andalousie. Il y a une semaine, j’étais très enthousiaste à l’idée de participer à ce camp d’entraînement. Cet enthousiasme a malheureusement été ébranlé il y a quelques jours, lorsque je me suis blessée à la cheville droite à l’entraînement.
 

Ce n’est pas un scénario idéal pour moi.

 

À une semaine de la Coupe Arnold Clark, tournoi auquel l’équipe canadienne participe, j’aurais aimé pouvoir prendre part aux entraînements et aux matchs afin d’être prête à performer sur la scène internationale. Je devrai plutôt me concentrer sur la réadaptation de ma cheville.

 

À notre arrivée à Marbella, nous sommes libres de faire ce que nous voulons pour quelques heures. Mon groupe, composé de deux Américaines, deux Canadiennes et une Suédoise, décide de passer ces quelques heures de liberté à la plage.

 

Nous prenons une des voitures d’équipe et choisissons une plage au hasard. À notre arrivée à la plage, nous réalisons que nous aurions dû faire des recherches plus approfondies lors de la sélection de notre destination. Il s’agit probablement de la plus petite plage de Marbella, avec un sable qui ressemble un peu trop à celui des rives du Saint-Laurent. Au lieu d’étaler nos serviettes sur des cailloux, nous nous dirigeons vers la ville pour aller prendre un café et visiter.

 

En soirée, nous nous regroupons pour une réunion d’équipe. Lors de cette réunion, Beta nous fait part de l’histoire du club.

 

Il y a quelques années, KDFF était au bord du gouffre.

 

Enchaînant les défaites et sans réel support financier, l’équipe était à deux doigts d’être reléguée. Difficile d’être motivée lorsque les mois sans salaire s’enchaînent.

 

Un peu avant le début de l’été, les membres du conseil du club avaient annoncé à Beta qu’il n’y aurait pas de prochaine saison pour KDFF. L’entraîneuse a refusé de baisser les bras. Avec l’aide des joueuses de l’équipe, elle a passé l’été à amasser de l’argent et à recruter des commanditaires.

 

À la fin du mois d’août, l’équipe avait réussi à assembler le montant nécessaire pour éviter la faillite. Il ne leur restait qu’à s’échapper de la relégation.

 

Dans un dénouement digne de la quatrième saison de la série Drive to Survive, ce n’est qu’au dernier match de la saison que l’avenir du club a été confirmé: l’équipe serait de retour en première division l’année suivante.

 

À la fin du discours de Beta, je regarde derrière moi. Alice et Mia, les deux seules joueuses restantes de cette équipe miraculée, ont les larmes aux yeux. Pour elles, gagner le championnat suédois ne serait pas seulement l’accomplissement d’une saison, mais bien le fruit de plusieurs années de résilience et de travail acharné. Je réalise le privilège que j’ai de jouer dans un club façonné par la passion de celles qui ont porté le maillot avant moi.

 

À l’entraînement le lendemain, il est clair que je ne suis pas la seule à avoir été inspirée par le discours de Beta. L’intensité et la concentration sont au rendez-vous. Cette nouvelle mentalité qui habite le groupe, je la remarque toute la semaine à l’entraînement, et elle se manifeste également durant les matchs que nous jouons.

 

Installée sur mon vélo stationnaire devant la porte vitrée du gym, je regarde mon équipe marquer deux buts dans les cinq premières minutes de notre match contre Eskilstuna, qui fait elle aussi partie de la première division suédoise. Défensivement tant qu’offensivement, toute l’équipe est sur la même longueur d’ondes, Eskilstuna a peine à se sortir de sa propre demie. Nous gagnons le match par la marque décisive de 5 à 1.

 

Si nous continuons à jouer avec cette même ardeur, lever la coupe à la fin de la saison ne sera pas un objectif aussi inatteignable qu’il l’était il y a quelques années.

De mon côté, après plusieurs visites au gym et beaucoup trop de temps passé sur une selle de vélo stationnaire et celle de l’encore plus désagréable « assault bike », je m’envole vers l’Angleterre, pays hôte de la coupe Arnold Clark, en sachant que j’ai fait tout le travail nécessaire pour rétablir ma cheville et être prête à performer.